« Le Rwandais Paul Kagame nous montre ce qui peut être fait et comment. Mais après lui, que restera-t-il ?
Un autre homme fort? »
À cette interrogation posée par un « ami », voici une réponse:
Mettre ou remettre sur orbite, c’est le rôle des grands hommes politiques!
Les États Unis ont survécu au Grand Roosevelt (New Deal), le Japon à l’empereur Mutsuhito (Ère Meiji), la France au Grand Charles(La France de retour dans la Cour des Grands de ce monde…)
Point commun aux grands hommes : visionnaires et (donc) charismatiques et (donc) exceptionnels, rares…
Et qui ont a agi dans la durée :
Franklin Roosevelt (3 mandats de 4 ans et il est décédé à l’entame du 4ème ), l’empereur Meiji a régné plus de 45 ans, de Gaulle ( 2 mandats et il a démissionné après plus de 10 ans de présidence à 79 ans…); et Paul Kagame en est à son troisième mandat et le pays de Gihanga, qui était tombé après la colonisation et surtout après le Génocide contre les Batutsi, a encore besoin de lui pour renaître de ses cendres et se remettre sur orbite en renouant avec ses racines!
Bref,ce qui compte, ce n’est pas le nombre de mandats ni leur durée, ce qui compte, c’est ce qu’on en fait dans l’intérêt général!
Lire aussi:
Kagame : Deux mandats puis s’en va
TWAHIRWA André
Vu de Washington ou de Paris, la limitation à deux mandats
présidentiels est intangible, sacrée. Et pourtant, aux Etats-Unis
d’Amérique et en France, les plus anciennes démocraties occidentales à
régime présidentiel ou semi-présidentiel, elle ne date que d’avant-hier
voire d’hier. Et, dans les deux cas, elle a été conditionnée par un
contexte national particulier.
Etats Unis : le XXIIe amendement
Jusqu’en 1951, la limite maximale de deux mandats présidentiels n’était qu’une simple tradition : George (…)
Vu de Washington ou de Paris, la limitation à deux mandats présidentiels est intangible, sacrée. Et pourtant, aux Etats-Unis d’Amérique et en France, les plus anciennes démocraties occidentales à régime présidentiel ou semi-présidentiel, elle ne date que d’avant-hier voire d’hier. Et, dans les deux cas, elle a été conditionnée par un contexte national particulier.
Etats Unis : le XXIIe amendement
Jusqu’en 1951, la limite maximale de deux mandats présidentiels n’était qu’une simple tradition : George Washington déclina son troisième mandat en 1796. Le XXIIe amendement de la constitution fixant à deux la limite du nombre de mandats que peut exercer le président et adopté par le congrès américain le 21 mars 1947. Il est ratifié le 27 février 1951.
« Section 1. Nul ne pourra être élu à la présidence plus de deux fois, et quiconque aura rempli la fonction de président, ou agi en tant que président, pendant plus de deux ans d’un mandat pour lequel quelque autre personne était nommée président, ne pourra être élu à la fonction de président plus d’une fois.
Mais cet article ne s’appliquera pas à quiconque remplit la fonction de président au moment où cet article a été proposé par le Congrès, et il n’empêchera pas quiconque pouvant remplir la fonction de président, ou agir en tant que président, durant le mandat au cours duquel cet article devient exécutoire, de remplir la fonction de président ou d’agir en tant que président durant le reste de ce mandat. »
« Section 2. Le présent article ne prendra effet qu’après sa ratification comme amendement à la Constitution par les législatures de trois quarts des différents États dans un délai de sept ans à dater de sa présentation aux États par le Congrès.
Le contexte
Franklin D. ROOSEVELT, le président trois fois réélu (1933, 1937,1941, 194)
La dernière candidature de Franklin Roosevelt, en 1940, suscita beaucoup
de controverses y compris au sein de son parti. Il promit alors qu’il
ne la maintenait que s’il était plébiscité par les délégués du parti
(démocrate). Au grand étonnement de ses adversaires aux primaires, la
salle cria « Nous voulons Roosevelt… Le monde veut Roosevelt ! ». Les
délégués s’enflammèrent et le président sortant fut nommé par 946 voix
contre 147 !
Franklin Roosevelt fut élu quatre fois. Sans son décès prématuré (lié sans doute à sa poliomyélite), il aurait fait quatre mandats entiers au moins. Et cette longévité exceptionnelle au pouvoir est liée à la fois à ses qualités hors du commun et à son bilan exceptionnel dans des circonstances exceptionnelles des années 1929 -1945(la grande Dépression de 1929 et la Seconde Guerre mondiale). Les Américains le placent sur le podium comme le troisième meilleur Président juste derrière Washington et Lincoln, qui auraient pu gagner plusieurs mandats eux aussi : le père de l’indépendance était sans doute fatigué et le grand artisan de l’abolition de l’esclavage (22eme Amendement) fut assassiné.
