Kigali, 24 octobre 2008 (FH) – Ibuka, le collectif des associations de rescapés du génocide des Tutsis de 1994 au Rwanda, s'inquiète des procès pour génocide engagés contre les rescapés et témoins de ces massacres.

« Le nombre croissant de procès contre les rescapés devient de plus en plus inquiétant (…) Ces procès sont en général initiés soit par la simple banalisation du génocide ou par le souci de couper l'herbe sous les pieds des rescapés un peu trop gênants », a estimé, dans un entretien avec l'agence Hirondelle, Benoît Kaboyi, Secrétaire exécutif de l'organisation.

« Regardez le cas de Gasongo, à Biryogo (ville de Kigali) ! Ceux qu'il dénonçait hier et qui sont condamnés s'acharnent aujourd'hui contre lui pour l'incriminer à leur tour », s'indigne Kaboyi, lui-même rescapé.

« A Nyamirambo (toujours dans la ville de Kigali), Modeste Madengeri s'est illustré par ses témoignages contre les génocidaires. Ceux-ci à leur tour se sont concertés et ont intenté contre lui un procès qui pourrait reprendre bientôt après près d'une année de remise. Un règlement de compte quoi! », indique le secrétaire exécutif d'Ibuka (souviens-toi, en langue rwandaise).

Kaboyi évoque ensuite « un cas par trop étonnant », selon ses termes, survenu à Nyamasheke (sud-ouest) dans le procès de Déo Nziraguseswa, poursuivi pour crimes de génocide. « Seul témoin de l'accusation, Madame Spéciose Mukangango s'est vue condamnée à 15 ans de prison en première instance, puis à une année de détention en appel. Ce n'est qu'en révision qu'elle a été réhabilitée et son témoignage validé », fait-il observer.

« Il y a des cas rares de Tutsis qui ont trempé dans le génocide, déguisés en Hutus pour se couvrir. Ceux-ci, vrais génocidaires, méritent d'être poursuivis et c'est un tort aux rescapés du génocide de les appeler eux aussi rescapés », note Jean- Marie-Vienney Nsanzurwimo, journaliste au bimensuel Ingabo, le journal de l'armée.

« Mais le plus souvent, intenter des procès contre d'autres rescapés est l'un des moyens de se débarrasser d'eux une fois de plus », ajoute-t-il.

« Quand nous en sommes informés, nous intervenons à temps pour que justice soit faite. Le plus souvent, c'est une forme de négationnisme ou de règlement de compte », confie à l'agence, sous couvert d'anonymat, un juriste du Service national des juridictions Gacaca (SNJG) devant lesquelles se déroulent ces procès de génocide

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