Politique > 10 questions a Ma

 

Me Jean-Paul Mopo Kobanda lors d'une conférence à l'hotel Hollidays à Paris , Metro République

Il est le Congolais chouchouter par les médias de l'hexagone depuis la reprise de la guerre dans le Kivu, Maitre Jean-Paul Mopo Kobanda est sollicité par des confrères français pour expliquer ce qui se passe. En effet, Me jean-Paul Mopo Mokanda a sonné le tocsin dans son ouvrage « Les crimes économiques dans les Grands Lacs africains“ (Editions MENAIBUC 2006), il a analysé la problématique de criminalisation de l’économie et les pillages des ressources naturelles en République Démocratique du Congo. Les médias occidentaux ne soulignent pas assez cet aspect déterminant du conflit qui touche le Kivu. Jean-Paul Mopo Kobanda, doctorant en droit à l'université de Paris-I, est entre Paris et Nancy où il donne des conférences. Très sollicité y compris des organismes internationaux, Jean-Paul Mopo Kobanda s'est organisé pour répondre aux multiples sollicitations tout restant lui-même: un intellectuel qui ne prend pas la grosse tête.

1. Réveil FM: L'expression "No Nkunda, no Job" est-elle une réalité en République Démocratique du Congo ? On a parfois l'impression que la guerre de l'Est arrange tout le monde. Le gouvernement pour échapper aux 5 chantiers, Nkunda pour sa légitimité, les généraux de fardc pour empocher l'argent des militaires, le Ruanda pour soi-disant poursuivre les interharwé etc..

Me Jean-Paul Mopo Kobanda: Cette expression, on l’entend même au sein des casques bleus de l’ONU dans le Kivu. C’est vous dire la portée de cette « blague » qui reflète malheureusement la situation sur terrain dans le Kivu aujourd’hui.

Si Nkunda n’avait pas été là, on serait certainement en train de parler du retrait de la Mission des Nations unies au Congo (Monuc) comme c’est le cas en Sierra Léone et au Libéria. Par ailleurs, c’est un piège de penser que Nkunda constitue l’alpha et l’omega des graves problèmes sécuritaires, sociopolitiques et économiques qui se posent au Congo comme vient de l’avouer Kabila dans un discours à la nation, le 13 décembre dernier au Palais du peuple devant les Sénateurs et députés. Car, Nkunda n’est pas dans le katanga, dans l’Ituri, dans le Kasaï, dans le Bas-Congo, à l’Equateur, ni à Kinshasa mais le gouvernement y est autant absent, inefficace et incapable. Les soldes et rations des militaires et forces de sécurité y sont détournés et les fonctionnaires impayés.

Quand au Rwanda, il n’a pas besoin de Nkunda pour poursuivre son plan de déstabilisation de la RDC entamé en 1996 avec la complicité des Etats-Unis, de la Grande Bretagne, de l’Afrique du sud et de plusieurs multinationales ; en vue de capter et contrôler les ressources minières de la RDC. La présence des FDLR en RDC est une aubaine qui sert d’argument éternel au régime Tutsi rwandais pour justifier ses interventions et crimes au Congo.

Vous savez très bien que la neutralisation des FDLR ne constitue pas une priorité pour Kagamé qui a eu deux grosses occasions de les réduire à néant et qui n’a pas souhaité le faire.

De 1997 à 1998, lorsque l’armée rwandaise contrôlait tous les territoires de la RDC et que James Kabarebe était chef d’état-major général des Forces armées congolaises, ils auraient du détruire les bases des FDLR, mais ils ne l’ont pas souhaité et se sont attelé plutôt à massacrer les congolais, piller et transférer les ressources naturelles pour reconstruire leur pays.

Ils ont eu une deuxième occasion entre 1998 et 20003 quand ils ont contrôlé, par la rébellion de RCD interposé, toutes les provinces de l’Est.

Là aussi, les pillages des minerais du Congo ont primés.

