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La théorie du genre contraire à la culture africaine
5- Chroniques intempestives sur le Synode Romain pour l’Afrique
La théorie du genre contraire à la culture africaine
Pascal janin

Nous terminions hier avec l’avènement d’une culture du dialogue mentionnée par de nombreux évêques. Celle-ci, notamment dans le rapport avec les nouveaux mouvements chrétiens souvent agressifs à l’égard de l’Église, suppose une « une attitude d’auto-critique. Car il ne suffit pas de dire ce qui ne va pas avec eux : nous devons nous demander d’abord ce qui ne va pas ou ce qui manque dans notre propre travail pastoral. Pourquoi tant de chrétiens quittent-ils notre Église ? »

Ce n’est pas un éditorialiste de Golias qui parle mais le Cardinal Walter KASPER !

Parmi les Pères issus de la Curie, mentionnons l’intervention de Mgr Francesco COCCOPALMERIO, Président du Conseil Pontifical pour les Textes Législatifs : « Comme vous le savez, dit-il à ses confrères, le Code de droit canon de 1983 tend à se présenter comme une loi cadre, dans le sens qu’il établit certaines règles de vie ecclésiale plutôt générales et laisse aux Églises particulières les déterminations concrètes adaptées aux différents lieux et aux différentes cultures. (…) Le choix du Code nous présente cependant deux postulats : celui de l’unité et celui de la diversification. (…) Dans notre cas, la caractéristique des Églises qui se trouvent en Afrique demandent des solutions normatives adaptées à de telles situations. Nous ne devons pas imposer aux Églises en Afrique ce qui n’est pas essentiel. Nous devons respecter et valoriser leurs cultures juridiques et leurs traditions normatives. Un des moyens pour valoriser de telles particularités est celui de la législation canonique, à laquelle les différentes Églises, ou, mieux, les différentes Conférences épiscopales sont appelées à travailler. À quel point sommes-nous de ce travail ? ». La question méritait d’être posée puisque « des statistiques récentes nous font savoir que 20 Conférences épiscopales sur 34 doivent encore promulguer les décrets de mise en œuvre selon les indications du Code de droit canonique. » Serait-ce parce que ce qui relève de l’universalité et la particularité n’est pas facile à discerner avec une Curie qui n’a jamais été prompte à un vrai dialogue.

La tension entre le respect de ce qui est africain et l’accueil critique de nouveautés culturelles, massivement occidentales, ne touche pas seulement le Droit Canon. Deux autres domaines ont été soulignés : celui des nouvelles technologies et celui de la famille. Sur ce dernier point, on ne s’étonnera pas de la charge virulente sur la théorie du « genre » menée par le Cardinal Ennio ANTONELLI, Président du Conseil Pontifical pour la Famille et Mgr Robert SARAH, Secrétaire de la Congrégation pour l’Évangélisation des Peuples. Elle est, selon lui, « contraire à la culture africaine et aux vérités humaines éclairées par la Révélation divine en Jésus Christ (…) L’idéologie du genre déstabilise le sens de la vie conjugale et familiale que l’Afrique a su préserver jusqu’à présent ». Le cardinal est plus fin qui précise que la théorie du genre « commence à s’infiltrer dans les associations, dans les milieux gouvernementaux et également dans certains milieux ecclésiaux du continent africain » parce que «  des agents de différentes institutions et organisations internationales partent de problèmes réels, auxquels il est nécessaire et de notre devoir d’apporter un remède, comme les injustices et les violences subies par les femmes, la mortalité infantile, la malnutrition et la faim, les problèmes de logement et de travail ».

Si la famille africaine est déstabilisée, c’est qu’elle n’est sans doute pas aussi idéale qu’on voudrait le dire ! Et si la question de genre était indissolublement liée à celle des Droits de l’Homme… et de la Femme ?

Mgr Matthew Kwasi GYAMFI, Évêque de Sunyani au Ghana, a par exemple eu l’honnêteté de poser le problème d’un « grand nombre de femmes africaines se retrouvent unies dans des mariages polygames, pour lesquels elles n’ont aucune faute. Pour cette raison, il est refusé à beaucoup de femmes, qui fréquentent l’Église, les Sacrements d’Initiation, de Réconciliation et du Mariage. Les tentatives entreprises par ces femmes pour se libérer de ces mariages polygames, dont elles sont pour la plupart la première femme avec des enfants, ont entraîné d’indescriptibles épreuves économiques et une tension sociale. Dans les cas où les femmes ont retrouvé leur liberté sans le consentement de leur mari et de la famille élargie, l’église a été citée pour injustice, insécurité, pour avoir brisé les familles, avoir fomenté la désunion et détruit la cohésion sociale. »

Un Droit Canon africain permettra-t-il de trouver une solution ?

