Il vient de remporter la présidentielle avec plus de 98% des suffrages, sans forcer son talent. Ce qui peut paraître sous d’autres tropiques comme un score stalénien, est ici l’expression sincère d’un peuple reconnaissant en un leader qui sait montrer l’exemple et se mettre devant par l’exemple.
Paul Kagamé a été élu pour la première fois en l’an de grâce 2000, président du Rwanda, à la place du président Pasteur Bizimungu démi par l’Assemblée nationale. Depuis, l’homme a entrepris des réformes, prêchant par l’exemple. « Nous avons voulu des solutions rwandaises aux problèmes rwandais affirme-t-il dans un entretien qu’il nous a accordé à l’issue des votes.
Le Rwanda a une particularité : petit pays colonisé par des collines, il a connu un des purs génocides de l’histoire de l’Afrique, et des populations obligées de se réfugier des générations durant hors des frontières du pays. Puis vint Kagamé, redonnant à un peuple meurtrit sa dignité. Du coup, les cris faussement indignés des organisations des Droits de l’Homme ou de la communauté internationale face à l’homme, est perçu à Kigali comme des tentatives de négation du parcours du peuple. « A quoi servirait une démocratie qui n’apporterait pas du pain au peuple ? » s’interrogeait Kagamé lui-même lors de la campagne dans une province.
La Commission électorale (NEC), en publiant les résultats a rassuré le peuple rassemblé à la permanence du parti, le Front patriotique Rwandais. En définitif, Kagame a plus de 98%, ne laissant aucune chance à l’indépendant Philippe Mpayimana et à Frank Habineza, leader du Parti démocratique vert.
Un homme au destin précoce
Né dans une famille des Batutsi le 23 octobre 1957 sur la colline de Nyarutovu dans la commune de Tambwe, province du Sud (ancienne préfecture de Gitarama) près du centre de Ruhango, Paul Kagamé quitte son pays avec sa famille en 1961 après son indépendance, à l’âge de quatre ans, à la suite des persécutions des Tutsi depuis la révolution rwandaise en 1959. La famille s’installe à Gahunge, dans le district de Toro en Ouganda. Paul Kagame aurait fait ses études secondaires successivement à la Ntare School de Mbarara, puis à la Old School de Kampala de 1972 à 1976.
En 1979, alors qu’il n’a que 22 ans, il rejoint les maquisards venus de Tanzanie sous la direction du futur président ougandais, Yoweri Museveni, dans un mouvement de résistance au régime d’Idi Amin Dada, qui devint la NRA, National Resistance Army, soutenue politiquement, économiquement et militairement par les États-Unis. Plusieurs réfugiés rwandais font aussi partie du noyau de cette rébellion qui renverse ensuite, en 1985, le président Milton Obote, puis en 1986 le président Tito Okello. Après le coup d’État de la NRA en 1986, Yoweri Museveni devient président de la République de l’Ouganda et plusieurs de ses compagnons d’armes rwandais deviennent officiers dans l’armée ougandaise. Paul Kagame est gradé major et obtient un poste important de directeur adjoint des services de renseignement militaire de l’armée ougandaise.
En 1989, il épouse à Kampala Jeannette Nyiramongi, dont la famille était réfugiée au Burundi. Tous deux sont parents de quatre enfants.
Venant d’Ouganda, le 1er octobre 1990, le Front patriotique rwandais (FPR), formé dans les années 1980 par des exilés rwandais arrivés depuis 1959 et dirigé par Fred Rwigema, entre au Rwanda par la force, après des négociations sans succès pour leur retour au pays, déclenchant ainsi la guerre civile rwandaise. Dès le 2 octobre 1990, Fred Rwigema est tué pendant les combats Paul Kagamé, prend les commandes du FPR qu’il avait créé avec Fred Rwigema, son vieil ami.
En 1994, à la suite de l’attentat contre le président Juvénal Habyarimana, se déclenche le génocide des Tutsis du Rwanda. Paul Kagame mène dès lors les troupes du FPR à la victoire militaire contre les Forces armées rwandaises et le gouvernement génocidaire malgré des troupes inférieures en nombre (15 000 hommes contre 50 000) et des moyens militaires moins importants, par son sens stratégique et sa fermeté.
Suite à sa victoire militaire, le FPR établit un gouvernement d’unité nationale, sur la base des accords d’Arusha, mais excluant les partis qui soutenaient les forces génocidaires : la CDR et le MRND. Pasteur Bizimungu devient président de la République le 19 juillet 1994, Faustin Twagiramungu devient Premier ministre et Paul Kagame, devient vice-président et ministre de la Défense.
Paul Kagamé est ensuite l’artisan de la « reconstruction » du Rwanda, complètement détruit et vidé par le génocide. Il chasse les Bahutu » ayant organisé et conduit le génocide des Batutsi, et contribue à la mise en place d’un régime où les femmes ont une place parfois majoritaire, comme au Parlement.
Beaucoup d’observateurs accordent à Paul Kagame le mérite d’avoir apporté la stabilité et la croissance économique de ce pays dévasté. L’efficacité de la lutte contre la corruption au Rwanda, y compris contre des proches de Paul Kagame, est maintenant reconnue au niveau international.
Le FPR, un modèle de leadership
Profondément marqué par les années de guerre et de clandestinité, le Front patriotique rwandais d’aujourd’hui n’est, bien sûr, plus le mouvement clandestin qu’il était dans les années 1980. Mais son organisation interne et ses valeurs initiales – discipline, loyauté et esprit de sacrifice – ont subsisté. Mieux : en deux décennies (le FPR est arrivé au pouvoir en 1994), elles se sont largement diffusées à l’État et à la société rwandaise. Si bien qu’il est désormais difficile de comprendre le pays des Mille Collines sans connaître l’histoire de ce parti si particulier.
Dès sa fondation en 1987 (et donc bien avant le génocide), le FPR proclame le rejet de toute discrimination ethnique, dont ses créateurs et leurs familles ont tant souffert. Au point d’étonner certaines jeunes recrues revanchardes. Le FPR veillera d’ailleurs à nommer des Bahutu aux plus hautes responsabilités : Alexis Kanyarengwe sera son président de 1990 à 1998 et Pasteur Bizimungu, chef de l’État de 1994 à 2000.
Tito Rutaremara, sénateur, un des pionnier du parti qui sera piégé d’ailleurs à l’intérieur du parlement lors du déclenchement du génocide, explique que le mouvement est ancré dans les cultures et chaque acte est testé par les traditions avant son application.
« Nous sommes le seul mouvement de libération qui n’a jamais connu de détournement d’argent, même au pouvoir », ajoute Tito Rutaremara.
Alexis Kalambry (envoyé spécial)Posté le 10/08/2017 par rwandaises.com