(AgoraVox 05/01/2009)

Les Droits sont des règles qui régissent les rapports entre les hommes. Nous écrivons sur le droit et en parlons, le plus souvent en faisant abstraction de son support, de son contenant. Mauvaise habitude qui nous conduit parfois dans des aberrations.

Bernard Kouchner, Rama Yade

Nous comprenons bien l’embarras de l’hypocrite Bernard Kouchner[1] qui, après avoir créé et joué la comédie du "Droit d’Ingérence"[2] se trouve aujourd’hui bien mal à l’aise dans la peau du Ministre des Affaires Etrangères. Il propose au gouvernement français la création d’un Secrétariat d’Etat aux Droits de l’Homme qu’il récuse aussitôt comme étant une "erreur". Décidément, ce garçon que nous croyions grand ne sait pas exactement ce qu’il veut. Faut-il l’abandonner à son triste sort ? Surtout pas quand il nous entraîne avec. Aidons-le plutôt à bien comprendre cette situation qui implique trois personnages :

Le premier personnage, "Monsieur Bernard Kouchner" (contenu)
Le deuxième personnage, "Le Médecin du Monde" de l’Humanitaire (contenant)
Le troisième personnage, "Le Ministre des Affaires Etrangères" (contenant)
Du point de vue du public spectateur, "Monsieur Bernard Kouchner" n’est rien. Un illustre inconnu. En revanche le public connaît très bien les contenants que sont "Le Médecin du Monde" et "Le Ministre des Affaires Etrangères". Le simple fait d’avoir transvasé l’homme, "Monsieur Bernard Kouchner" d’un contenant à un autre contenant, a suffi pour provoquer en lui une grave crise d’identité. C’est là un indice de la prédominance du contenant sur le contenu.

Le problème de Monsieur Bernard Kouchner, c’est de croire que le citoyen est un spectateur niais facile à duper. Nous savons tous qu’il est un acteur grassement payé sur le dos de l’Humanitaire pour jouer "Le Médecin du Monde" aujourd’hui qu’il a plus offrant pour jouer "Le Ministre des Affaires Etrangères", il change de rôle. Rien à en dire. Un acteur professionnel incarne des rôles et des personnages très différents les uns des autres, sans que sa personne en soit affectée.

Pour ne pas paraître un "vulgaire" acteur, Monsieur Bernard Kouchner continue de s’identifier au "Médecin du Monde". Mais dans son nouveau rôle du "Ministre des Affaires Etrangères", "l’angélisme" ne paye pas. Alors, il fait ce en quoi les intellectuels sont passés maîtres : Affirmer publiquement une chose pour mieux la saboter secrètement.

La véritable erreur du gouvernement, est d’avoir confié le Secrétariat d’Etat aux Droits de l’Homme à une personnalité trop voyante. Rama Yade, une actrice belle et noire dont la peau fraîche a gardé en mémoire les "Droits de l’Homme". La jeune Secrétaire d’Etat ne veut pas tricher et tient à appliquer à la lettre tout ce qu’elle a appris sur les bancs d’école. En jouant sérieusement son rôle, elle dérange ses maîtres dont elle dévoile le cynisme.

Laissons à l’écrivain journaliste, Eric Zemmour le privilège de continuer à dénoncer les contradictions internes[3] propres aux gens de lettres car notre propos est tout autre. C’est le support qui nous importe, le contenant et non le contenu. S’intéresser au contenu, c’est se laisser distraire par des détails insignifiants qui ne concernent pas l’essentiel qui est tout de même l’homme.

Finalement Rama Yade, Bernard Kouchner et Eric Zemmour ne seront-ils pas des "pantins" de l’Ecriture ? Plus ils se chamailleront sur les droits de l’homme, plus ils s’éloigneront de l’Homme.

De l’Homme au Papier-Ecriture

N’oublions pas qu’à l’origine, bien sûr dans les civilisations agraires, le support de toute règle sociale était l’homme. Quand on veut s’enquérir des règles sociales, on interroge toujours l’homme qui en est le détenteur, en quelque sorte, la valeur suprême à laquelle il fallait toujours se référer. C’est ainsi qu’un manquement à l’homme, une agression de l’homme et une violation de l’homme, étaient toujours pris comme tels.

Le problème de nos jours est qu’après la Renaissance, l’ivresse du siècle des lumières aidant, la civilisation occidentale a fini par complètement basculer vers la fin du dix-huitième siècle en faveur d’un nouveau support : Papier-Ecriture. Le simple changement du support de la loi, de l’homme au papier-écriture, signifie l’exclusion de l’homme de la sphère du droit. La seule source du droit est désormais, l’écriture couchée sur du papier et non l’oralité des hommes qui est automatiquement dénuée de valeur. La valeur suprême n’est plus l’Homme mais le Papier-Ecriture. Quand l’homme est violé, on passe sous silence ce viol pour ne parler que de violation des "Droits de l’Homme". Dérisoire. Le monde à l’envers.

Dans AgoraVox, Monsieur Renaud Bouchard dans son article "Foi en l’Homme" se trompe en ne tenant pas compte des effets du support[4]. Il nous rappelle le discours de Giorgos Seferis au Banquet du Prix Nobel, prononcé en français © Fondation Nobel 1963 : « Dans ce monde qui va en se rétrécissant, chacun de nous a besoin de tous les autres. Nous devons chercher l’homme, partout où il se trouve. Quand, sur le chemin de Thèbes, Oedipe rencontra le Sphinx qui lui posa son énigme sa réponse fut : l’Homme. Ce simple mot détruisit le monstre. Nous avons beaucoup de monstres à détruire. Pensons à la réponse d’Oedipe. » Oui d’accord Monsieur Renaud mais, dans la Grèce antique dominée par l’Oralité, le support des lois était effectivement l’Homme. Aujourd’hui, c’est le texte aussi magnifique soit-il, il ne demeure pas moins un carcan monstrueux dont l’homme gagnerait à se débarrasser.

Je ne saurai terminer cet article sans citer la dépêche de l’AFP titrée :
« Décès Lansana Conté : une "opportunité" pour la démocratie (ONG ivoirienne) ABIDJAN – Le décès du président guinéen Lansana Conté est "une opportunité" pour la Guinée de "tout remettre à plat" pour restaurer la démocratie et les droits de l’Homme, a affirmé mardi le président de la Ligue ivoirienne des droits de l’Homme (Lidho, indépendante), Patrick N’Gouan. »[5] Ça veut dire ce que ça veut dire.
Que la mort d’un homme soit une réjouissance pour les Droits de l’Homme se passe de commentaires.

Yrom

Conseiller en Veille Technologique et Culturelle

Abidjan Côte d’Ivoire Afrique