Qu’est-ce qui va alors pousser Harry S. Truman, le vice-président de Franklin Roosevelt depuis le 20 janvier 1945 seulement, à proposer au congrès américain de limiter à deux le nombre de mandats ?
Harry S. TRUMAN et l’adoption du XXIIe amendement
Harry Truman a été (ré-) élu en 1948 ; mais ses huit ans de pouvoir sont marqués par le lancement de deux bombes contre le Japon, le début de la guerre froide et, sur le plan intérieur, par les dérives et les délires anti-communistes du maccarthysme.
Manifestement, le colistier de Roosevelt en 1944 ne semble pas avoir été l’homme de la situation. Les élections de 1948 furent remportées de justesse : son parti était divisé. L’on est en droit de se demander si c’était pour faciliter, en l’accélérant, l’alternance des élus présidentiels qu’il proposa le 23eme Amendement au Congrès. A bien lire le texte, ce fut d’abord par simple calcul électoral, « pour ses propres intérêts politiques ».
En effet, c’est seulement en 1947, une année avant la fin de son premier mandat et dans la perspective de sa campagne pour un deuxième qu’il propose au Congrès l’amendement. Par ailleurs, en vertu du deuxième alinéa « section 1 », rien ne l’empêchera de se représenter et d’aller jusqu’au bout de son éventuel troisième mandat : l’amendement, adopté en 1947, est ratifié en 1951, une année avant la fin de son deuxième mandat.
Par la suite, la limitation à deux mandatures facilitera la réélection des présidents sortants au second mandat. En effet, de 1948 à nos jours, les deux seuls présidents à ne pas être réélus sont Jimmy Carter, « sorti » en 1980 par le républicain Ronald Reagan et après l’humiliante prise d’otages de l’ambassade américaine de Téhéran (pendant 444 jours, cinquante-deux diplomates et civils américains ont été retenus en otage par des étudiants iraniens), et George H. Bush, battu par Bill Clinton en 1988, après avoir été vice-président pendant les deux mandats de R. Reagan (1981-1989).
On va retrouver la même dose de calcul électoral en France dans les réformes du mandat présidentiel chez les héritiers du Général de Gaulle.
LA FRANCE : L’ARTICLE 6 ET SON EVOLUTION DEPUIS 1958
En France, la limitation du nombre de mandats présidentiels ne date que
de …2008 ! Et l’article 6, qui porte sur l’élection du Président de la
République, a été révisée 3 fois en moins d’un demi-siècle (1962, 2000,
2008). Soit une révision presque tous les 15 ans.
Le référendum de 1962 et la présidentialisation du pouvoir.
Le texte : Le Président de la République est élu pour sept ans au suffrage universel direct.
Le contexte.
En réaction à la très forte instabilité politique (plus de 20
gouvernements en 12 ans !) de la 4ème République (1948-1958) de type
parlementaire, la constitution de 1958 accorde beaucoup de pouvoir au
président de la république. Le Président est ainsi chef de l’Etat et des
armées, il négocie et ratifie les traités, il nomme le Premier ministre
et les ministres, il préside le Conseil des ministres, il promulgue les
lois, il a le droit de dissoudre l’Assemblée nationale, il peut prendre
l’initiative d’un référendum et il dispose de pouvoirs spéciaux si les
circonstances l’exigent, en cas de guerre par exemple ; il a même le
« droit de faire grâce ».
Mais la veste taillée sur mesure pour le « Grand Charles » allait se
révéler trop grande sur les épaules « ordinaires » de ses successeurs.
Et, c’est presque contraints et forcés que Jacques CHIRAC puis son
successeur, Nicolas SARKOZY, vont finir par réduire la durée du mandat
puis le nombre de mandats présidentiels.
Le texte : Le Président de la République est élu pour cinq ans au suffrage universel direct.
Le contexte.
Le passage de sept à cinq ans de la durée du mandat du Président de la
République française a été approuvé définitivement par le peuple
français lors du référendum du 24 septembre 2000. Celui-ci est
l’aboutissement de toute une série de débats et de crises qui ont animé
la vie politique française notamment à l’occasion des trois
« cohabitations » à la tête de l’exécutif français : gauche-droite de
1986 à 1989 et de 1993 à 1995 puis droite-gauche de 1997 à 2002.
Charles de Gaulle aurait certainement démissionné dans une situation
de cohabitation. En bon « Machiavel » (au dire même de ses propres
amis), François Mitterrand supporta deux cohabitations, une par mandat.
Charles Chirac, son successeur élu en 1995, dissout l’Assemblée
nationale, deux années après, en voulant redonner un souffle nouveau au
gouvernement Juppé désavoué par la rue. Mais les socialistes, conduits
par Lionel Jospin, gagnent les législatives et, comme François
Mitterrand, Jacques Chirac préfère « cohabiter » avec un Premier
Ministre de gauche.