Quand aux cinq chantiers annoncés, le gouvernement congolais a signé des tas des contrats, notamment avec les chinois présentés comme points culminants de leur exécution. A ce jour, les seuls aspects qui ont connu un début d’exécution concernent l’exploitation des minerais qui étaient pourtant censés être le dernier volet car destinés au remboursement des prêts consentis.

Il faudrait un moment qu’on explique aux congolais comment arrive-t-on à rembourser des dettes pour des chantiers qui n’ont pas encore démarrés comme l’affirmait il n’y a pas longtemps Vital Kamere, le président de l’assemblée nationale, dans jeune Afrique.

Le ministre des travaux publics, Pierre Lumbi annonce le début des chantiers en janvier 2009, presque à mi-mandat de Joseph Kabila. Je leur souhaite bonne chance pour construire les autoroutes du nord au sud, de l’Est à l’ouest comme cela a été promis durant la campagne présidentielle.

2. Réveil FM: Pourquoi Joseph Kabila ne nomme pas un chef d'état major de Fardc capable de mettre en déroute le CNDP ? Pourquoi est-il trop complaisant avec Nkunda ? Avons-nous encore des généraux valables qui connaissent mieux les réalités de la partie Orientale en guerre ?

Me Jean-Paul Mopo Kobanda: Votre question est intéressante car on dit toujours « qu’il n’y a jamais de mauvaise troupe, il n’y a que de mauvais chef ». Avant de parler de Chef d’état-major, il faut évoquer le commandant suprême de l’armée qui se trouve être le président de la république. En temps de guerre, il appartient au Chef de l’Etat d’exercer une autorité positive sur l’armée et un leadership éclairé à la tête de la nation. Au lieu d’installer ses bureaux à l’assemblée nationale pour contrôler les paroles des députés, kabila aurait pu installer son quartier à Goma.

La question de complaisance de Kabila avec Nkunda se pose effectivement quand on voit comment il a été aussi violent et répressif avec Jean-Pierre Bemba et ses gardes et dans le Bas-Congo à l’égard des partisans de Bundu dia Kongo. De là à penser que l’inefficacité des FARDC dans l’Est est due uniquement à une complaisance de Kabila, il y a un pas qu’il ne faut pas franchir aussi sèchement.

Il y a une conjonction des facteurs qui contribue à la perpétuation de la situation dans le Kivu. L’un des facteurs est d’ordre organisationnel au sein de l’armée. Plusieurs branches de FARDC issues des anciens mouvements rebelles et opérant dans l’Est, dont le 85ème Brigade par exemple, ont refusé le brassage et la formation idéologique et civique nécessaire au façonnement d’une vraie armée à vocation républicaine.

Les commandants de ces unités ont gardé les positions qu’elles occupaient à l’époque des rébellions avec tous les trafics qui allaient avec leurs précédentes activités et statuts. Certains soldats et commandants des régions militaires de l’Est nommés par kabila, dont la 7ème et la 8ème région sont aussi issus des anciens mouvements rebelles auxquels appartenaient Nkunda et ses hommes (AFDL, RCD).

Or, le noyau dur du CNDP est issu des anciens combattants du RCD-Goma qui ont refusé de revêtir l’uniforme de l’armée nationale, c’est-à-dire des anciens collègues d’armes des militaires de la 85ème brigade notamment. La complicité entre ces forces en vue de maintenir leurs contrôles respectifs sur les mines est un facteur très puissant qu’il ne faut pas négliger dans l’analyse du conflit en cours à l’Est.

Evidemment, le commandant suprême de l’armée qui laisse prospérer cette situation en est le premier responsable surtout qu’il s’est fait élire sous le slogan de « l’homme de paix ».

Quand aux généraux valeureux capables de faire face à la crise dans l’Est, il est indéniable que la RDC est un vivier d’officiers formés dans les meilleures écoles de l’Europe et des Etats-Unis et qui ont acquis des longues expériences dans leurs parcours militaires. Il y a aussi des officiers qui ont fait des carrières exemplaires et qui sont très écoutés des troupes combattantes, c’est le cas du général Mbunza Mabe dont le travail remarquable dans l’Est justement était apprécié de la population et des soldats.

