En vertu d’une loi sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre votée en octobre 2000, le Canada s’est doté d’un arsenal juridique lui permettant de juger les auteurs de génocide qui sont parvenus à s’installer sur son sol. Un Rwandais Désiré Munyaneza sous un faux passeport entre au Canada en 1997 en demandant le statut de réfugié. Il sera rattrapé par sa propre histoire de génocidaire. L’hospitalité canadienne deviendra un enfer puisqu’il vient d’être condamné à la prison à vie.

(Correspondant permanent à Montréal) – Le verdict était attendu depuis le 22 mai dernier. Le Canada apprenait au monde qu’il venait de démasquer un génocidaire rwandais à qu’il avait accordé en 1997 le droit de vivre et de profiter de la générosité du pays de l’érable. Une enquête de cinq années entre l’Afrique et l’Europe, 4 millions de dollars dépensés, une soixantaine de témoins entendus par le juge de la Cour supérieure du Québec, André Denis, ont permis d’établir la culpabilité de l’ancien commandant d’une milice hutue de 42 ans, Désiré Munyaneza. La Couronne, c’est-à-dire le parquet, retiendra sept chefs d’accusation de crime de guerre, de crimes contre l’humanité et de génocide. Le génocidaire s’est manifesté par une cruauté énorme en tuant des civils et violé des femmes et des fillettes entre avril et juillet 1994. La Couronne ne s’était pas gênée en mai dernier de dire que Désiré Munyaneza avait participé activement au massacre de près de 800 000 Tutsis et Hutus modérés en 1994. Le Parquet canadien avait demandé une peine maximale et d’une sévérité exemplaire contre le Rwandais. Le juge André Denis suivra les recommandations de la Couronne. Dans son verdict rendu public ce jeudi 29 octobre, il condamne Désiré Munyaneza à la prison à vie. Ce dernier déjà en prison depuis 5 ans ne pourrait prétendre à une libération conditionnelle qu’après 21 années de prison.

Si l’avocat du condamné envisage de faire appel du jugement, il reste qu’une audience devant la Cour d’appel du Québec n’aura probablement pas lieu d’ici l’année prochaine. Les deux parties s’entendent pour dire que la cause se rendra en Cour suprême du Canada.

La décision du juge André Denis fera jurisprudence dans le monde. Désiré Munyaneza est la première personne condamnée en vertu d’une loi adoptée en 2000 pour lutter contre les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité. Cette loi est la dernière d’une série de mesures adoptées par le Canada pour lutter contre ces crimes. Le Canada, dans sa légendaire hospitalité, avait bien accueilli après la seconde guerre mondiale, nombre de personnes qui seront par la suite identifiées comme auteur de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. Partant d’une telle situation, le Canada met sur pied en 1985 une commission d’enquête qui soupçonne près de 883 personnes résidentes sur son sol. Certaines de celles-ci, identifiées comme de présumés criminels de guerre, seront déchues de leur citoyenneté canadienne puis expulsées du pays en 1995. Mais une telle perspective n’enchante guère les défenseurs des droits de l’homme puisqu’elle ne garantit pas un jugement pour les expulsés. Le Canada changea d’orientation. Il décide de retenir sur son sol toute personne accusée de génocide et de crimes contre l’humanité. C’est dans ce sillage que le Canada vota en 2000 la Loi sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre. Cette loi permet, entre autres, d’exercer des poursuites contre toute personne retrouvée au Canada après avoir commis les infractions visées dans la loi, peu importe sa nationalité ou le lieu où les crimes ont été commis. C’est cette loi qui a permis au Canada d’enquêter et de condamner Désiré Munyaneza.

Abdou Karim DIARRA

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Posté par rwandaises.com