Officiellement, c’était pour éviter les blocages répétitifs, que ne
manque pas d’entraîner cette dualité à la tête de l’Etat, en faisant
coïncider la durée des deux mandats (septennat pour le président et
quinquennat pour les députés) qu’il avait organisé le référendum. Agé de
68 ans et présent dans les combats politiques depuis 1965(deux fois
Premier Ministre, Maire de Paris pendant presque 20 ans, de 1977 à
1995), il était animé aussi et peut-être d’abord par un calcul électoral
similaire à celui du président Harry Truman lors de l’adoption du 23ème
amendement et à celui qui va animer, 8 ans après, Nicolas Sarkozy.
-Nicolas SARKOZY et la révision de2008 : la limitation à deux mandats
Le texte :
« Le Président de la République est élu pour cinq ans au suffrage universel direct.
Nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs.
Les modalités d’application du présent article sont fixées par une loi organique. »
Le contexte.
Le deuxième alinéa, qui limite le nombre de mandats successifs, a été
introduit par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, une
année après son élection à la présidence, par Nicolas Sarkozy.
« Il faut remonter à novembre 2003 et à sa rivalité affichée avec
Jacques Chirac pour trouver la première prise de position de l’actuel
chef de l’État sur la limitation du nombre de mandats présidentiels.
“Une fois qu’on a donné ce qu’on se sent capable de donner pour son
pays, pour sa ville, pour sa circonscription, il est sage, par une
limitation du nombre de mandats dans le temps, qu’on laisse la place à
d’autres”, déclarait-il alors sur la chaîne publique France 2. Un
engagement maintenu tout au long de la campagne présidentielle et qui va
avoir valeur constitutionnelle si la révision est votée. ». (Le Figaro
politique du 24 avril 2008)
La plus que probable véritable raison ? En 2003, Nicolas Sarkozy
craignait que Chirac (qui a fait voter le passage septennat au
quinquennat pour les raisons évoquées ci-dessus) ne se représente de
nouveau en 2007 ! Et 2008, en faisant adopter la limitation à deux
mandats par les parlementaires réunis Congrès, ce n’était certainement
pas pour honorer une promesse de campagne (les promesses n’engagent que
ceux qui les croient), c’est qu’il voulait se donner plus de chance pour
sa réélection en 2012. Exactement comme cela se passe aux Etat – unis
depuis le passage à deux mandats.
*****
Ainsi donc les Etats-Unis et la France ont modifié leurs constitutions
sans que personne n’y trouve rien à redire. On ne le sait guère mais
périodiquement des parlementaires américains présentent une loi pour
abroger la limite des mandats : « Le 22ème Amendement est une insulte
aux électeurs américains qui sont sages et bien informés », disait
Vander Jagt en 1986, alors président du Comité national républicain du
Congrès, afin d’ouvrir la voie à Ronald Reagan pour briguer un troisième
mandat. Ce dernier approuvait estimant que l’amendement portait
atteinte au droit du peuple à « voter pour quelqu’un autant de fois
qu’il le désire. » Et Bill Clinton, l’ancien président démocrate, a
avancé l’idée qu’il fallait permettre aux présidents de servir plus de
deux mandats, à condition de prendre une période de congé avant de se
présenter une troisième fois. Et personne n’a crié au scandale.
S’agissant de la modification du nombre de mandats, que ce soit dans
un sens (pour les limiter) ou dans un autre (pour les augmenter) il est
manifestement clair, en France aussi bien qu’aux Etats- unis, que
l’opportunisme et le calcul politique ont prévalu dans les modifications
du mandat présidentiel. En tous cas dans un contexte non urgent, moins
« urgent » et crucial que celui du Rwanda d’aujourd’hui, qui renaît de
ses cendres et qui est dans une dynamique de reconstruction
exceptionnelle reconnue par tous.
Il est surtout clair que ce qui compte, ce n’est ni le nombre ni la
durée des mandats que ce soit dans un sens (pour les limiter) ou dans un
autre (pour les augmenter). Ce qui compte, c’est que les modifications
soient faites au nom de l’intérêt du peuple.
La deuxième chose qui compte, ce sont la qualité et la capacité des
hommes et des femmes à rendre compte du résultat, de ce qu’ils font du
pouvoir qui leur a été confié par leur peuple. Et la question n’est pas
le choix entre « les institutions fortes » et les « hommes forts » ;
mais ce que « les hommes forts » font des « institutions fortes ».
Franklin Roosevelt n’est pas Harry Truman et Charles de Gaulle n’est
pas François Mitterrand. Et Paul Kagame rêve « d’un Rwanda réellement
stable, sur tous les plans. Un Rwanda prospère, dont le niveau a
rattrapé celui des pays qui le tiennent pour acquis. Un Rwanda qui n’a
plus besoin d’être le bénéficiaire de la générosité d’autrui, [qui] soit
en mesure de donner plutôt que recevoir, [qui] puisse aider d’autres à
devenir autonomes et à être les acteurs de leur prospérité. […].des
Rwandais heureux et fiers d’être Rwandais. » (L’Homme de fer,
Conversations avec Paul Kagame, idm, 2015, p.117)