Mais encore une fois, c’est au commandant suprême de les nommer là où ils peuvent être utiles. Ce n’est pas ce qui est fait.

3. Réveil FM: Comment expliquez-vous que le Rwanda soit devenu le premier producteur du coltan, nobium..? Lorsqu'on sait que les minérais de l'Est sont convoités, peut-on dire que le CNDP-pro-tutsi et les Fdlr-interhamwes- pro hutus travaillent pour le Rwanda ?

Me Jean-Paul Mopo Kobanda: La réponse se trouve dans votre question. Tant qu’il n’y aura pas un gouvernement compétent pour restaurer l’autorité de l’Etat sur tout le territoire national et construire une armée en mesure de faire la guerre à ses voisins prédateurs, les activités du CNDP, des FDLR mais aussi de tous les groupes armés et milices œuvrant dans l’Est et dans l’Ituri prospéreront.

Le vieux adage qui dit « qui veux la paix, prépare la guerre » est plus que jamais d’actualité en RDC.

Il est affligeant et humiliant pour un peuple d’entendre depuis douze ans ses dirigeants, ses généraux et son gouvernement dénoncer l’invasion des armées des pays voisins sans qu’ils organisent la riposte nécessaire et n’engagent leurs responsabilité s. Douze ans représentent trois mandats présidentiels aux Etats-Unis durant lesquels on peut réaliser d’énormes chantiers.

Depuis que les militaires rwandais ont officiellement quitté le territoire congolais, le régime de Kagamé a réorganisé l’intervention rwandaise dans l’Est de la RDC à travers des réseaux d’élites politico-militaro-é conomiques et intellectuelles avec comme principales bases d’opération, Kigali, Gisenyi, Goma, Bukavu et les pays de transit comme l’Afrique du sud.

Les multinationales se contentent maintenant de traiter avec des intermédiaires congolais et rwandais établis dans la région et liés aux groupes rebelles et aux petits exploitants parfois familiaux qu’elles préfinancent. Les comptoirs établis à Goma ou dans les principales localités de l’Est servent ensuite d’appui légal aux exportations des ressources issues pourtant d’exploitation illicite.

Je vous rappelle que le Rwanda n’est frappé d’aucun embargo et rien ne l’empêche d’exporter le plus légalement du monde les ressources issues de l’économie criminelle au Congo. En déstabilisant le Kivu, Kigali s’assure facilement le contrôle des filières d’exploitation et de commercialisation des minerais produits dans l’Est.

Voilà comment le Rwanda est devenu un exportateur important de Coltan et de cassitérite. Il a même construit depuis 1999 une grande fonderie à Gesenyi pour traiter les minerais avant de les exporter avec valeur ajoutée garantie.

4. Réveil FM: Les congolais de la diaspora à Paris, Bruxelles, à Londres et dans d'autres capitales européennes ont défilés avec des banderoles "Kagamé+Kabila+ Nkunda=1" . Pensez-vous que c'est une vue de l'esprit ou une complicité avérée existe entre les trois ?

Me Jean-Paul Mopo Kobanda: Ce sont trois personnes qui ont déjà travaillé ensemble à l’époque de l’AFDL. Kagamé était l’instigateur de l’invasion qui a porté Laurent-Desiré Kabila au pouvoir et Joseph Kabila était l’adjoint de Nkunda au sein de la branche armée de l’AFDL.

Mais personnellement, je trouve que réduire le meurtrier conflit congolais à ces trois personnes est très réducteur de la grave crise multisectorielle qui sévit dans l’Est de la RDC et dont les fondements se trouvent dans le souci des différents acteurs nationaux, régionaux et internationaux d’exploiter impunément et au détriment du peuple et de l’Etat congolais, les immenses richesses naturelles du sol et du sous-sol.

Ces trois là sont bien entendu les acteurs principaux de la situation sur terrain mais les congolais doivent dépasser cette dimension pour dénoncer aussi vivement les crimes économiques des multinationales et leur rôle négatif aux côtés du Rwanda et des rebelles ainsi que la complicité des puissances occidentales qui sont les pays de destination des minerais de sang exploités de façon illicite.

