Bruxelles – 01 juillet 2009, de notre rédacteur en chef.

Comme le dit notre Gacamigani national, Victoire sera-t-elle victorieuse en 2010 ?

Il faudrait être sourd, non, totalement indifférent à ce qui se dit dans les communautés rwandaises, d’ici et d’ailleurs, pour ne pas être au courant de la grande nouvelle. Enfin plus aussi nouvelle que ça, car on en parle quand même depuis au moins le début de l’année et ; quant à « grande », cela dépend de pour qui et pourquoi,…tout est relatif dans ce bas monde. Toujours est-il néanmoins que Victoire, Ingabire-Umuhoza, Présidente des FDU – Forces Démocratiques Unifiées – a la ferme intention de se présenter aux élections présidentielles prévues pour 2010, briguant le fauteuil de Président (e) de la République rwandaise.

Si le dessin est louable, non seulement par la témérité (si quand même) et le dynamisme (Mme Ingabire n’en manque pas) mais surtout par le courage et la volonté politique (il en faut en effet pour s’en aller défier le dictateur qu’est Kagame) qui animent la future candidate, l’annonce qu’elle participera aux élections rwandaises a provoqué remous, controverses, polémiques et vifs débats.

D’abord sur la question même. Réalisme oblige. Car, ayant à l’esprit la mascarade que furent celles de 2003, peut-on sérieusement penser une seule seconde que les élections de l’année prochaine seront moins…opaques, les résultats moins manipulés, bref transparentes et libres ? Sérieusement ? Rien qu’à cette pensée on a une envie irrépressible de rire. J’en vois même qui ricanent.

Mais, qu’à cela ne tienne. Étant d’un naturel plutôt optimiste je vais laisser au régime de Kigali le « bénéfice » du doute (et non pas de la force répressive) et naïvement penser que ces élections de 2010 donneront peut-être un vainqueur autre que celui qui les a commandées et dont les forces vont les surveiller de près. Bien entendu, dans ma naïveté je fais ici abstraction du fait que la Commission électorale a déjà été nommée (par le même commanditaire), que le processus électoral est balisée, par le même, et que y compris la loi électorale qui, déjà l’avantageait, lui procure dans sa nouvelle mouture un avantage encore plus certain. Ma naïveté a des limites quand même mais bon, faisons abstraction de tout cela et considérons que déjà, les FDU partent donc perdantes, mais qu’elles en sont conscientes. Sérieusement ? Encore heureux…

Malgré tout, les interrogations demeurent… Pourquoi les FDU prennent-elles ce chemin ? Que vont-elles faire dans ces élections ? Quelle est leur stratégie ? Quel est leur plan ? Et d’ailleurs en parlant de plan, y aurait-il un plan B et si oui, quel est-il ? Quelle est la garantie de Victoire Ingabire et de ses collègues ? Quelles sont leurs véritables motivations ? A quoi aspirent-ils ? Changement ? Postes alléchants ? Pouvoir à tout prix ? Et surtout, à quoi doivent s’attendre les rwandais, les exilés et les autres, de ce retour programmé des chefs de l’opposition extérieure ? Les questions qui fusent sont d’autant plus nombreuses que lors des différentes occasions qu’elles ont eu de parler publiquement de ce projet, des tests de meetings en quelque sorte, les FDU ont fait que moins convaincre et ont, au contraire provoqué perplexité, interrogations et palabres.

Aux Pays-Bas, où l’assistance était fort animée, rien de nouveau ne fut dit. A Bruxelles où, le public, contrairement à ses habitudes était venu en masse pour une fois, le débat a tourné court. Aussitôt après la première salve de questions, la Présidente, la même candidate pressentie, s’est excusée car ayant d’autres programmes. N’est resté pour répondre aux questions qu’un porte-parole arrogant, parfois irrévérencier, souvent outrecuidant comme si faire de la politique (mal en ce cas) exonérait de bonnes manières… Et à l’heure où nous prenons plume, celle qui désormais entend donner une autre dimension à son surnom de « Présidente », fait quelques « stops » aux Etats-Unis. Espérons que ceux-là ne se poseront pas plus de questions après son arrivée qu’avant. Autant ne serait déjà pas si mal…

Devant ces questions et débats, arrêtons-nous un instant et explorons, sérieusement, les options qui s’offrent aux FDU et à leur direction. Il s’agit ici d’énumérer les scénarios possibles afin d’alimenter les réflexions des uns et, j’en suis conscient, les polémiques des autres.

Disons d’emblée que certaines de ces questions même si intéressantes, ne trouveront jamais de réponses. Se demander quelle est la stratégie électorale des FDU ? Elles ne la diront pas. Quelles sont leurs garanties ? Ni Victoire ni son porte-parole (un bien mauvais choix) ne diront mot. Mais on peut énoncer quelques hypothèses….

