RWANDA – 4 mars 2007 – par TSHITENGE LUBABU M.K.

Véritable chantre du nationalisme d’entreprise, le Rwanda Investment Group entend créer une nouvelle classe d’hommes d’affaires.

Tribert Rujugiro connaît bien le continent. Cet homme d’affaires de 65 ans qui travaille dans le tabac a des intérêts dans plusieurs sous-régions : Afrique australe (Botswana, Afrique du Sud, Lesotho, Malawi, Angola), Afrique de l’Est (Kenya, Ouganda, Tanzanie), Afrique de l’Ouest (Côte d’Ivoire, Guinée, Togo, Bénin). Mais c’est au Rwanda qu’il compte faire valoir un nouveau concept : le patriotisme économique. Il s’agit, tout simplement, « d’aimer son pays, affirme-t-il. Et de travailler à son développement à travers des projets viables et rentables, de construire là où il n’y a rien ».
Une démarche qui a conduit à la création, en mai 2006, du Rwanda Investment Group (RIG). Composé essentiellement d’entrepreneurs du secteur privé venus d’horizons divers, le groupement s’est engagé dans plusieurs champs d’activité : l’énergie, l’industrie du ciment et les services à haute valeur ajoutée… Pour le moins ambitieux. Il faut dire que la création du RIG a nécessité près de 14 milliards de FR (francs rwandais, 25 millions de dollars). La capitalisation a été réalisée en trois étapes : 50 % de la somme a été réunie en août 2006, 25 % en février 2007 et la dernière tranche sera libérée en juillet prochain.
Les créateurs du RIG ont une vision claire de ce qu’ils comptent faire pour le Rwanda. « Notre objectif, déclarent-ils, est d’établir des partenariats à long terme avec nos clients, le gouvernement et des investisseurs stratégiques. Nos actions doivent s’orienter vers des secteurs à forte rentabilité dans le but de réaliser des bénéfices, d’accélérer le développement socio-économique et d’inciter les entreprises à investir au Rwanda. Nous voulons servir de colonne vertébrale à la prospérité du secteur privé et de la libre entreprise. » Et pour soutenir la bonne gouvernance, le RIG s’est imposé une ligne de conduite : le respect de l’éthique dans toutes les opérations.
Pour se constituer, le groupe a fait appel, selon son président du conseil d’administration, Tribert Rujugiro, « à des hommes d’affaires d’un certain niveau social ». Chacun d’eux, pour gagner sa place, a dû débourser 100 000 dollars. « Ce que nous recherchons, c’est d’abord combler un vide dans l’investissement local, souligne Rujugiro. Nous devons ensuite apprendre à travailler ensemble, au lieu de nous enfermer dans l’individualisme. Et inculquer à chacun de nous l’esprit d’équipe, afin d’éviter toute confusion entre la propriété et la gestion d’une entreprise. » En multipliant le nombre de sociétés collectives, les responsables du RIG visent l’émergence d’une nouvelle classe d’hommes d’affaires et la création de grands groupes économiques. Mais le coût du droit d’adhésion a sans doute refréné l’enthousiasme de certains opérateurs économiques. Les responsables du RIG en sont conscients et comptent, pour attirer de nouveaux membres, réduire le montant de la cotisation.
Tout en se défendant d’être une chambre de commerce, le groupe met l’accent sur sa vision globale de l’économie rwandaise et sa capacité à profiter des potentialités existantes. Il mise notamment sur le recrutement des Rwandais de la diaspora, ainsi que sur l’expérience et le savoir-faire d’entrepreneurs étrangers. Le RIG compte d’ores et déjà parmi ses partenaires une société kényane en vue de l’exploitation du gaz, une entreprise anglaise dans le secteur de la cimenterie, ainsi que des partenaires américains. Certains projets ont déjà été lancés, parmi lesquels la modernisation et l’augmentation de la capacité de production d’une cimenterie ; l’installation à Gisenyi d’une usine pilote d’une puissance de 4 mégawatts (MW) pour l’exploitation du gaz du lac Kivu qui sera opérationnelle avant la fin de cette année ; la construction d’un palais des congrès de 3 500 places, avec un hôtel de 350 chambres et un centre commercial de 1 500 m2 ; la construction d’une unité de pompage d’eau afin de résoudre les problèmes d’approvisionnement de Kigali… Les autres grands dossiers concernent la filière thé. « Nous investissons dans des projets viables, rentables, renchérit Tribert Rujugiro. Notre rôle n’est pas de faire du social, même si nous tâchons d’en tenir compte. » Le RIG compte actuellement parmi ses trente-sept membres, cinq femmes chefs d’entreprise.