rwanda IPS 22/09/2008)

 


Les élections législatives de ce mois au Rwanda envoient une majorité de femmes au parlement — une première au monde — avec 45 sièges acquis par elles sur les 80 que se disputaient les 355 candidats en lice pour ce scrutin.

Au total, 45 femmes députées siègeront au parlement rwandais sur un total de 80 sièges. Ce qui représente 56 pour cent, selon la commission électorale, selon la Commission électorale nationale (Comelena) qui a confirmé la majorité obtenue par les femmes élues à l'Assemblée nationale lors des législatives qui se sont achevées cette semaine dans ce pays d'Afrique centrale.

"Cela n'est pas étonnant que les femmes imposent une majorité au sein du parlement puisqu'elles ont désormais les mêmes qualités et disposent des mêmes compétences que les hommes", affirme à IPS, Anita Mukamuberwa, une commerçante basée à Kigali, la capitale rwandaise.

"Cette révolution est historique pour le Rwanda, étant donné que le système législatif de l'époque était largement discriminatoire à l'égard des femmes rwandaises", a-t-elle commenté à IPS.

Pour sa part, Saidath Muneza, une étudiante en sociologie à l'Université Libre de Kigali, observe que cette reconduction des femmes au sein du parlement est un geste de bonne volonté politique, mais qui nécessite des mesures d'accompagnement.

"Cette volonté visant à promouvoir l'égalité entre l'homme et femmes ne doit pas seulement se limiter dans la reconduction des femmes au sein des instances de prise de décision. Il y a un autre besoin pressant de mobiliser ce groupe à intégrer d'autres activités socioprofessionnelles", déclare-t-elle à IPS.

Mais sur l'ensemble des 4,7 millions d'électeurs, 54,9 pour cent sont des femmes, contre 45,1 pour cent pour les hommes, indique à IPS, Charles Munyaneza, le secrétaire exécutif de la Comelena.

Abondant dans le même sens, un politologue enseignant à l'Université nationale du Rwanda, qui a requis l'anonymat, explique que cette volonté du gouvernement de Kigali visant à accorder une large place aux femmes au sein du parlement, fait notamment suite à une réalité démographique au lendemain du génocide de 1994, où 70 pour cent de la population était constitué de femmes.

Ainsi pour maximiser les chances des femmes d'avoir une forte représentativité au parlement, la loi électorale prévoit qu'au moins 24 autres femmes députées doivent être élues uniquement par des collèges de 'grandes électrices' comprenant des représentantes des associations et autres regroupements de femmes au niveau des entités administratives locales et des associations sur l'ensemble du territoire national.

Ensuite, les femmes ont emporté 20 des 53 sièges attribués par un vote au suffrage universel direct à la proportionnelle sur des listes des candidats des trois partis politiques en lice, selon la commission électorale.

A ce nombre des groupes spécifiques devant siéger au parlement, s'ajoute encore une autre femme qui a été élue pour l'un des deux sièges de députés réservés aux jeunes. Ce qui fait au total 45 femmes élues dont 20 sur les listes des partis politiques, 24 au sein des associations et groupements de femmes, et une femme dans la catégorie des jeunes.

Les résultats officiels publiés par la commission électorale montrent, par ailleurs, que 17 femmes élues sont issues des listes de la coalition dirigée par le Front patriotique rwandais (FPR, au pouvoir) tandis que deux autres femmes sont membres du Parti social démocrate (PSD) et une autre du Parti libéral (PL), selon la commission électorale.

"On peut simplement se féliciter que par rapport au dernier scrutin de 2003 où le taux des femmes députées était de 48 pour cent, l'effectif des élues au cours des élections de cette année dépasse de loin le taux fixé par la constitution rwandaise concernant la représentativité féminine au sein du parlement", observe Agnès Mujawayezu, une enseignante de 42 ans dans une école secondaire de Kigali.

"L'élection d'une majorité de femmes au sein du parlement prouve que certaines professions clés dans la vie du pays n'est pas l'apanage des hommes", affirme Mujawayezu à IPS. "Il y a un besoin pressant de plaidoirie pour que ce taux des femmes parlementaires soit revu à la hausse lors des prochaines élections prévues en 2013".

Cette opinion est partagée par Rose Gasibirege, une chercheuse et vice-recteur de l'Université Libre de Kigali. "L'important dans cette campagne est d'éduquer et ensuite mobiliser plus de dames à jouer un rôle de premier plan au sein des instances de prise de décision", a-t-elle déclaré dans un entretien avec IPS. "Il s'est toujours avéré qu'une fois mobilisées, les femmes au pouvoir challengent les hommes, et la société ne leur ferme pas la porte".

Mais cette affirmation est tempérée par Bosco Bugingo, un avocat de Kigali. "La mobilisation en soi des femmes aux instances de prise de décision est une bonne chose, mais il faut qu'il y ait des mesures d'accompagnement pour que cette campagne puisse récolter un franc succès, notamment dans la bonne mise en exécution des programmes de développement du pays", dit-il à IPS.

Toutefois, une activiste d'une ONG locale plaidant en faveur des droits de la femme, qui a requis l'anonymat, déplore que jusqu'ici, la femme rwandaise continue d'être la cible de toutes les formes de violences, notamment dans le monde rural. "Si l'on doit plaider pour plus de femmes au sein de notre parlement, il faut aussi songer à éradiquer l'idéologie discriminatoire à l'égard des femmes dans certains endroits du pays", souligne-t-elle.

Aimable Twahirwa

KIGALI , 19 sep (IPS