(La Libre 15/10/2008)

Les autorités congolaises produisent des photos. Kigali dément. La Monuc n'a toujours pas trouvé d'élément prouvant l'accusation congolaise.

Les autorités congolaises, qui accusent depuis quelques jours le Rwanda d'appuyer militairement la rébellion du Tutsi congolais Laurent Nkunda, ont diffusé mardi une liste d'objets qu'elles disent saisis sur des cadavres de victimes de combats au Nord-Kivu pour prouver leurs dires.

Elles ont fait cette démarche alors que les combats se poursuivent entre l'armée et la rébellion de Nkunda, cette fois dans la zone de Tongo et Nyanzale, au nord de Goma.

Armes, argent, carte

Les objets saisis par l'armée congolaise sont : des AK47 et munitions ad hoc – mais l'armée congolaise et les autres armées de la région utilisent les mêmes ; un sac à dos militaire rwandais – qui peut s'acheter sur le marché de Goma ; de l'argent rwandais – qui peut arriver dans les poches de tout le monde, les Kivutiens achetant de nombreux vivres au Rwanda voisin.

Plus spécifique est, parmi les photos diffusées par Kinshasa, celle d'une carte d'assurance maladie d'un militaire rwandais ; elle est toutefois venue à échéance le 31-12-07 et ne prouve donc pas une présence récente.

Plus troublant est un ordre de mission du ministère de la Défense rwandais, daté du 23 septembre 2008 et donnant trois jours – du 3 au 6 octobre 2008 – à son porteur. Le motif du voyage et la destination du voyageur ne sont malheureusement pas lisibles sur la photo. Kinshasa n'a en revanche pas montré les soldats rwandais qu'elle disait avoir capturés au Congo.

Alors que Kigali dément vigoureusement les accusations congolaises, la Monuc (Mission de l'Onu au Congo) n'a, de son côté, pas trouvé jusqu'ici d'indices de la présence de l'armée rwandaise au Kivu.

Et elle n'a pas obtenu de l'armée congolaise l'accès au camp militaire de Rumangabo, pris puis évacué (à la demande de la Monuc et de l'envoyé spécial de l'UE) par le CNDP la semaine dernière, camp militaire où les "preuves" présentées par Kinshasa auraient été trouvées.

En revanche, la Monuc accusait lundi soir l'armée congolaise de ne pas encore s'être "redéployée de ses positions autour de Tongo", là où précisément les combats ont repris mardi matin, et cela "malgré les assurances données" dans le cadre du plan de désengagement qui doit ramener la paix au Kivu.

Par ailleurs, la Monuc accuse le CNDP de Nkunda de recruter des enfants de force ; elle a libéré samedi dernier à Osofa treize jeunes capturés par le CNDP.

Les FDLR ou Nkunda ?

Les accusations congolaises surviennent alors que le ton du Rwanda avait monté vis-à-vis de Kinshasa, ces dernières semaines, en raison de la décision du Congo de retirer des militaires chargés de la lutte contre les FDLR (rebelles hutus rwandais au Congo, issus des génocidaires) pour les affecter aux combats contre Nkunda.

Rappelons que sous la pression internationale, Kinshasa avait, fin 2007, signé un accord avec Kigali l'engageant à lutter contre les FDLR afin qu'ils rentrent au Rwanda ; en échange, Kigali empêchait toute aide à Nkunda depuis le Rwanda. Et, en janvier 2008, Kinshasa avait signé, comme Nkunda, un "Acte d'engagement" à cesser les combats.

Mais les militaires congolais répugnent à lutter contre les FDLR : ceux-ci furent en effet longtemps leurs alliés officiels ; bons militaires, ils le redeviennent clandestinement à certaines occasions. En outre, des gradés congolais sont liés aux FDLR dans divers trafics locaux juteux.

En revanche, les militaires congolais demeurent hostiles à Nkunda pour des raisons allant de son irrédentisme à son identité ethnique.

Les Tutsis sont la cible de propagande haineuse au Kivu depuis des années, pour des raisons liées à la guerre avec le Rwanda et pour des raisons propres à la province. Le fait que Nkunda dispose de combattants hutus congolais, luttant sur une base régionale, n'a pas désarmé l'a priori ethnique contre lui.

Marie-France Cros

Mis en ligne le 15/10/2008