NOUVELOBS.COM | 30.10.2008 | 14:48

Le ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner a indiqué que l'Europe déciderait jeudi ou vendredi d'un éventuel envoi de soldats au lendemain de l'avancée des rebelles sur Goma, à l'est du pays. La rébellion congolaise a annoncé "l'ouverture de couloirs humanitaires d'urgence".

Bernard Kouchner, le 19 août 2008 (Sipa)

Bernard Kouchner, le 19 août 2008 (Sipa)

Les Européens examineront jeudi 30 ou vendredi 31 octobre la possibilité d'envoyer dans l'est de la République démocratique du Congo une mission militaire dont le rôle doit être humanitaire, a déclaré le ministre français des Affaires étrangères Bernard Kouchner, au nom de l'Union Européenne.
Après l'avancée des rebelles sur Goma, "la réponse de notre point de vue doit être humanitaire et (être) une assistance aux populations civiles qui ont fui ces derniers temps et aux populations de Goma", a-t-il ajouté. Il s'exprimait lors d'une conférence de presse en compagnie du diplomate en chef de l'UE Javier Solana.

Nkunda ouvre des couloirs humanitaires

Le ministre avait évoqué mercredi la possibilité d'envoyer en RDC un "groupement tactique" européen, c'est à dire entre 400 et 1.500 militaires qui peuvent être rapidement déployés.
Le rôle de ces militaires européens ne serait pas de se battre aux côtés des troupes de l'ONU en RDC, a dit Bernard Kouchner. "Elles sont déjà 16.000", a-t-il dit.
De son côté, la rébellion congolaise de Laurent Nkunda, a annoncé jeudi "l'ouverture de couloirs humanitaires d'urgence" près de Goma, dans l'est du pays, dans une correspondance adressée au chef de la Mission de l'ONU en RDC (Monuc), Alan Doss, dont l'AFP à Kinsahsa a reçu copie. Ses troupes s'étaient arrêtées mercredi aux portes de la ville. Il avait assuré que les Casques bleus de l'ONU ne pourraient pas "l'empêcher" de prendre la ville, capitale provinciale du Nord-Kivu.

Condamnation de l'ONU

Dans la nuit de mercredi à jeudi le Conseil de sécurité de l'ONU avait condamné l'avancée des rebelles de Laurent Nkunda sur Goma. Le Conseil avait aussi exprimé son inquiétude quant à des informations faisant état de tirs à la frontière avec le Rwanda.
Cette déclaration n'était pas contraignante.
Le chef de la Mission de l'ONU en RDC (Monuc) Alan Doss avait promis mardi de faire "tout ce qui est nécessaire pour défendre la ville" et les hélicoptères de combat de la force onusienne sont intervenus mercredi contre les positions rebelles.
A l'issue de la réunion, Alain Le Roy a indiqué qu'environ 800 hommes de la Monuc patrouillaient dans Goma. "Nous allons essayer d'amener des troupes supplémentaires pour protéger les civils dans les trois à sept prochains jours", a-t-il dit.

Inquiétudes au Rwanda

Ces troupes seront redéployées depuis d'autres zones de l'est de la RDC.
Dans leur déclaration, les membres du Conseil ont également exprimé leurs inquiétudes concernant des "informations faisant état de tirs à l'arme lourde à la frontière de la RDC et du Rwanda".
Alain Le Roy a déclaré qu'il n'était pas en mesure de dire qui était à l'origine de ses tirs. Il a ajouté qu'une base de la Monuc à Kibumba, à 35 km au nord de Goma, avait fait l'objet de tirs de mortier provenant du Rwanda.

Plus de militaires à Goma

Les FARDC ont abandonné mercredi la ville de Goma, capitale provinciale du Nord-Kivu, dans l'est de la RDC, devant l'avancée de la rébellion, selon des sources militaires et des habitants contactés par téléphone depuis Kinshasa.
"Il n'y a plus aucun militaire dans la ville", a indiqué un habitant de Goma, sous couvert de l'anonymat. Les chars de combat des forces gouvernementales qui reviennent du front au nord de Goma "prennent la direction" de Bukavu, capitale du Sud-Kivu, a-t-il ajouté.
Selon un autre habitant, des hélicoptères de la Garde Républicaine (GR, garde présidentielle) ont décollé en direction du Sud-Kivu, frontalier du Rwanda.

Exode

Des habitants de Goma ont commencé à fuir cette ville de l'est de la RDC devant l'afflux annoncé de dizaines de milliers de déplacés poussés par les combats entre l'armée et la rébellion, ont annoncé à l'AFP les autorités locales. "Les gens sont en débandade et la cité paniquée", a affirmé le gouverneur de la capitale provinciale du Nord-Kivu, Julien Paluku, joint par téléphone depuis Kinshasa. Selon lui, "pris de peur" en raison des combats, les déplacés qui se trouvaient à une dizaine de kilomètres au nord de Goma "se déversent dans la ville créant une panique générale parmi la population".

Conquête de Goma

Les combats à l'arme lourde ont repris ce mercredi entre l'armée congolaise, appuyée par des hélicoptères de l'ONU, et la rébellion de Laurent Nkunda dans la zone disputée de Kibumba, à 30 kilomètres au nord de Goma.
Joint par téléphone depuis Kampala, un représentant du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP) de Laurent Nkunda a affirmé à l'AFP que la rébellion avait l'intention de conquérir d'ici "deux ou trois jours" Goma, capitale de la province du Nord-Kivu frontalière du Rwanda.
"Nous étions positionnés à seulement 15 km de la ville mais la Monuc (Mission de l'ONU en RDC) nous a envoyé ces hélicoptères de combats. Nous pensons que dans deux ou trois jours, nous serons en mesure de prendre la ville de Goma", a déclaré Amani Babu.

La Monuc en protection

Des tirs au mortier continuaient d'être échangés mercredi entre l'armée et les rebelles, dont les tirs partaient d'une colline de la localité de Kasizi, frontalière du Rwanda.
Selon un commandant des FARDC qui a requis l'anonymat, les hommes du CNDP sont "appuyés par des blindés rwandais qui pilonnent depuis les collines frontalières nos positions". Sept soldats gouvernementaux grièvement blessés ont été évacués vers Goma, a constaté l'AFP.
Plus au nord, les Casques bleus tenaient la localité de Rutshuru face à la rébellion, selon le chef des opérations militaires de la Monuc, le colonel Samba Tall. Rutshuru est un important centre administratif.
"Les FARDC ont abandonné mardi leurs positions. La Monuc protège la ville et va rester en protection de la population", a-t-il indiqué, évoquant néanmoins "quelques infiltrations d'éléments rebelles notamment près de l'hôpital de la ville".

Humanitaires présents

Présente dans l'hôpital de Rutshuru, l'ONG MSF-Belgique a assuré qu'elle n'allait pas l'intention d'évacuer les lieux. "Nous avons neuf membres du personnel médical qui sont et travaillent à l'hôpital", a indiqué mercredi sa chargée de communication, Clio Van Cauter.
Des rumeurs avaient fait état d'une évacuation mardi de tous les humanitaires de Rutshuru.
Dans ce contexte explosif, le président rwandais Paul Kagame a refusé mardi une rencontre directe avec son homologue de RDC, Joseph Kabila, assurant que le "problème" concerne "les Congolais", selon Radio Rwanda. Kigali a démenti ces dernières semaines tout soutien au CNDP. (avec AFP)