Lorsque, mort ou vif, Laurent Gbagbo sortira de sa résidence, Alassane Ouattara, son rival depuis vingt ans, pourra prendre ses fonctions de président de la Côte d’Ivoire.
Mais à mesure que les jours passent et que la situation humanitaire s’aggrave dans une ville livrée aux pillages, les questions s’accumulent< pourra-t-il gouverner sur un champ de ruines, comment rétablira-t-il son autorité sur un pays profondément divisé<
Ses partisans se montrent optimistes<: ils mettent en valeur les qualités intellectuelles de l’homme, brillant économiste libéral, ils estiment que les appuis dont il dispose en Occident lui permettront d’obtenir, dès son entrée en fonctions, la levée des mesures d’embargo qui avaient paralysé l’économie ainsi qu’une aide substantielle, afin de reconstruire au plus vite un pays qui a pour vocation d’ être un pôle de développement régional.
En outre, durant les quatre mois qu’il passa, quasi reclus, à l’hôtel du Golf, Ouattara tint des propos mesurés. S’ il s’opposa à un recomptage des voix dans le Nord, où des irrégularités avaient été dénoncées, en revanche, il offrit aux partisans de Gbagbo des places dans son futur gouvernement et s’efforça de tendre la main à ses adversaires. Mais cette modération dans les propos publics s’accompagna aussi d’une action sur deux plans: d’une part, avec méthode, Ouattara tenta d’étrangler financièrement son rival, bloquant les comptes et les flux financiers, obtenant un embargo européen sur les exportations de cacao. Mais ce faisant, s’il accula le clan Gbagbo, il mit également à genoux l’économie de son pays, suscitant de profondes rancoeurs. Et d’autre part, les forces régulières ivoiriennes, armée, police et gendarmerie ayant refusé de faire défection et demeurant loyales à Gbagbo, Ouattara fut obligé de se constituer une «<>armée de rechange<>» aujourd’hui baptisées «<>forces républicaines<». En réalité, aux côtés des ex-rebelles qui ont régné sur le Nord du pays durant dix ans, des chefs de guerre comme Wattao ou Cherif Ousmane ont rejoint le mouvement, en plus de supplétifs vraisemblablement fournis par les pays voisins (Nigeria, Burkina Faso). Ces forces hétéroclites, pénétrant dans un Sud hostile et dans une capitale qui, à 54% s’était prononcée pour le président sortant, se sont livrées à des pillages, des actes de représailles et, dans l’ Ouest, fief de Gbagbo, à des massacres d’envergure dont on n’a pas encore mesuré toute l’ampleur.
On sait aujourd’hui que la France ne se contenta pas de conseiller et de soutenir cette «armée invisible», mais que les bombardements d’Abidjan avaient aussi pour but de forcer la victoire militaire et de vaincre des résistances plus importantes que prévu. Un tel succès militaire, obtenu au prix de tant de morts, de destructions, ne risque-t-il pas d’entraîner un échec politiqueultérieur?
Même s’il réclame des enquêtes et promet de châtier les coupables, M<. Ouattara ne sera-t-il pas éclaboussé par les crimes commis des troupes qui se réclamaient de lui? Si le principe de la chaîne de commandement s’applique en Côte d’Ivoire comme il le fut en République démocratique du Congo (où Jean Pierre Bemba fut inculpé par la CPI pour des exactions commises par ses troupes en Centrafrique), M. Gbagbo devra répondre d’actes commis par les «<>» mais M. Ouattara sera aussi tenu pour responsable des tueries de Duekoué et d’ailleurs.
Si la nationalité de M. Ouattara fut longtemps contestée, en réalité, ce personnage mixte, qui noua aussi des alliances avec des notables du sud, incarne bien la diversité ivoirienne. Si nul ne le qualifie plus d’étranger, il devra cependant prouver qu’il n’est pas le «<, redevable à ceux qui ont bombardé Abidjan à son profit…
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Posté par rwandaises.com