5. Réveil FM: N'est-ce pas une moquerie contre les Congolais lorsque Louis Michel, le commissaire européen déclare que Paul Kagamé lui a demandé de parler à Nkunda alors que le rapport des Nations-Unies établit une relation étroite entre les deux personnages. Y-a-il un mépris envers les congolais ?

Me Jean-Paul Mopo Kobanda: Cette question reflète l’importance excessive que les congolais accordent à certaines personnalités qui n’ont en réalité aucune influence réelle d’agir positivement en faveur des solutions durables.

Si la Belgique a un lien historique avec la région des Grands Lacs de fait du passé colonial ; elle n’a pas aujourd’hui le poids diplomatique et militaire nécessaire pour influer considérablement sur les cours des évènements. Empêtrés dans leurs propres contradictions ethniques, flamands contre wallons ; la vision des responsables politiques belges sur les évènements dans la région des Grands Lacs a toujours été belgocentriste, c’est-à-dire, ethnocentrise.

Or, les vraies causes du conflit dans la région des grands Lacs comme déjà soulignées sont économico-financiè res. Les divisions ethniques servent à la mise en forme et à l’expression du conflit.

La Belgique qui est l’un des principales destinations des minerais congolais illicitement exportées par le Rwanda préfère s’attarder sur le dernier volet du conflit que sur le premier qui est plus important. C’est dans cette logique qu’il faut analyser les propos de Louis Michel dont l’espace d’action est très réduit par le conflit larvé entre lui et son fils Charles Michel d’une part, et le ministre des Affaires étrangères Karl De Gucht, de l’autre.

Louis Michel n’est plus au sein du gouvernement pour porter la parole de la Belgique et il n’est pas soutenu dans ses prises de position par son gouvernement dont la diplomatie est dirigée par son ennemi De Gucht. Ses propos dilatoires ont pour but de défendre les intérêts belges pour ne pas dire wallons.

6. Réveil FM: Existe-t-il un mandat d'arrêt international contre Nkunda ? Si oui établit par qui ?

Me Jean-Paul Mopo Kobanda: A notre connaissance, il n’existe pas à l’heure actuelle un mandat d’arrêt international contre Laurent Nkunda. Ni de la CPI, ni de la justice congolaise. Le seul responsable du CNDP à être inculpé par la CPI est Bosco Ntagada, le chef d’état-major du CNDP. C’est un paradoxe car tous ceux qui connaissent bien le fonctionnement du CNDP savent que c’est un mouvement qui a des relents politico-religieux et dont les combattants vouent d’ailleurs un culte quasi-divin à leur leader qui n’est autre que Laurent Nkunda.

C’est lui le vrai patron du CNDP et qui distribue les rôles et décide avec ses parrains rwandais de l’évolution des opérations sur terrain. Comme c’est quelqu’un qui a des sérieux problèmes de santé qui nécessitent des soins réguliers, chaque fois qu’il s’absente de son fief pour par exemple se faire soigner, le moral des troupes s’en ressent.

Mais la CPI préfère souvent frapper les sous-fifres que les vrais responsables comme dans le dossier des crimes commis en Centrafrique en 2002 et 2003 lors des tentatives de putsch contre l’ancien président Ange-Félix Patassé.

Jean-Pierre Bemba qui a envoyé des hommes pour secourir le régime de Patassé se trouve poursuivi par la CPI alors que Patassé ne fait l’objet d’aucune poursuite ni ses généraux.

Mais le paradoxe le plus frappant provient du message d’impunité véhiculé par la justice et le gouvernement congolais. Les nombreux rapports faisant état des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité n’aboutissent au mieux qu’a des communiqués d’indignation du gouvernement congolais. Des poursuites ne sont pas engagées contre leurs auteurs sur le sol congolais et les mandats d’arrêt internationaux ne sont émis contre personne.

7. Réveil FM: Le gouvernent congolais est très allégeant avec Laurent Nkunda qu'il ne l'a été avec Jean-Pierre Bemba, à quoi est dû cette allégeance de kabila à l'égard d'un mercenaire pilleur ?

