lepoint.fr (source AFP)
Le président Paul Kagame assiste le 7 avril à l’inhumation d’une victime du génocide de 1994, lors d’une cérémonie de commémoration des 15 ans des massacres © REUTERS/Hereward Holland
« Lorsque vous vous souvenez de ce qui s’est passé, cela ne doit pas vous faire oublier une autre obligation, celle de regarder devant vous », a déclaré en langue rwandaise Paul Kagame à l’adresse des rescapés. « Nous devons continuer à bâtir notre avenir », a ajouté le président. « Ceux qui ont avoué leur rôle et demandé pardon, ont également choisi de regarder devant eux ; il y a maintenant des espaces où victimes et bourreaux se rencontrent ; là où ceci a lieu, tout est possible. » Une atmosphère de recueillement, sans démonstration publique de tristesse ou de colère, a prévalu lors de cette cérémonie. Rassemblée devant le mémorial érigé à la mémoire des victimes à Nyanza, l’assistance a écouté un prêtre catholique lire une prière, puis des chorales d’enfants chanter « l’espoir » pour l’avenir du pays. Un cercueil contenant les restes d’une victime des massacres de 1994 a été disposé devant le monument, avant d’être inhumé au milieu des autres tombes.
Veillée funèbre
Dans son discours, Paul Kagame a également fustigé la « lâcheté » de la communauté internationale qui a selon lui « abandonné » les 5.000 personnes tuées à Nyanza après le retrait du contingent belge. « Nous ne sommes pas comme ceux qui ont abandonné les personnes qu’ils étaient venus protéger ; ils les ont laissées se faire tuer ; ne sont-ils pas coupables ? », a-t-il lancé. « Je pense que c’est aussi de la lâcheté ; ils sont partis avant même qu’un seul coup de feu ne soit tiré. » Vénuste Karasira, l’un des rescapés de Nyanza, a ensuite raconté son histoire. « Le 11 avril, les gens de la Minuar ont commencé à plier bagages (…) Nous étions sûrs que leur départ allait sceller notre mort. (…) Les Interahamwe (miliciens extrémistes hutu, NDLR) nous ont encerclés ; ils ont ouvert le feu et lancé des grenades, nous étions tous couchés dans le sang ; j’étais couché au milieu de cadavres, couvert de sang et de morceaux de chair ; ils m’ont cru mort. »
Le génocide, perpétré d’avril à juillet 1994 par des extrémistes hutu, a fait, selon l’ONU, environ 800.000 morts parmi la minorité tutsi et les Hutu modérés. La prise du pouvoir à Kigali par l’ex-rébellion du Front patriotique rwandais (FPR) majoritairement tutsi, dirigée par Paul Kagame, avait mis fin au génocide. À la fin de la cérémonie, les participants ont défilé en un long cortège devant le monument pour un dernier hommage aux victimes de Nyanza. Le site est toujours en cours d’aménagement. Un projet prévoit d’en faire un lieu parsemé d’un million de pierres – Kigali estime à au moins un million le nombre de victimes -, une pour chaque victime, appelé le Jardin de la mémoire. Une veillée funèbre est par ailleurs prévue dans le plus grand stade de Kigali.