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By Léon Nzabandora | |
GLH 524: Entre avril et juillet 1994, plus d’un million de Rwandais, hommes, femmes et enfants, sont massacrés. La communauté internationale n’a pas su empêcher ces 100 jours de carnage, malgré la présence des Casques bleus de l’ONU. Ce troisième et dernier génocide de l’histoire du 20e siècle a laissé un pays déchiré. Il ne serait pas exagéré de dire que très peu de personnes, même les plus optimistes, auraient osé parier sur la survie de la nation rwandaise après une telle tragédie. On aura tout entendu : Création d’un « hutuland » et d’un « tutsiland » au Rwanda ou carrément diviser le Rwanda en deux pays, l’un pour les Tutsi l’autre pour les Hutu. La commémoration du 15ème anniversaire de la fin du génocide des Tutsis nous offre une opportunité de faire une analyse, certes pas exhaustive, des défis que le pays a eu à relever au cours de ces 15 dernières années. Après le génocide des Tutsi, un des défis pour le gouvernement rwandais était de permettre aux rwandais de revivre ensemble, il fallait recoudre le tissus social qui n’existait presque plus. Une grande méfiance régnait, une forte envie de vengeance dominait chez les rescapés. Et les bourreaux revendiquaient vouloir achever « le travail », le mot utilisé pour dire « tueries ». Au défi de réconcilier les composantes de la nation rwandaise s’opposait une volonté de l’éradication de l’impunité qui appelait une justice ferme au regard des crimes commis (Nous parlerons de la justice plus bas). Mais également un travail de sensibilisation s’imposait. Ainsi est née la Commission Nationale pour l’Unité et la Réconciliation (CNUR). Quel rwandais n’a pas encore entendu parler d’ « ingando », ces retraites organisées par cette commission ? Dès sa mise en place le 12 mars 1999, la CNUR s’est efforcée d’être un carrefour où les rwandais de toutes les conditions sociales peuvent se rencontrer et s’entretenir sur les vrais problèmes de leur pays, en toute franchise, dans le respect et la compréhension mutuelle, dans le but de trouver des solutions durables. Les rwandais sont appelés à avoir une vision commune de leurs problèmes, à comprendre qu’ils sont liés par le même destin. Etre rwandais doit primer sur toutes les divisions supposées ou réelles. A la fin du génocide l’appareil judiciaire était inexistant. Bien de juges ont été tués lors du génocide, d’autres avaient fui le pays et certains d’entre eux avaient pris part aux massacres. Dans un pays qui réclamait la justice la remise sur pied de ce secteur relevait des plus grands défis. Dès le mois de juillet 1994 avec la prise du pouvoir par le FPR-Inkotanyi une question se pose : comment juger ces centaines de milliers sinon des millions qui ont pris part activement au génocide des Tutsi ? Une gageure. Une reforme de la justice a été amorcé. Sans toutefois revenir dans les détails de cette reforme il importe de souligner qu’à tous les niveaux de l’appareil judiciaire se trouvent les gens qualifiés sortis pour la plupart des universités rwandaises. Mais la grande innovation a été l’instauration des juridictions « gacaca ». Ces milliers de tribunaux à ciel ouvert incarnent les multiples facettes de la politique de réconciliation nationale au Rwanda, où exigence de justice et impératif de coexistence sociale n’apparaissent pas d’emblée contradictoires. Au-delà de leur vocation judiciaire et réconciliatrice, les juridictions « gacaca » apparaissent aussi comme une entreprise historiographique du génocide. En effet, les dizaines de milliers de procès qui ont eu lieu entre mars 2005 et décembre 2007 ont progressivement mis à jour la réalité du crime à l’échelle locale. Pour la première fois depuis 1994, la population est invitée à reconstruire par le menu détail les scènes des massacres et des pillages, selon des modalités particulières, présentées comme la résurgence d’un modèle traditionnel. L’attention portée au volet judiciaire de la réconciliation trouve une expression normative dans la première loi organique du 26 janvier 2001, portant création et organisation des juridictions « gacaca ». Les deux lois suivantes, celle de juin 2004 et de mars 2007, aménagent l’organisation de ces juridictions. Elles privilégient les procédures d’aveu et de plaidoyer de culpabilité et encouragent l’application de peines alternatives à l’incarcération à savoir les travaux d’intérêt général (TIG). A l’heure actuelle