Me Jean-Paul Mopo Kobanda: Je ne sais pas si on peut parler d’allégeance mais comme je l’ai dit précédemment, le comportement adopté vis-à-vis des mouvements opérant à l’Est contraste avec celui affiché vis-à-vis du MLC et Bundu dia Kongo à l’Ouest. Chacun peut en tirer la leçon que s’impose.

8. Réveil FM: la phrase de jean pierre Bemba " nous avons accepté l'inacceptable" est devenue célèbre comme celle du défunt Maréchal à N'selé" Comprenez mon émotion ". Quels sont d'après vous les erreurs commises par J P bemba ? Avait-il mieux négocier son départ en exil? Que dites-vous de tous ces militaires qui ont cru en lui et se sentent abandonnés et délaissés?

Me Jean-Paul Mopo Mokanda: Quand on fait la politique et qu’on est soutenu par une écrasante majorité de la population très déterminée, par des combattants dévoués jusqu’à donner leur vie ; on n’a pas le droit « d’accepter l’inacceptable » car le combat que l’on incarne n’est pas personnel mais collectif. Accepter l’inacceptable est une compromission de l’idéal autour duquel une partie très importante de la population s’est réunie. C’est pourquoi de nombreux congolais on ressenti cette phrase comme une trahison.

La plus grosse erreur de Jean-Pierre Bemba a été de négocier son propre sort et pas celui des 80 % des kinois, des bas-Congolais, des Kasaïens, des équatoriens, des bandundulois et des milliers des Kivutiens, Katangais et orientaux qui ont bravé les menaces et intimidations pour le soutenir.

Ce n’est pas en la personne de Jean-Pierre Bemba que les congolais avaient massivement adhéré, mais à son message de changement et au leadership qu’il aurait incarné à la tête de l’Etat.

Raila Odinga au Kenya et Morgan Tsangirai au Zimbabwe ont refusé l’inacceptable parce qu’ils ont compris la dimension impersonnelle et quasi-sacerdotale d’une démarche politique portée par le peuple.

Ils ont pu créer, au risque de leur propre vie ; un équilibre politique nécessaire à la protection des opposants et des sympathisants de l’opposition mais aussi propice au développement d’une vraie démocratie. C’est exactement le contraire de ce qui s’est passé en RDC. Le sort de tous ces jeunes soldats qui se sont sacrifiés pour soutenir Jean-Pierre Bemba est encore plus terrible. Ils ont été traqués comme des bêtes avec leurs familles ; certains ont été incarcérés dans des conditions inhumaines mais la majorité a été froidement assassinée comme l’ont constaté deux rapports internationaux.

Tous ces crimes doivent être jugés un jour pour que leurs auteurs répondent de leurs actes.

9. Réveil FM: La mafia a pour règle " se serrer les coudes" dans une solidarité sans faille. Les gouvernants congolais issu des élections de 2006 n'ont-ils pas raison de vivre de la corruption et concussion, de pratiquer l'omerta du silence sur les tortures, les arrestations arbitraires, la fermeture des médias, les assassinats politiques. La solidarité oblige-t-elle nécessairement au silence complice ?

Me jean-Paul Mopo Kobanda: La solidarité n’oblige pas au silence complice, mais puisque vous évoquez la mafia pour illustrer votre propos, sachez que dans la mafia, le silence complice est effectivement la règle d’or, quitte à sacrifier ses propres valeurs voire sa propre vie.

En politique, c’est à peu de chose près ce qui se passe aussi. Vous avez remarqué que quand les angolais ont occupé une partie du territoire de la RDC située dans la province d’origine du premier ministre alors en poste, Antoine Gizenga, le silence de ce dernier sur le sujet a été plus qu’abasourdissant ; le rendant de fait complice de cette situation. Pourtant, tout le monde sait que Gizenga n’est pas personnellement impliqué dans cette occupation et les exactions qui l’ont accompagnées. Mais à quoi sert de faire la politique lorsqu’on ne peut défendre les siens alors qu’on est au sommet de l’Etat ?