  1. Sincérité et conviction politique

Peut-être qu’après tout, conformément à ce qu’elle a déjà déclaré maintes fois Victoire Ingabire en a assez de faire de la politique en exil. Peut-être après tout qu’elle, les FDU derrière elle, veut porter le combat là où est le champ de bataille, à savoir au Rwanda même. Peut-être après tout qu’effectivement, elle pense avoir épuisé tous les autres moyens, tracts, communiqués, conférences, débats,…et j’en passe, qu’elle considère qu’elle a déjà tout tenté et qu’il ne lui reste plus que le moyen ultime : aller affronter le régime en place et son Afande. Nonobstant les risques, malgré les sacrifices,… une (é) preuve de vaillance en somme. Plus le courage d’une action entreprise dans la sincérité, dans la transparence et assumée malgré les critiques…

 

  1. Provocation du Régime

Ou alors, Victoire entend aller provoquer, déclencher quelque chose,… Oui mais quoi ? Dans quel but ? Ici trois options s’offrent à elle. Elle participe aux élections, les perd et les dénonce. Irrégularités, trucages, pressions… Bref un tolé de tous les diables en espérant que la situation devienne plus ou moins comme celle du Kenya ou du Zimbabwe, et que donc les pressions internationales contraignent le régime à plus de … souplesse (sourires) d’ouverture (rires) et donc à un partage du pouvoir (ricanements). Cette option n’est pas réaliste même pour le naïf que je suis. Au demeurant il reste à prouver que la solution envisagée ait marché dans les pays que je viens de citer. En échange de quoi le régime de Kagame accepterait-il le partage du pouvoir ? Une éventuelle immunité pour les accusations dont lui et ses compagnons font l’objet ? Ce qui supposerait l’accord des FDU qui donc se déjugeraient, elles qui ont toujours demandé que justice soit faite. Une quelconque pression militaire ? Qui viendrait d’où ? Une menace militaire venant de l’extérieur est invraisemblable, en tout cas pour le moment. Une mutinerie interne est impensable, ce qui laisse l’hypothèse alors d’une cinquième colonne, appuyée par une force extérieure. Tout aussi invraisemblable.

Deuxième option, Victoire entend aller provoquer un soulèvement populaire. Comment ? Elle va aux élections les prépare vaille que vaille, le régime lui mettant la pression ainsi qu’à ses collaborateurs. Refus d’autorisations de meetings, refus de temps de parole dans les médias, intimidations, arrestations, voire assassinats,… Tout cela elle supporte, voire provoque, jusqu’à quelques jours avant les élections où, elle déclare se retirer car l’évolution de la situation lui fait douter de la tenue d’élections libres et démocratiques. Suite à son retrait, la contestation monte, la colère gronde et la population descend dans la rue fragilisant quelque peu le régime obligé de mâter les citoyens au vu et au su de tout le monde… Sans doute, mais n’est-ce pas là ce que Kagame et consorts font depuis 1994 ? Certes ici la cause donnerait plus de raisons à la Communauté internationale pour agir mais… Invraisemblable.

La troisième option, la moins vraisemblable de toutes, créer la confusion, afin qu’il y ait un coup d’Etat par quelqu’un de plus modéré que les hommes en « Ka ». La moins vraisemblable en effet car supposant que les FDU travailleraient pour et avec les tenants d’un éventuel coup d’Etat et que de plus la rupture au sein du régime serait consommée. D’une part rien n’est moins sûr et, d’autre part, pourquoi ces derniers auraient-ils besoin des FDU ? Et en échange de quoi ?

  1. Le Plan « Oba-Ka »

Il semblerait que Kagame n’ait jamais eu l’oreille du Président Obama. En tout cas pas une oreille aussi compatissante et bienveillante. Celui-ci, dans un effort de pacification de la région, voudrait que la question des réfugiés soit réglée une fois pour toutes. Et donc que les milliers de réfugiés et surtout d’intellectuels en exil rentrent et ne fassent plus peser sur le Rwanda (et donc d’office, sur la région) la même menace que les réfugiés tutsi en 1990. Des réunions ont eu lieu, des sommes faramineuses débloquées. De plus Kagame en réussissant cela, prouverait qu’il est l’homme de la situation, et que l’opposition la plus virulente à son régime, celle en exil, veut dorénavant venir au pays. Mine de rien, malgré les gesticulations de Mushayidi, malgré la « success story » politico-humanitaire de Rusesabagina, malgré les élucubrations hutsitiques de Rutayisire et les vociférations monarchiques de Kigeri V., Ingabire reste l’opposante rwandaise la plus crédible, la plus écoutée et donc la plus « crainte » par Kigali. Or imaginez l’effet que cela ferait de la voir demain se rallier au régime qu’elle critiquait hier… Imaginez l’effet que cela ferait de l’entendre parler en tant que premier ministre… L’effet sur tous d’ailleurs, pas seulement pour les supporters de Kagamé & Cie. Mais la même question se pose et je doute que nous ayons la réponse, quelle serait la garantie pour les FDU et leurs présidente ? Ils gagneraient quoi dans l’affaire ? Bref quelle est la monnaie d’échange ici ? A moins que…

