(Le Figaro 14/10/2008)

Le retour à un climat de guerre dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC) est lié à la défiance persistante entre Kinshasa et Kigali qui bloque toute solution négociée à un conflit attisé par des bandes armées pour mettre à sac les richesses du Kivu.

Malgré des signatures d'accords et des rencontres régulières pour stabiliser l'est de la RDC, "les deux capitales ne sont pas sincères dans leur rapprochement", commente Arthur Kepel, chercheur à l'institut d'analyse des conflits International Crisis Group (ICG).

Alliés ou ennemis au fil des trahisons, des guerres, des rébellions, des crises qui ont ensanglanté la région des Grands lacs africains depuis le début des années 90, les dirigeants des deux pays se connaissent intimement, sans avoir la moindre confiance dans leurs voisins, comme le démontrent les dernières accusations réciproques.

Selon un schéma récurrent, le gouvernement de Kinshasa a accusé le Rwanda d'avoir engagé des troupes aux côtés du chef rebelle Laurent Nkunda.

Des combats opposent depuis le 28 août les forces de ce tutsi congolais à l'armée régulière dans les collines du Nord-Kivu, frontalières du Rwanda, en violation d'un cessez-le-feu.

De son côté, Kigali reproche à la RDC de ne pas agir contre la rébellion hutue rwandaise des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), dont certains combattants ont activement participé au génocide de 1994.

En dépit de ses engagements, "Kinshasa n'a aucune volonté de désarmer par la force les FDLR", basées dans le Kivu, explique sous couvert d'anonymat un expert de la région. Kigali est également parfaitement au courant des trafics liant certains chefs de l'armée congolaise aux FDLR, selon la même source.

Le gouvernement congolais est lui aussi parfaitement informé des trafics persistants de minerais, pillés dans l'est du pays et exportés via les Etats voisins, avec souvent la complicité de hauts responsables des services de sécurité de ces pays, comme l'ont souvent décrit des rapports d'experts des Nations unies.

A ce propos, une source proche d'un gouvernement européen interrogée par l'AFP explique: "Nous savons qu'il y a des liens entre Nkunda et le Rwanda, mais ce sont des liens presque de type mafieux. Il ne reçoit pas le soutien de soldats officiels, mais il y a peut-être des individus qui franchissent la frontière".

Dans un tel cadre, "il n'y a pas d'évolution possible", estime Arthur Kepel, qui doute cependant d'une nouvelle conflagration dans la région, contrairement au ministre français des Affaires étrangères Bernard Kouchner, dont le pays préside l'Union européenne, qui a dit lundi "redouter de nouveaux massacres massifs".

Il faut "sonner l'alarme. La situation redevient intenable et meurtrière (…) Tout est à nouveau dans le chaos", a jugé M. Kouchner, notant: "Le conflit, alimenté des deux côtés de la frontière par le Rwanda et la RDC, ne suit pas la pente qui avait été engagée par le plan d'engagement pour la paix signé (en janvier) par tous les protagonistes, sauf Nkunda".

De fait, le blocage total d'une solution négociée régionale et l'incapacité de l'Etat congolais à établir son autorité dans l'Est laisse le champ libre aux multiples groupes armés qui martyrisent la population des Kivu depuis des années.

"Les groupes armés se sont constitué des sanctuaires. Ils font la loi, ils gèrent (…) des centaines de carrières" d'extraction de minerais qui enrichissent leurs chefs, relève l'expert de la région.

Face aux exactions persistantes des chefs miliciens, la force de l'ONU en RDC (Monuc) "est aujourd'hui fortement décrédibilisée" dans la population, regrette M. Kepel, qui souhaite que "la communauté internationale, particulièrement l'UE, sorte de sa timidité" dans ses rapports avec Kinshasa et Kigali.
(AFP)

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