Ecrit par Jean-Claude Ngabonziza,
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L’année dernière, sa sainteté le Pape Benoît XVI a envoyé un message aux rwandais à travers une lettre adressée au Président du Rwanda à l’occasion de la 13 ième commémoration du génocide des Tutsi (1). Cette année, les habitants de ce pays mais aussi beaucoup de gens à travers le monde marqués par ce génocide attendaient un mot de réconfort semblable, de la part du Pape à la même circonstance. A toutes ces attentes, le Souverain Pontife a répondu apparemment par un silence inexpliqué, du moins pour l’instant. Est-ce par mégarde ou c’est délibéré ? L’on peut espérer que c’est juste un contretemps dû à la désorganisation dont les services de communication du Saint-Siège font preuve de temps en temps.
Malgré le retard de publication de 45 jours et le contenu truffé de multiples équivoques dans son précédent message à la même occasion (2), le geste posé par le Pape Benoît XVI garde sa portée réconfortante, revêt un symbole fort et universel, pour le monde d’aujourd’hui marqué par tant de souffrances ! Les messages qui accompagnent le triste anniversaire du génocide des Tutsi constituent un pilier pour sa mémoire, un soutien avant-gardiste pour la paix et un rappel à la tolérance entre les peuples.
L’on peut rappeler qu’au cours de ce génocide des Tutsi, commémoré pour la 14 ième fois cette année, il y a eu plus d’un million de morts en trois mois. C’est sans précédent dans l’Histoire de l’humanité et jamais autant d’êtres humains n’avaient péri en si peu de temps auparavant ! Bien plus, un grand nombre de ces victimes avaient trouvé refuge dans des églises, croyant que ces lieux de prière seraient respectés par leurs bourreaux, mais hélas ce ne fut pas le cas ! Ces mêmes églises qui, hier étaient des lieux de prière, aujourd’hui sont des mémoriaux où reposent des centaines de milliers de crânes et d’ossements des chrétiens, assassinés atrocement par des extrémistes Hutus intoxiqués par une haine diabolique. Ce génocide était encouragé et soutenu par un gouvernement génocidaire autoproclamé, pendant que la hiérarchie locale de l’Église catholique faisait preuve d’un mutisme qui lui est toujours reproché. La commémoration d’un événement tragique de cette ampleur ne devrait certainement pas échapper à l’attention du Saint-Père, d’où les remous que suscite la publication tardive de son message de réconfort.
Ironie de coïncidence, le silence du Pape Benoît XVI se fait sentir au moment où cette année, un prêtre tristement renommé pour son implication dans le génocide des Tutsi a été condamné à la prison à vie, par le Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR). L’Abbé Athanase Seromba reconnu coupable de ses crimes, s’était rendu tristement célèbre pour avoir ordonné la destruction au bulldozer de son église, dans laquelle des milliers de ses propres chrétiens avaient trouvé refuge. Cela s’est passé à la paroisse de Nyange à l’Ouest du Rwanda, le 16 avril 1994 ! La condamnation de l’Abbé Athanase Seromba à l’emprisonnement à perpétuité a été prononcée après un procès en appel, le 13 mars 2008. Cette sentence a alourdi sa condamnation précédente à 15 ans d’incarcération et ce fut la première fois que ce tribunal alourdisse une peine prononcée par une cour inférieure. C’est en appel en effet, que les juges du T.P.I.R ont conclu que la responsabilité du dit prêtre allait bien au-delà du simple encouragement retenu lors de la première condamnation.
Pour les observateurs des agissements de l’Eglise catholique dans le dossier du génocide des Tutsi de 1994 au Rwanda, le silence du Saint-Père vient s’ajouter à la controverse semée par son message à l’Archevêque de Kigali, Mgr Thaddée Ntihinyurwa à l’occasion de ses 25 ans d’épiscopat le 11 février 2007 ! Réagissant alors à ce message pontifical, le collectif des associations des survivants -IBUKA avait alors publié un communiqué de presse dans lequel il dénonçait vivement le qualificatif de «guerre civile» utilisé par le Pape Benoît XVI pour qualifier les événements tragiques de 1994 au Rwanda. Ils ont alors relevé une contradiction notoire par rapport aux éclaircissements faits par son prédécesseur-le Pape Jean-Paul II- qui avait confirmé que ce qui s’était passé au Rwanda est bel et bien un génocide (3).Pour l’association IBUKA, le terme de «guerre civile» utilisé par le Pape Benoît XVI est jugé comme une tentative de minimiser le génocide, un support pour les révisionnistes et les négationnistes du génocide des Tutsi ; et cela allait à l’encontre de la Justice, précise le même communiqué.
Par ailleurs IBUKA trouvait regrettable l’attitude de deux poids, deux mesures du Pape Benoît XVI qui avait soutenu la démission de l’Archevêque de Varsovie Stanislaw WIELGUS (le 7 janvier 2007), alors soupçonné d’avoir collaboré avec les services secrets de Staline, pendant qu’aucun religieux rwandais suspecté d’être impliqué dans le génocide des Tutsi n’est jusqu’à présent tombé en disgrâce ! Cette remarque de IBUKA fait penser à Mgr Thaddée Ntihinyurwa qui a été promu Archevêque de Kigali alors que des soupçons persistants pèsent toujours sur lui au sujet du rôle qu’il aurait joué dans l’assassinat des Frères Joséphistes de Nyamasheke au Sud-Ouest du Rwanda, durant le génocide. Ces religieux avaient été évacués de leur couvent, sous escorte militaire, en compagnie du même prélat, alors évêque du diocèse de Cyangugu ainsi que du Préfet de la même préfecture ! Dans des circonstances peu claires, ces religieux Tutsi furent tous assassinés en cours de route. Etant donné l’autorité et l’influence de ces deux personnalités, il est difficilement imaginable que ces religieux aient été assassinés sans le consentement de cet évêque et ce Préfet qui étaient sensé les protéger. Plusieurs survivants restent convaincus de la complicité personnelle de l’Archevêque Thaddée Ntihinyurwa dans l’assassinat de ces religieux, à cause de sa familiarité avec les extrémistes Hutu au pouvoir à l’époque !
Enfin on peut espérer que dans ce message pontifical tant attendu, le Souverain Pontife évitera cette fois-ci de faire l’amalgame entre les bourreaux et les victimes par simple souci de rester «politiquement équitable», comme cela a été remarqué dans sa précédente lettre. L’exhortation à la contrition et à la confession de ceux qui portent le sang sur leurs mains et le péché sur leur conscience serait bénéfique pour tous ceux qui ont transgressé le cinquième commandement (-Tu ne tueras pas-), une étape incontournable pour mériter le pardon et la grâce pascale du Christ ressuscité !
Pour un événement qui a fait tant de victimes, causé tant de blessures et secoué autant la conscience du monde, le message de réconfort du Souverain Pontife est indispensable. Bien plus, cela rentre dans sa mission en tant que successeur de Saint-Pierre et Pasteur des brebis égarés du Christ. Son silence au sujet d’une tragédie dont le souvenir reste frais dans la mémoire des millions de citoyens à travers le monde pourrait être perçu comme une indifférence qui ne passerait pas inaperçue. Même s’il était souhaitable que ce message soit livré le 07 avril 2008, date à laquelle la commémoration débute, mieux vaut tard que jamais. |
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