  1. Et si « on » les avait « achetés » ?

Et finalement si ON (on se doute de qui cela serait) les avait acheté ? A coup de postes, d’honneur, ou d’espèces sonnantes et … Enfin si on les avait…corrompus ? Que cette décision, qui est quand même, rappelons-le, un sacré revirement (certes en politique c’est courant), n’était motivée ni par la sincérité d’un combat politique assumée, ni par un scénario à trois options, ni même par un plan quelconque mais tout simplement mue par l’intérêt des uns, les ambitions politiques des autres, le compromis des premiers et des seconds, tout cela sur le dos du plus grand nombre ? Pas nécessairement l’argent makotanyi, mais aussi par de nombreux avantages et facilités pour eux et leurs familles. Déjà on nous dit que certains des collaborateurs de Victoire sont effectivement des « collaborateurs ». Certains se voient ministres, d’autres sénateurs, d’autres ambassadeurs,…bref, achetés en somme. Ils prépareraient les élections, faisant une campagne plutôt tranquille si ce n’est quelques embêtement bien légers participeraient aux élections et ON les laisserait atteindre le fameux « seuil de participation » au pouvoir, au quel cas… Mais accepteraient-ils ?  Si à Bruxelles Victoire ne semblait pas d’accord avec une telle hypothèse, son porte-parole lui, a dit qu’il est plus facile de provoquer un changement en y participant plutôt qu’en en restant à la marge. La contradiction n’est sans doute qu’apparente…

Dans mon analyse, et je l’assume, il est bien évident que je peux me tromper, en tout cas la solution aux questions que nous nous posons tous se trouve dans la réponse de l’une de ces quatre scénarios. Je vous les soumets pour réflexion. Je n’ai pas non plus soulevé la question de la perception de cette participation électorale et de ses enjeux par la communauté rwandaise, surtout expatriée. Cela pourra faire l’objet d’un prochain article.

Bien sûr, je n’attends pas entretemps de réaction des FDU ou de leur Présidente, même si elle tomberait à point pour nous éclairer, pas pour me maudire, osé-je espérer. Je n’attends pas non plus une quelconque réaction d’un membre des FDU car je ne suis pas sûr qu’eux–mêmes sachent où les mène la direction de leur Coalition. Ce qui pose d’ailleurs une autre question, encore plus préoccupante. On a tous entendu cette phrase qui définit la démocratie comme le pouvoir du peuple, pour le peuple et par le peuple. Mais, les membres des FDU, d’ailleurs qui et où sont-ils ? Moi le dernier que j’ai croisé ne comprenait pas cette décision, et même en avait honte. Et cela m’a fait sourire, tout comme je riais en voyant Mr. « Ben… », le FDU en Chef de Bruxelles, lors de leur conférence écourtée. Je le regardais quand Victoire est partie et quand le porte-parole faisait semblant de répondre, il était gêné, embarrassé comme s‘il aurait voulu être ailleurs. Et encore, ceux là sont les chefs. Car imaginez-vous, il y a aussi les militants de base. Savent-ils à quoi rime ce programme « FDU 2010 » ? Ont-ils été au courant ? Ont-ils été consultés ? Et si le temps n’est pas encore venu, le seront-ils ? Ou la décision fut-elle prise en haut ? Mais alors, est-ce cela l’idée que se font de la politique nos leaders ou s’en vont-ils faire la politique des airs comme un de leurs prédécesseurs ? Celui-là même qui allé, a vu, a été vaincu et est revenu ?

Pourtant quand elle en parle, Ingabire-Umuhoza semble convaincue de sa Victoire. Si cela est, tout bénéfice pour notre Gacamigani national, izina ni ryo muntu. Mais sérieusement ? Permettez-moi d’en douter. Toutefois cela n’est pas si grave, car dans le cas contraire, c’est un autre Gacamigani qui aura raison : « Tout le monde peut se tromper ». D’ailleurs le Messie juif, lui-même, n’a-t-il pas dit « que celui qui ne s’est pas encore trompé lui lance la première pierre ? » Ah non ? Il avait dit « péché » ? Péché de naïveté sans doute,… Autant pour moi,…

 http://murengerantwari.unblog.fr/2009/07/08/les-fdu-en-2010-les-scenarios-possibles-

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Posté par rwandaises.com