(Syfia Grands Lacs/Rwanda) Ne manquant jamais de chauffeurs, les patrons rwandais ne veulent pas les affilier à la Sécurité sociale malgré les risques de leur métier. Peu soucieux de leur avenir, beaucoup d’employés se laissent faire et ne prévoient rien pour leur famille en cas d’accident.

Les chauffeurs ne manquent pas au Rwanda. Jeunes et vieux, les candidats sont si nombreux que si l’un est renvoyé ou démissionne, les patrons n’ont aucun mal à en recruter un autre. « Il y en a même qui demandent des salaires plus bas que ceux de leurs prédécesseurs », selon Laurent Ndabarya, de Musanze au Nord, ancien chauffeur et propriétaire d’un véhicule. Dans ces conditions, pas question de les affilier à la Sécurité sociale quand bien même ils le réclameraient. Les chauffeurs savent que leurs droits sont bafoués, mais sont impuissants à les faire respecter. « Des fois, l’un de nous le demande à son patron, mais il s’entend répliquer ‘Si tu ne veux pas de travail va-t-en ! Les chauffeurs ne manquent pas' », rapporte T. Thélésphore, l’un d’eux.
La cotisation à la Sécurité sociale, légalement obligatoire, représente 8 % du salaire brut. L’employeur en paye 5 % – 3 % représentent la part patronale et 2 % couvrent les risques d’accident – tandis que l’employé donne 3 %. S’il est affilié, le chauffeur sera couvert en cas d’accident et, à l’âge de la retraite, il percevra de l’argent comme tous les fonctionnaires affiliés : « Quand on voit une vieille personne qui vit de sa pension pour laquelle il a cotisé pendant son jeune âge, on est jaloux. On aimerait vraiment être sûr de son avenir », soupire Tugirimana, de Muhanga, au sud du pays.
Sylvestre Tabaro du Nord, qui a travaillé pour le service public pendant 25 ans, se souvient qu’auparavant sa cotisation était prélevée à la source. « Mais depuis le génocide, j’ai conduit au moins pour 15 patrons qui me payent comme ils veulent. Dernièrement, quand j’ai demandé, une modeste augmentation de salaire, j’ai été chassé », regrette-t-il.

Contourner la loi
Comme l’explique James Nsabimana, directeur de la clientèle à la Caisse sociale du Rwanda (CSR), certains employeurs considèrent que demander ses droits c’est faire abusivement pression et ils jouent à cache-cache avec les agents de la Sécurité sociale ou de l’Inspection du travail. « Ces derniers mois, nous avons donné des formations aux agents de l’Association pour le transport en commun et aux conducteurs de taxis-motos pour les sensibiliser à affilier leurs membres à la Sécurité sociale », précise-t-il.
Seules les agences de voyages express (Volcano, Virunga, Horizon…), qui ont un grand nombre de véhicules, n’échappent pas à la CSR. « Nous versons des cotisations mensuelles pour tous nos chauffeurs. Même à celui qui ne reste qu’un mois. Autrement, on nous pénalise », précise Onesphore, manager de Sotra Tours à Kigali. D’autres n’affilient que quelques chauffeurs et font des promesses aux autres…
Les patrons récalcitrants trouvent des excuses : « Sur le dos du boss, il y a déjà beaucoup de charges : réparation et entretien du véhicule, taxes, rémunération du chauffeur et du convoyeur… Ce qui fait qu’il refuse de déclarer ses chauffeurs, sous prétexte de ne pas perdre encore de l’argent », explique un ancien propriétaire de taxi, qui, dit-il, était convenu avec son chauffeur de lui donner son salaire mensuel, mais de ne jamais cotiser pour lui à la CSR.

Prévoir pour sa famille
Certains conducteurs considèrent que l’assurance de leurs véhicules, strictement exigée par la police et qui inclut en cas d’accident leurs dommages corporels et ceux des passagers ainsi que ceux qu’ils peuvent avoir causé à d’autres, suffit. Mais avec ce métier à risques, être assuré pour les accidents, n’assure pas l’avenir des siens. « Mon père a passé une année à l’hôpital de Kigali à la suite d’un accident de taxi en 2007. Il vit actuellement avec handicap », regrette sa fille qui a été obligée de prendre en charge sa famille avec son modeste salaire.
D’autres préfèrent souscrire une assurance-vie. Mais celle-ci n’est prise que par les gens qui « regardent loin » comme ce chauffeur de Muhanga : « Moi j’ai pris une assurance de protection familiale et je paye 200 000 (350 $) par an. Vu que nous les chauffeurs nous pouvons mourir d’accident à n’importe quel moment, j’ai préféré assurer toute ma famille… Tout en ayant la possibilité de toucher dans trois ans cet argent. » François Xavier Ndagijimana, agent de la SONARWA (Société nouvelle d’assurance au Rwanda), affirme que peu de chauffeurs le font : « Ils disent par exemple qu’au lieu de déposer de grandes sommes dans les assurances, ils peuvent les mettre dans d’autres activités comme le commerce. »
Cependant, peu à peu, certains comprennent l’intérêt d’être prévoyant. À l’Association pour le transport en commun, chaque membre verse à la mutuelle des chauffeurs 12 000 Frw par mois (21 $). En cas de maladie, l’association octroie au chauffeur 50 000 Frw (90 $). Une somme appréciable, mais souvent bien insuffisante.

 
source Syfia Grand Lacs
Posté par rwandaises.com