dimanche 26 octobre 2008

Inventé par Elysée Reclus, géographe français du 19è siècle, le mot « Francophonie » a été repris, dans les années 1960 par divers chefs d'Etat africains réunis autour du général de Gaulle, pour lancer l'idée d'une communauté d'Etats ayant en commun la langue française. Aujourd’hui, le poids de la francophonie   commence à peser lourd sur les épaules de beaucoup de pays africains qui ne comptent que 10% à 20% de francophiles.

Du Sénégal au Tchad sans oublier le Ghana, on ne cherche pas à ignorer la présence du français comme la première langue officielle sur le territoire national.

Le 17  octobre 2008 à Québec se tenait le 12ème sommet de la Francophonie à l’heure où la percée chinoise, multiple, immense, fait trembler le vieux blanc raciste et ses rêves de sempiternel maître du monde.

A l’heure où la suprématie de l’homme blanc s’essouffle sinon par ses derniers râles, mais par la fin de son exclusivité dominatrice dans l’histoire, l’Afrique  si longtemps victime de marginalisation blanche, a manqué encore le rendez-vous de la réciprocité en cédant le dernier élément de l’identité culturelle qui lui reste après avoir perdu son nom, ses danses  et ses mœurs. Tu t’appelleras désormais Tobi ! N’avions nous pas appris ?

En effet, aussitôt après la chute de l’empire romain dans les pays qui  fondaient leur prestige avec la supposée universalité de leur langue dominante, la latinité fut établie aussi comme culture dominante parce que Rome contrôlait, avec ses armées et son commerce , presque le reste du monde connu des Européens. Plus tard, ce fut le tour des empires français, anglais, ottoman, russe, hispanique, portugais ou hollandais de vouloir imposer leurs langues et cultures respectives comme l’universel identificateur sur les peuples dominés.

Ce 17 Octobre, ce sont les africains qui célébraient la langue française comme étant la voie nécessaire, indispensable, à la complétude existentielle parce qu’ils en avaient assez d’être peints comme des primitifs sortis tout droit des jungles de l’Afrique arriérée.

Les diplomates, les étudiants, les fonctionnaires émigrés et même les « opposants » sont tous devenus les branches détachées du vieux tronc gaulois. Il est curieux que des dirigeants des  pays comme la Côte d’Ivoire, la RCA, le Tchad, aient traîné leur semelle au Canada pour applaudir les blancs qui nous ont volé nos noms, nos dieux et qui reviennent encore pour nous prendre le seul repère de notre africanité qui nous reste. Le comble, vraiment c’en est un, Nicholas Sarkozy, Hongrois d’origine et aujourd’hui président des français, n’a même pas perdu son temps à ce sommet. Il a préféré aller parler de la crise financière avec Georges W. B aux Etats-Unis.

Eh oui ! « Notre langue est française, françaises sont nos mœurs, nos coutumes, nos idées; qu’on le veuille ou non, française est notre âme » s’exclamait un immigrant africain pourtant   opposé à la conduite politique de son pays et exilé.

Il faut certes, placer ces sentiments dans le contexte de l’héritage culturel du régime colonial qui, un siècle plus tôt, avait tout simplement refusé aux africains l’instruction parce que, elle est subversive et capable de donner aux nègres une ouverture qui peut les conduire à d’autres connaissances, à une espèce de raisonnement. « Il faut mener les nègres comme des bêtes et les laisser dans l’ignorance la plus complète » disait un général Français dans les années 1920 à Saint Louis dans un article intitulé : « The French in Africa ».

En effet, l’imposition de l’ethnocentrisme colonial sur les africains  d’aujourd’hui, soit-il la francité, l’hispanité ou l’anglicité n’est rien d’autre qu’un outil  de concrétisation aussi important au colonialisme que sa force brute militaire et sa monopolisation des activités économiques.

On a beau dire être de Gauche comme le Burkina, le Ghana …? L’étonnant dans tout cela c’est qu’on ne demande jamais la réévaluation de la francophonie à l'aune de nos réalités d'aujourd'hui.

Faudrait-il insister sur les particularismes, faudrait-il aller vers des micro-spécialisations et parler d'une francophonie de l’Europe avant d'insister sur la spécificité africaine ? Pourquoi doit-on voir les langues africaines devenir juste des langues de cuisine ou de la campagne?

A mon avis, la francophonie est une confiscation du champ culturel par une petite bourgeoisie africaine. Il faudrait donc‘ briser ce miroir menteur de l'exotisme en commençant à demander la réciprocité culturelle.

L’Afrique Noire gagnerait si à une telle occasion elle introduisait le concept d’ équi-bilinguisme dont l’objectif est la parité à terme avec les langues et cultures dominantes, en l’occurrence le Swahili ou le Haoussa contre le Français. Parité pas bien sûr pour dominer d’autres langues et cultures, mais dans le sens d’attribuer et conférer au Haoussa ou au Swahili le même degré de prestige et de validité que nous conférons à la langue française.

Nous devons pressement décoloniser le comportement général de l’Afrique en cherchant de vrais partenaires plus portés à coopérer dans un sens profitable à nos besoins économiques, agricoles, agro-industriels, touristiques, technologiques, urbanistes… Pour des pays pauvres, la diplomatie est la porte ouverte sur les possibles ! Une mauvaise diplomatie ne peut qu’aggraver la situation de délabrement déjà avancer. Jamais le blanc à qui nous donnons toute notre attention et toute la primauté diplomatique, n’a consenti à nous écouter par ses complexes de racisme.

C’est encore à l’Afrique aux langues abusées que revient le droit de secouer un cadavre par son génie de sorcier pour le réveiller. Le Français est parlé 200 millions sur une planète qui compte 7 milliards d’habitants et est placé au 9 e rang mondial. Il suffit juste de considérer le Kenyan, l’Ouganda, le Rwanda, le Burundi, le Botswana, le Mozambique, le RDC et l’Afrique du Sud pour dépasser 200 millions d’africains parlant le Swahili. Encore, faudrait-il que l’Afrique se reconnaisse comme une force ?

N’oublions pas nous tchadiens que si les Sao ont disparu, ce n’est parce qu’ils sont faibles. C’est parce que ils n’ont pas su s’adapter au changement.

Par Félix Ngoussou,
Posté par Cathy et Jose