Des mercenaires français étaient-ils présents au Rwanda, en plein génocide, aux côtés des extrémistes hutu ? C’est ce que semble révéler le témoignage de Georges Ruggiu aux enquêteurs du Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR) dès 1999. Ce document, inexploité par la procédure judiciaire, ressort aujourd’hui dans une enquête menée par Benoît Collombat sur France Inter. Dans ce document, Georges Ruggiu, animateur à la RTLM et condamné à 12 ans de prison pour ses appels à massacrer les tutsi, révèle également la présence du capitaine Paul Barril, l’ancien gendarme de la cellule élyséenne. Dans Charlie Hebdo, Barril se retrouve aussi au cœur de l’événement qui a donné le coup d’envoi des massacres : l’attentat du 6 avril 1994 contre l’avion du président Habyarimana. Barril s’était en effet répandu dans les médias pour affirmer que les tutsi du FPR étaient à l’origine de l’attentat… thèse anéantie par les récentes révélations de Richard Mugenzi (voir AFRIKARABIA du jeudi 17 sept 2009).
Dans les documents consultés par Benoît Collombat (visibles ici), Georges Ruggiu raconte dans quelles circonstances il rencontre ces « militaires/mercenaires » à Kigali, puis à Gisenyi. « Ces militaires là (…) je les considérais comme des mercenaires. Bon, ça veut dire que c’est des gens qui sont entraînés et qui sont adaptés et qui ont des connaissances pour faire la guerre. » Ruggiu poursuit : « je parle ici des soldats blancs français, 4. Ils sont arrivés un petit peu avant ou un petit peu après le bombardement de la RTLM (avril 1994), dans cette période-là, ils sont arrivés au Camp Kigali et sont restés au Rwanda (…) jusqu’au lendemain de la prise de Kanombe, c’est-à-dire le jour où (…) je me suis rendu à Gisenyi. Je les ai rencontrés là-bas moi-même à Gisenyi et ils étaient sur le chemin du retour. »
Des mercenaires donneurs d’ordres
Plus loin, Georges Ruggiu raconte comment ces mercenaires collaboraient avec des extrémistes hutus, et particulièrement Augustin Bizimungu, chef d’état-major de l’armée rwandaise et Gratien Kabiligi, chef des opérations militaires de l’armée rwandaise. Plus grave encore, selon Ruggiu,les mercenaires donnaient des ordres aux soldats rwandais. « Ces militaires avaient travaillé avec les généraux Bizimungu et Kabiligi (…) ça devait manifestement être des gens qui étaient relativement haut placés, ce n’était pas des militaires qui étaient habitués à se mêler en soldat, même quand ils étaient au camp Kigali, ils donnaient des ordres aux soldats (…)je savais avec qui avaient travaillé ces gens là (…) ça n’était pas tout à fait n’importe quel militaire non plus. Ce n’était pas des petits soldats. (…) Ils ne circulaient qu’avec les généraux Kabiligi et Bizimungu (…) A part être au mess des officiers et dans le bureau de l’état-major, je ne les ai jamais vus ailleurs en ville »
Des entraînements supervisés par les mercenaires
Toujours à propos de ces « mercenaires qui parlent français », Georges Ruggiu affirme que ces soldats « sont allés organiser des entraînements de militaires au camp Bigogwe. Et pas n’importe quel type d’entraînement, des entraînements de militaires CRAP (…) ça signifie commando de recherche et d’action en profondeur. Et le militaire qu’ils avaient assigné à mon escorte, pour lequel ils avaient demandé qu’on assigne à mon escorte, était une de ces personnes-là. Plus tard, le général Kabiligi décidera d’utiliser ces militaires à notre usage et affectera à mon escorte (…) un simple soldat. »
Des mercenaires « envoyés par Barril »
Dans ces enregistrements réalisés par le TPIR et jamais versés à la procédure, Georges Ruggiu évoque Paul Barril : « plus tard, quand je serai à Nairobi, c’est-à-dire en 95, je vais rencontrer quelqu’un qui va me reparler de ces militaires français, c’est un avocat belge qui était venu à Nairobi, c’est pas besoin de l’identifier plus que ça et qui va me dire que ces militaires français étaient envoyés par le capitaine Barril. » Paul Barril se cache-t-il derrière la présence sur le sol rwandais de mercenaires français ? A entendre Ruggiu, cela ne fait pas l’ombre d’un doute.
Pour Charlie Hebdo également : Barril est bien mêlé à des « actions secrètes » au Rwanda, avant, pendant et après le génocide ( enquête du 9 et 16 sept 2009). Le 28 mai 1994, en plein embargo de l’ONU, le capitaine Barril signe en effet à Paris un contrat d’assistance avec le gouvernement rwandais stipulant que « 20 hommes spécialisés » équipés de « grenades », « grenades à fusil », d’ « obus et mortiers » devront « former et encadrer sur le terrain les hommes mis à leur disposition ». Le contrat se négocie à plus de 3 millions de dollars.
Enfin, un mois plus tard une lettre manuscrite du colonel Rosier (voir Charlie Hebdo du9 sept 2009), commandant un détachement français dans le cadre de l’opération Turquoise, mentionne une entrevue avec les ministres rwandais de la défense et des affaires étrangères. Devant la réponse négative de Rosier à une demande d’aide en munitions d’artillerie, les rwandais lui rétorquent qu’ils auront « recours à des mercenaires. » Et Rosier de noter : « capitaine Barril contacté ».
Où était Paul Barril le 6 avril 1994 ?
La présence du super-gendarme de l’Elysée est donc attestée par plusieurs sources. Reste à connaître son rôle exacte dans les événements qui secouèrent le Rwanda en 1994 et notamment concernant l’attentat du 6 avril qui déclencha les massacres. En 1999, Paul Barril expliquait aux enquêteurs que « l’attentat a été conçu, programmé et exécuté par le FPR » de Paul Kagamé (actuel président du Rwanda). Depuis les révélations de Richard Mugenzi par le journaliste Jean-François Dupaquier, nous savons que cela est faux (voir AFRIKARABIA du jeudi 17 sept 2009). Où était donc le capitaine Paul Barril le 6 avril 1994, date de l’attentat contre Habyarimina ? La question, reste pour le moment sans réponse.
Christophe Rigaud
http://afrikarabia2.blogs.courrierinternational.com/archive/2009/09/20/rwanda-l-etau-se-resserre-autour-du-capitaine-barril.html
Postè par rwandaises.com