Le temps n’est plus où William Swing, le représentant spécial du secrétaire général de l’Onu, était appelé «Coco Swing » dans une chanson qui lui était affectueusement dédiée et où les Congolais parlaient familièrement de «Monic »… Aujourd’hui, des pierres sont lancée sur les véhicules blancs des poings se tendent, des éditoriaux demandent le départ des Casques bleus tandis qu’une lettre du général Nkunda, citée par le Financial Times, assure que son mouvement » ne peut plus garantir la sécurité des forces onusiennes présentes sur le front. » Dix ans après l’arrivée des premiers observateurs et deux ans après avoir fortement contribué au succès des premières élections démocratiques, c’est contre elle que la Mission des nations unies au Congo fait pratiquement l’unanimité !
De tous côtés, les reproches s’accumulent : le mouvement de Laurent Nkunda, qui veut désormais prendre le pouvoir à Kinshasa, assure que les Casques bleus ont pris parti pour les forces gouvernementales et l’ont bloqué aux portes de Goma. De leur côté, la presse et la société civile multiplient les reproches, accusant pratiquement les Onusiens d’avoir fait le jeu des rebelles, sinon de Kigali : les observateurs de la Monuc auraient été les derniers à constater que les forces armées rwandaises avaient ouvert le feu avec des blindés pour épauler Nkunda et ils n’auraient jamais reconnu que le chef rebelle recevait renforts et munitions depuis le pays voisin, pas plus qu’ils n’ont essayé d’appliquer le mandat d’arrêt délivré par la Cour pénale internationale contre Bosco Ntaganda, le chef d’état major de Nkunda.
Le massacre de Kiwandja, dont le bilan dépasse probablement les 200 morts, pourrait marquer un point de non retour : non seulement Alan Doss, le chef de la Monuc, a mis sur le même pied le CNDP (Congrès national pour la défense du peuple) et les combattants Mai Mai qui avaient occupé la ville (prenant en otages des personnalités proches de Nkunda avant de se retirer) mais les 140 Casques bleus casernés dans la localité n’ont pas bougé pour empêcher les rebelles de commettre des massacres, passant de maison en maison…Cette ultime lâcheté fait suite à une série de scandales : Indiens surpris à commercer des minerais, Marocains renvoyés pour abus sexuels, trafics d’ivoire à Bunia, incapacité à désarmer et à rapatrier les combattants hutus rwandais qui infestent le Congo depuis 1994 et donnent prétexte à toutes les guerres.
Cependant, au fil des années, la Monuc s’est considérablement renforcée et représente la plus importante des interventions de l’ONU: au Kivu, elle opère sous « chapitre 7 » ce qui lui permet d’ «imposer » la paix et l’oblige à protéger les civils, son budget annuel dépasse le milliard de dollars et ses effectifs s’élèvent à 18.407 Casques bleus provenant de 48 pays, un millier d’officiers de police et 3.578 civils. Compte tenu de l’étendue du pays, ces effectifs peuvent paraître insuffisants. Cependant, l’épicentre des troubles se trouvant dans deux territoires du Nord Kivu, (sur cinq au total, donc une superficie assez réduite) une concentration des forces autour de Goma devrait permettre de tenir en échec des rebelles dont le nombre est estimé à 5 ou 6000 hommes. En réalité, les problèmes de la Monuc tiennent moins à son mandat, ses effectifs ou son budget qu’à des questions de fonctionnement et des contradictions internes : pour engager des opérations militaires agressives, les Casques bleus indiens et pakistanais ont besoin du feu vert de leurs capitales respectives ! En réalité la seule règle appliquée par tous les Casques bleus semble être de prendre le moins de risques personnels possible…De plus, ces hommes qui parlent à peine l’anglais et ignorent tout du français n’ont aucune compréhension du terrain où ils se trouvent.. Selon Xavier Zeebroek du GRIP, « plus que des troupes supplémentaires, ce sont des images satellitaires, des drônes, des unités chargées du renseignement qui pourraient contribuer à une meilleure compréhension du terrain ».
Confrontées à une situation très complexe, censées appuyer des forces gouvernementales souvent désorganisées, peu fiables et coupables elles aussi de violences et de pillages (à Kanyabayonga entre autres) les forces en opération sont cependant moins à blâmer que leurs instances dirigeantes : ce sont les pays membres du Conseil de Sécurité qui ont refusé de donner des moyens supplémentaires à Alan Doss, ce sont les Américains et les Britanniques qui protègent régulièrement leur allié rwandais, ce sont les Belges (au Conseil de sécurité jusque fin décembre) qui n’ont pas agité à temps la sonnette d’alarme pour cause de querelle personnelle avec Kabila…

le blog de notre envoyée spéciale en Afrique