Tous les responsables politiques membres et alliés de la majorité présidentielle qui observent sans dénoncer les répressions et assassinats des journalistes, les arrestations arbitraires et tortures des originaires de l’équateur, les exactions à l’égard des membres et sympathisants de Bundu dia Kongo, les enlèvements des partisans du MLC et de l’opposition, et j’en passe ; ont une lourde responsabilité devant l’histoire.

Ils ne pourront pas un jour dire qu’ils ne le savaient pas car il n’y a rien de pire que de voir et laisser tuer ses compatriotes, ses frères et sœurs sans lever son petit doigt. La responsabilité morale et psychologique est autant plus lourde que celle des bourreaux eux-mêmes.

10. Réveil FM: L'opposition institutionnelle est aphone et inaudible parce qu'elle est à la mangeoire. La société civile congolaise a-t-elle la capacité de jouer ce rôle interpellateur laissé vide par cette opposition qui se fourvoie ?

La République Démocratique du Congo a-t-elle encore la chance de se relever ? De relever les défis de ce 21ème siècle ?

Me Jean-Paul Mopo Kobanda: Vous posez-là plusieurs questions importantes à la fois. Oui, la République Démocratique du Congo peut encore se relever. Oui, elle peut relever les grands défis du 21ème siècle tout simplement parce qu’elle en a les potentialités.

Regarder ce qui se passe au Libéria et en Sierra Léone, des Etats qui étaient condamnés par des guerres sanglants et n’avaient aucun espoir d’avoir un avenir meilleur il y a moins de dix ans et qui voient les horizons s’éclaircir à cause des changements de cap qui ont permis l’émergence des nouveaux leaderships.

La crise multisectorielle qui déchire la RDC est certes d’ordre social, financier, économique, sécuritaire et politique. Mais la plus grande est celle de leadership car tant qu’on n’aura pas un capitaine dans le bateau qui fixera le cap à atteindre, le miracle ne se produira pas. Ce sont des actions d’envergure à la tête de l’Etat et à la hauteur des enjeux en présence qui manquent, pas l’inverse.

Je vous donne un exemple pour terminer cette interview. L’Ouganda a été condamné à deux reprises par la Cour Internationale de justice d’abord pour les affrontements avec le Rwanda à Kisangani en 2000 qui a entraîné plusieurs morts civils, puis pour l’ensemble des activités de ses forces sur le territoire congolais. Le gouvernement congolais aurait du évaluer les dégâts humains, matériels, environnementaux et sociaux causés par l’Ouganda, les chiffrer et les soumettre à l’arbitrage de l’ONU en vue de fixation des modalités de paiement..

Un cabinet d’avocats internationaux spécialisé dans les recouvrements des fonds d’Etats aurait du être engagé pour aider le gouvernement à mener jusqu’au bout une telle initiative. L’Etat ougandais dispose de beaucoup d’avoirs dans le monde susceptibles d’être saisis pour assurer les dédommagements de l’Etat et de nombreuses familles congolaises, notamment de Kisangani, citées dans les arrêts de la CIJ comme des victimes. Mais ces arrêts sont restés lettres mortes à cause de l’incompétence du gouvernement congolais. Je peux vous multiplier les exemples d’actions qu’un leadership fort à la tête du pays peut mener en très peu de temps pour ramener le pays vers la voie de la prospérité mais aussi de respectabilité . Le travail abattu par la société civile sur terrain et dans la diaspora est très capital et mérite d’être salué.

Nous ne parlons pas des opérateurs politiques qui revendiquent le label « société civile » dans le but de se positionner sur l’échiquier politique, quitte à aller devant les tribunaux. Nous parlons des confessions religieuses, des associations des étudiants, des syndicalistes, des coopératives des femmes, des creuseurs artisanaux, des avocats, des chefs d’entreprises, des médecins, des enfants « phaseurs », des journalistes et intellectuels engagés,… qui ne se laissent pas intimider par les répressions politiques et défendent avec conviction leurs droits et les valeurs auxquelles ils croient.

 

Source:www.reveil- fm.com | Date:2008-12- 26 14:22:38

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