L’Union africaine, qui se réunit cette semaine à Tripoli (Libye) ne se contentera pas d’examiner les principaux conflits en cours sur le continent : Somalie, Soudan, République démocratique du Congo, Sud du Nigeria, Tchad, Madagascar, Niger, Mauritanie, Guinée, Centrafrique, Guinée Bissau, Côte d’Ivoire, Nigeria, elle prendra aussi en compte les différences d’appréciation que suscitent plusieurs d’entre eux, parmi les plus meurtriers, le Darfour et l’Est du Congo, les menées dans le Nord de la RDC des rebelles ougandais de l’Armée de libération du Seigneur.
En effet, les appréciations des responsables politiques divergent de plus en plus des informations venues du terrain et diffusées par les organisations humanitaires ou de défense des droits de l’homme.
Au Soudan, le général Martin Luther Agwal, commandant et chef opérationnel de la force hybride Union-Africaine Nations Unies (Minuad) a déclaré, au terme d’une mission de deux ans : « je ne dirais pas qu’une guerre est en cours au Darfour », rejoint en cela par le patron de la Minuad, le diplomate congolais (Brazzaville) Rodolfo Adada, qui ne distingue plus qu’un « conflit de basse intensité ». Adada souligne que c’est en 2003-2004 qu’eurent lieu les plus grands déplacements de populations et que les massacres de populations civiles firent environ 200.000 morts. Ces tueries justifièrent l’usage du terme « génocide », entraînant une vaste mobilisation internationale. Depuis lors, M. Adada relève que de janvier 2008 à mars 2009, deux mille personnes « seulement »ont trouvé la mort…».
Cette vision optimiste est fortement contestée par les organisations de terrain, qui relèvent que 2,7 millions de personnes vivent toujours dans des camps de déplacés car les terres abandonnées ont été mises à la disposition d’autres occupants, d’origine arabe…Même affaiblis, les groupes rebelles poursuivent cependant leurs actions militaires, contre les forces de la Minuad, mais aussi au Tchad voisin, où une force européenne protège les camps de réfugiés.
En réalité, avant d’être militaires ou humanitaires, les appréciations de la situation sont avant tout politiques : dénoncer la situation qui prévaut au Darfour permet de plaider en faveur de l’isolement du président soudanais Omar el Bechir, qui fait l’objet d’un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale, une position largement partagée en Europe et aux Etats Unis. Inversément, de nombreux pays africains, dont le Rwanda, s’opposent au mandat d’arrêt contre Omar el Bechir et dénoncent un usage très politique de la justice internationale…

Dans le cas de l’Est du Congo également, les appréciations divergent : le patron de la Mission des Nations Unies au Congo, Alan Doss, a fait état du bilan « largement positif » des opérations lancées depuis mars dernier par l’armée congolaise, avec l’appui des Casques bleus, contre les rebelles hutus, qui compteraient encore de 4000 à 6000 hommes. Ces derniers auraient été chassés de toutes les zones à haute concentration de population, dont les principaux centres miniers. La Monuc a également enregistré le retour au Rwanda de plus de 11.000 combattants FDLR (Forces démocratiques pour la libération du Rwanda) et de leurs familles et assure que 210.000 déplacés du Nord Kivu sont rentrés chez eux.. A la suite de la rencontre entre les présidents Kabila et Kagame, le ministre congolais des affaires étrangères Tambwe Mwamba a déclaré que « le Rwanda ne représentait plus une menace pour le Congo ».
Ces déclarations optimistes émanant de la Monuc et des officiels congolais sont cependant contredites par les rapports de terrain, publiés entre autres par Human Rights Watch, qui assure que les forces armées congolaises se livrent également à de nombreux viols et exactions contre les civils. Quant aux acteurs de terrain, ils dénoncent les terribles représailles des FDLR qui brûlent les villages et s’en prennent aux populations. Ils soulignent également que les anciens militaires du chef rebelle tutsi Laurent Nkunda, désormais intégrés dans l’armée congolaise, commettent de nombreux abus.
Ces appréciations contradictoires seront bientôt remises sur le tapis lorsque le Conseil de Sécurité devra décider du prolongement du mandat de la Monuc. Elles suscitent aussi, comme au Darfour, de nombreuses interprétations : les « politiques » sont accusés de plaider en faveur des autorités de Kinshasa qui privilégient désormais l’entente avec Kigali tandis que les « humanitaires » sont soupçonnés de vouloir s’accrocher à un « terrain » qui génère, au titre de l’aide d’urgence, de très importants financements (de 600 à 800 milions de dollars par an…)
Dans le cas des rebelles de l’Armée de libération du Seigneur, l’optimisme de Kampala contraste avec d’autres rapports : les Ougandais assurent que le problème a été réglé, tandis que les Congolais constatent que ces rebelles particulièrement violents se sont simplement déplacés du territoire ougandais vers l’Ituri et le district du Haut Uéle où 120.000 civils ont pris la fuite.
Les communiqués de victoire de l’armée congolaise assurent que l’état major de la LRA se serait déplacé vers la Centrafrique, la guerre s’étant une nouvelle fois délocalisée, peut-être provisoirement….
En l’absence de journalistes et d’observateurs réellement indépendants, il est de plus en plus difficile de prendre la mesure exacte de ces guerres officiellement terminées mais qui n’en finissent pas…

 

http://blogs.lesoir.be/colette-braeckman/2009/08/31/ces-guerres-terminees-qui-nen-finissent-pas/

Posté par rwandaises.com