(Syfia Grands Lacs/RD Congo) À vouloir se faire passer pour riches, on s’appauvrit dangereusement. Au Sud-Kivu, le mariage est aujourd’hui une affaire d’argent. L’occasion de dépenser des sommes inconsidérées en espérant les récupérer avec les cadeaux, simplement pour se montrer. Quitte à se ruiner… et parfois à divorcer rapidement.

 

Trois semaines après le mariage de son fils célébré avec faste en juin, J. D., habitant la vallée de Lushoze, un des faubourgs de Bukavu, à l’est de la RDC, s’est vu expulsé de sa maison, lui et le nouveau couple. Il l’avait vendue avec toute la parcelle pour payer les frais de la cérémonie. « Toute la vallée va vibrer le jour de mariage de mon fils », avait-il répété pendant deux mois. Pierre Cihebeye, lui, avait un étal bien achalandé au marché Feux Rouges. Il a utilisé tout son capital pour se marier, comptant sur les cadeaux pour récupérer de l’argent. Mais après la noce, son commerce a périclité et trois mois après il avait fait faillite.
Les habitants du Sud-Kivu dépensent des sommes de plus en plus folles pour leur mariage n’hésitant pas à s’endetter voire à se ruiner pour se faire remarquer et en mettre plein la vue aux gens. « Ceux qui n’ont pas grand-chose vendent leur maison, l’essentiel étant d’étaler la richesse en faisant des grosses dépenses qui ne sont autorisées qu’aux riches », déclare Désiré Mukulu, un analyste.
Pour les m’as-tu-vu, la folie est allée crescendo. C’est à qui fera les plus grosses dépenses. Ceux qui refusent de rentrer dans ce jeu se font huer. Car le mariage est devenu une opportunité pour étaler des signes extérieurs de richesse, même s’ils ne correspondent pas au niveau économique du marié. « Dans ces communautés où le riche jouit d’une meilleure considération sociale, la richesse est un pouvoir, explique Lukendo Bulongo, un chercheur indépendant. Alors, on saisit ces opportunités pour se prévaloir de son pouvoir d’achat et recevoir des applaudissements ».

Le business des réceptions
Tout est bon pour dépenser un maximum d’argent. Certains organisent des réceptions qui s’étendent sur quatre jours : la remise de la dot, le mariage civil, la cérémonie religieuse et la réception de la famille de la nouvelle mariée qui vient visiter sa fille.
La dot, première dépense, obligatoire pour pouvoir se marier à l’Église et à l’État civil, coûte aujourd’hui, en moyenne, 2 200 $ en ville. « Pour recevoir à dîner un minimum de 200 couples (soit 400 personnes), il faut dépenser actuellement en moyenne 5 000 $ », calcule B. C., régulièrement président des comités des mariages. « Ne sont conviés que les personnes ayant contribué financièrement, précise F. Byabusha, un photographe. On n’organise pas une réception avec une contribution morale. » Sur les faire-part, il est d’ailleurs bien précisé « votre contribution tant morale, matérielle et financière est souhaitée pour la réussite de cet heureux événement », rappelle-t-il. D’autant qu’il faut payer aussi les costumes des mariés, louer la caméra, décorer la salle, payer le cortège…
Du coup, dans les réceptions, les questions d’argent prédominent. Pour entrer dans la salle de la fête, il faut avoir payé. Si on ne l’a pas fait avant les cérémonies, on doit le faire à l’entrée. Certaines personnes qui n’ont aucune raison de participer à la fête, n’étant pas proches de la famille, mais qui veulent se montrer peuvent cependant y venir s’ils apportent une contribution. En revanche, de plus en plus souvent, des membres des familles des mariés qui n’ont pas donné leur quote-part pour le mariage de leur enfant ne sont pas conviés au festin.

Vues à court terme
Aux appels incessants des Églises invitant les fiancés à réduire ces dépenses, les réponses sont toujours les mêmes. « Je voulais que mon mariage soit visible, que la rue en parle et ainsi mes invités seraient incités à me féliciter par beaucoup de gros cadeaux », explique Adolphe Mwetaminwa, un jeune commerçant. Aujourd’hui ruiné, il se rappelle tristement : « Après avoir dépensé 5 700 $ pour mon mariage, les cadeaux remis à notre couple (des pagnes, des verres de table, des jeux d’assiettes, quelques sous…) ont été évalués à 317 $ et les réponses aux faire-part ont réuni 1000 $, la plus grosse contribution individuelle ayant été de 50 $. »
« Tout le monde veut ressembler aux riches qui ont des moyens proportionnels à leurs dépenses », constate, sous anonymat, un prêtre scandalisé par les dépenses inconsidérées qui entourent les festivités de mariage à Bukavu. En dépit des instructions données aux futurs mariés, ceux-ci continuent de rivaliser dans le faste pensant ainsi s’attirer plus de cadeaux. Le plus souvent, ils déchantent au vu des présents reçus.
Pire encore, des couples se séparent après un ou deux ans de mariage à cause de ces fastes trompeurs qui ont fait croire à la mariée que son mari était riche. Celle-ci perd vite ses illusions en voyant rendus à leurs propriétaires les beaux objets étalés pour frimer durant les jours de fête. Et quand son époux s’avère ruiné au lendemain de ses noces…

 

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Posté par rwandaises.com