où ces juridictions clôturent leurs travaux elles ont déjà prononcé plus d’un million de jugements à travers tout le pays. Si le Rwanda avait opté pour la justice classique pour juger les présumés génocidaires les procès auraient pris plus de 2 siècles. Même si les imperfections peuvent être relevées l’on reconnaîtra le succès incontestable des juridictions « gacaca ». Le Rwanda pouvait-il avoir une meilleure alternative ? Même les détracteurs ne la donne pas. Le Rwanda est sécurisé En juillet 1994 plus d’un million de rwandais franchissent la frontière du Rwanda et vont s’établir dans les camps de réfugiées de Mugunga, Kibumba, … dans la région du Nord Kivu en RDC (ex-Zaïre). Parmi ces réfugiés se cachent des dizaines de milliers des miliciens Interahamwe et des ex-Far (ex forces armées rwandaises). Ces militaires et miliciens, auteurs du génocide des Tutsi avaient emporté leurs armes et munitions au Congo et ne cachaient pas l’envie de revenir par force au Rwanda. En 1995 les attaques ont secoué le nord et l’ouest du Rwanda. La RDC n’a jamais pu ou voulu désarmer ces ex-far d’où l’intervention armée du Rwanda au Congo à deux reprises pour sécuriser ses frontières. D’aucuns avancent que les intérêts économiques motivaient ces interventions mais le fait est que ces attaques des Interahamwe à partir de la RDC n’étaient pas inventées et beaucoup de rwandais en mourraient. Actuellement le Rwanda est un pays où règne la sécurité bien que les forces résiduelles des ex-far (les FDLR) campent toujours dans les forêts de l’est de la RDC. Une réelle volonté du gouvernement congolais pour mettre fin au problème FDLR se manifeste et ces FDLR semblent suffisamment affaiblies pour menacer l’intégrité du Rwanda. Gestion du bien public On ne parle pas de gestion du bien public sans parler de corruption. Ces derniers mois plusieurs fonctionnaires haut placés ont été emprisonnés et/ou démis de leurs fonctions pour cause de corruption ou de mauvaise gestion du bien public. Ces arrestations et démissions en cascades témoignent de la volonté du pays de lutter contre la corruption. Lors de sa dernière conférence de presse mensuelle le président Kagame a réaffirmé la volonté du gouvernement de lutter contre la corruption : « la place de ces bandits (fonctionnaires corrompus Ndlr) se trouve en prison » et de poursuivre sur un ton très ferme : « l’histoire de ces dernières quinze années devrait vous servir de leçon, personne n’est intouchable ». Selon un rapport financé par la Banque Mondiale sorti en 2007 analysant 212 pays par rapport à six indicateurs de la bonne gouvernance dont la lutte contre de la corruption entre 1996 et 2006 révèle qu’au niveau du contrôle de la corruption, le Rwanda détient la première position régionale comparé avec ses cinq pays voisins à savoir l’Uganda, le Kenya, la Tanzanie, le Burundi et la République Démocratique du Congo. Tout en étant bien côté il y a lieu de dire que le Rwanda peut faire mieux. Les instruments de lutte contre la corruption sont mis en place tels l’Ombudsman, l’office de l’auditeur général, Rwanda Public Procurement Authority (qui gère les marchés publics), … Mais toutes ces institutions ont quelque chose en commun (qu’il faut corriger) : leur faiblesse. Ne peuvent-elles pas être dotées de pouvoir d’instruction pour pouvoir poursuivre ceux (les corrompus) dont elles pointent du doigt sans pouvoir rien faire ? L’espoir est permis La liste des défis relevés ou en passe de l’être ne se limite pas à la réconciliation, à la justice ou à la sécurité. Dans notre objectivité –subjective certes- nous les considérons comme les plus difficilement surmontables à la prise du pouvoir par le FPR. Nous aurions pu parler de la santé, de l’enseignement, de la promotion féminine, … Dans ces secteurs aussi le Rwanda a enregistré des progrès notables. Le secteur des media reste parmi ceux qui progressent à pas de tortue (si progrès il y a ). Ce défi est loin d’être relevé au vu de la situation actuelle. Dans le rapport de la Banque Mondiale cité ci-haut le Rwanda ne devance que la RDC à l’indicateur qui vise à mesurer le niveau de la liberté d’expression, et des médias. Le journalisme considéré comme le 4ème pouvoir n’est que l’ombre de lui même au Rwanda. |
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http://www.rnanews.com/index.php?option=com_content&task=view&id=1508&Itemid=1 Posté par rwandaises.com
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