Cette manière d’envisager la Collaboration suscite le malaise. Un questionnement sérieux sur une période aussi problématique de l’Histoire ne peut se faire à travers les témoignages d’enfants de coupables. Le regard qu’ils portent sur leurs parents est nécessairement biaisé par la subjectivité de l’intimité et de l’affection familiale. Ils nous parlent de parents gentils et débordant d’amour, là où nous voyons des militants fanatiques d’une idéologie mortifère. Même si certains de ces enfants de collabo expriment de la réprobation et du dégoût pour les crimes commis par leurs pères, ils ne peuvent s’empêcher de minimiser, d’atténuer et de relativiser la portée des crimes commis.
Mais le plus insupportable réside dans la tonalité victimaire qui domine cette série documentaire. Le sentiment d’injustice est omniprésent. Par un inversement total des valeurs, ces enfants (qui ne le sont plus tout aujourd’hui) construisent une narration dans laquelle ils ont subi et subissent les conséquences d’une répression injuste ! Si c’est cela qui doit permettre aux Flamands d’affronter les heures les plus sombres de leur histoire et d’évacuer le mythe flamingant d’une Flandre trompée par les Allemands et victime de la vengeance belgicaine, il est permis d’en douter sérieusement. Une manière habile de tourner la page sans rappeler que ces collaborateurs luttant pour l’indépendance de la Flandre adhéraient aussi pleinement à l’idéologie d’un Ordre nouveau antidémocratique, fasciste et antisémite.
Est-il possible pour les Juifs de Belgique, descendants de rescapés de la Shoah dans leur immense majorité, de regarder ce documentaire sans éprouver de la colère ? Non. Les lamentations de ces enfants de collaborateurs et le regard évidemment tendre qu’ils portent sur leurs parents est inaudible au regard de ce que les rescapés de la Shoah ont subi pendant et après la Guerre. Et contrairement aux collabo-rateurs flamands qui ont touché aisément des pensions d’anciens combattants que l’Allemagne (RFA) leur a versées (entre 600€ et 1.500€ par mois) et que leurs descendants touchent encore sans les déclarer au fisc belge, les Juifs ont dû entamer des démarches lourdes pour obtenir des dédommagements de la RFA. Mais au-delà des difficultés matérielles auxquelles ils ont été confrontés, les rescapés de la Shoah ont dû apprendre à revivre normalement alors que cette tragédie n’a cessé de les hanter. Ils sont d’ailleurs encore nombreux à passer des nuits agitées pleines de cauchemars dans lesquels leurs bourreaux les poursuivent sans relâche et leurs proches sont assassinés. Ce n’est sûrement pas ce genre de documentaire qui leur permettra de trouver enfin la tranquillité de l’âme. Autant de tourments que n’ont pas subis ces collabos pétris dans leurs certitudes les plus abjectes.
Pour que les Flamands puissent bien appréhender ce passé trouble et en tirer les leçons politiques qui s’imposent, c’est d’Histoire, c’est-à-dire d’un « récit d’événements vrais qui ont l’homme pour acteur » (expression forgée par le grand latiniste Paul Veyne), dont ils ont besoin et non des interprétations victimaires de descendants de collabos.
La dernière série documentaire que la VRT diffuse en six épisodes est consacrée à la Collaboration flamande. Loin de proposer au grand public une description plus détaillée et démystifiée de cette page sombre du passé flamand, Kinderen van collaboratie (Les enfants de la Collaboration) a fait le choix d’une narration biaisée.
http://www.cclj.be/actu/politique-societe/insupportable-regard-enfants-collabos
Posté le 26/02/2018 par rwandaises.com