Deux millions de personnes pourraient perdre la vie si les importantes quantités de dioxyde de carbone et de méthane retenues par les eaux du lac Kivu venaient à s’échapper. Depuis plusieurs années des scientifiques mettent en garde contre un tel désastre si aucune mesure de précaution n’est prise.
Les scientifiques ont prévenu : plus de 2 millions de personnes vivant sur les rives du lac Kivu, dans le centre de l’Afrique, sont menacées d’asphyxie si le gaz qui se trouve retenu sous la surface s’échappe. On estime que le lac, à cheval sur la frontière entre la république démocratique du Congo et le Rwanda, contient actuellement 300 kilomètres cubes de dioxyde de carbone et 60 kilomètres cubes de méthane, qui sont remontés dans le Kivu par des cheminées volcaniques. Les gaz sont piégés dans des couches d’eau situées à 80 mètres de profondeur en raison des fortes pressions qui s’exercent. Cependant, les chercheurs sont inquiets car des événements géologiques ou volcaniques pourraient perturber ces eaux profondes, qui laisseraient alors les gaz s’échapper.
Les effets seraient dévastateurs, comme le démontre l’éruption du lac Nyos au Cameroun, le 21 août 1986. Ses eaux étaient saturées en dioxyde de carbone et un événement perturbateur majeur, très probablement un glissement de terrain, a provoqué la remontée d’une énorme quantité de gaz depuis les profondeurs, gaz qui s’est ensuite répandu dans les vallées situées autour du lac de cratère. Le dioxyde de carbone étant plus lourd que l’air, le nuage est resté au niveau du sol et a asphyxié toutes les formes de vie. Plus de 1 700 personnes sont mortes.
“Le lac ressemblait à une bouteille de bière qu’on aurait secouée”, explique le professeur George Kling, du département d’écologie et de biologie de l’évolution de l’université du Michigan. “Quand vous ouvrez une bouteille de bière, le dioxyde de carbone s’échappe et la mousse déborde. À l’échelle d’un verre, ce n’est pas grave. À l’échelle d’un lac, le risque est mortel.” Kling s’est depuis intéressé au lac Kivu, qui fait 300 fois la taille du lac Nyos et contient 350 fois plus de gaz. Mais, ce qui est le plus inquiétant, c’est que les rives du Kivu sont beaucoup plus peuplées. Deux millions de personnes environ y vivent, dont 250 000 dans la ville de Goma.
Le volcan Nyiragongo, près de Goma, est entré en éruption en 2002 et de la lave s’est écoulée dans le lac Kivu pendant plusieurs jours. Cette fois, les couches profondes n’ont subi aucune perturbation, il n’y a donc pas eu d’émanations mortelles de dioxyde de carbone ou de méthane. Cependant, Kling a lancé un avertissement dans la revue Nature du mois de juillet : dans l’hypothèse d’une autre éruption, la région pourrait avoir moins de chance. Les conséquences seraient telles que le désastre qui a frappé Nyos ne serait en comparaison qu’un pétard mouillé. “Kivu est un peu le grand frère maléfique de Nyos”, explique Kling à Nature.
Les problèmes du Kivu viennent du dioxyde de carbone issu des roches en fusion, qui traverse ensuite le fond du lac. La région, qui fait partie du grand rift africain, est sujette à une forte activité volcanique. De plus, une partie du dioxyde de carbone a été transformée en méthane par les bactéries présentes dans le lac, d’où l’accumulation des deux gaz.
Selon des études menées par les chercheurs de l’Institut fédéral suisse des sciences et technologies aquatiques, la concentration en dioxyde de carbone dans le Kivu a augmenté de 10 % entre 1974 et 2004. Celle de méthane est passée de 15 à 20 %. Dans le même temps, les fossiles de plancton présents dans le fond du lac ont montré que plusieurs extinctions biologiques importantes ont eu lieu dans le Kivu au cours des derniers millénaires. Il est cependant impossible de dire si une nouvelle crise biologique est imminente, expliquent les chercheurs à Nature.
Actuellement, des ingénieurs essaient d’exploiter les importantes ressources en méthane du Kivu grâce à des plates-formes flottantes d’où partent des conduites qui descendent jusqu’aux couches profondes pour récupérer le gaz. Il pourrait ensuite être utilisé comme source d’énergie industrielle et domestique. Plusieurs projets sont en cours, mais un seul produit actuellement de l’électricité (quoique de manière irrégulière) pour le réseau rwandais. L’année dernière, une plate-forme a coulé un peu avant la date prévue du démarrage de la production.
Théoriquement, d’après les ingénieurs, l’exploitation du méthane du Kivu pourrait diminuer les risques d’éruption mortelle. Néanmoins, au dire des scientifiques, bricoler avec les gaz présents dans le lac, c’est jouer avec le feu.
Posté par rwandaises.com