La question des nouvelles technologies posent aussi le problème des liens culturels et économiques entre le Nord et le Sud. Mgr Fulgence MUTEBA MUGALU, Évêque de Kilwa-Kasenga (RDC) pensent justement que « les Églises d’Afrique ont intérêt à utiliser efficacement les médias et à relever certains défis. À l’heure du numérique c’est un impératif incontournable dans un environnement médiatique pollué par la manipulation, la propagande politique, le divertissement peu édifiant et l’activisme des sectes, mais aussi marqué par l’impérialisme des médias étrangers qui se proposent en s’imposant » avant d’ajouter l’importance du «  parrainage avec des organes médiatiques d’autres continents » ! On imagine bien que les Eglises choisiront avec soin leurs parrains pour que ses populations soient « formées à l’usage des outils médiatiques avec discernement et esprit critique », mais la gestion du lien conflictuel avec des outils techniques issus de la modernité (qui ne sont jamais neutres) n’est que posée, et non résolue.

La même remarque pourrait être faite à propos de l’agriculture. C’est Mgr George NKUO, Évêque de Kumbo au Cameroun qui, après avoir redit comme nombre de ses pairs, « le manque de confiance dans nos responsables politiques », affirme : «  la pauvreté existe en Afrique, mais cette dernière a presque tout pour être le continent le plus riche de la terre. L’Afrique est le continent le plus riche au monde en ressources naturelles. Les agriculteurs en Afrique sont pauvres parce que la productivité de leur terre et de leur travail demeure faible. » La mise à disposition d’une nouvelle technologie productive serait-elle une solution ? « La question est de savoir si ces nouvelles technologies sont dangereuses par nature ou si elles peuvent apporter une contribution positive à la vie des personnes dans les pays pauvres d’Afrique. L’ingénierie génétique est-elle intrinsèquement immorale ou constitue-t-elle seulement une autre technologie applicable à l’agriculture ? Cette biotechnologie est-elle un empire du mal comme certaines personnes voudraient nous le faire croire ? D’un autre côté, cette nouvelle science indique non seulement que la qualité de la vie des plus pauvres connaîtra une forte amélioration mais qu’ils entameront également le processus de développement économique. Il s’agit d’une technologie qui offre aux agriculteurs les plus pauvres l’une des clefs permettant de sortir de la pauvreté. » Certes, il ne s’agit pas de l’adopter « précipitamment et à l’aveuglette »…

Entre séduction et rejet, la formation de chrétiens adultes abordée dans plusieurs interventions offre-t-elle une solution ? Mgr Marcel UTEMBI TAPA, Archevêque de Kisangani (RDC) propose par exemple que « soit mis sur pied un programme transversal et œcuménique d’éducation civique des populations afin de promouvoir la conscience citoyenne et la participation responsable des populations locales dans la gestion du patrimoine de leurs pays respectifs » et « travailler à l’émergence d’une classe politique responsable et consciencieuse ». Ce qui est sûr, c’est que la crédibilité de l’Église dépendra de son témoignage. Trop souvent encore, comme le déplore le Tanzanien Paul RUZOKA, Archevêque de Tabora , «  nous parlons d’une famille aimante, qui partage, qui est unie dans les activités quotidiennes et qui vit ensemble. Mais plus souvent, les fils et les filles de l’Église sont eux aussi impliqués dans des conflits au lieu de construire des ponts entre les parties opposées par-delà les intérêts acquis (…) L’Afrique est submergée sous de si nombreux problèmes, principalement du fait d’une mauvaise leadership – par des leaders qui ne craignent pas Dieu, mais qui sont tous occupés à s’enrichir eux-mêmes en pillant leurs propres pays, au point de faire sombrer leurs peuples dans l’anarchie. Naturellement, il y a eu de bons leaders qui ont soutenu les aspirations de leurs concitoyens qui les aimaient. Nous avons à l’esprit des personnes telles que Julius Nyerere, de Tanzanie, qui nous a laissé en héritage une nation unie. »

Les chrétiens prendront-ils exemple de ce socialiste dont le procès de béatification est en cours ?

Ce qui est sûr, c’est que si les évêques africains sont conscients de leurs responsabilités quant à l’édification d’une société plus justes, ils interpellent aussi les autres Églises. Les Instituts missionnaires l’ont bien compris qui ont mis en place des réseaux de lobbying auprès des Institutions Internationales. Le Père Kieran O’Reilly, supérieur général des Missions Africaines rappelle que « L’intérêt particulier de ces réseaux est de faire ressortir les problèmes d’injustice sociale inhérentes aux politiques européennes et américaines qui affectent négativement l’Afrique », et il ajoute que «  L’Afrique n’est pas bien desservie par les médias de masse, qui se concentrent essentiellement sur les mauvaises nouvelles, entretenant ainsi la fiction largement acceptée d’un continent en état de crise permanente. L’« industrie de l’aide », également, alimente les stéréotypes dépassés et négatifs d’Africains victimes sans défense de guerres sans fins et de famines constantes ». Il conclue avec justesse : « Le peuple d’Afrique doit devenir l’acteur principal du récit de l’Afrique qui est propagé hors du continent  ».

Mgr Orlando QUEVEDO , Archevêque de Cotabato aux Philippines est bien conscient que les décisions qui ont des conséquences sur les peuples du Sud sont prises par le Nord. En conséquence, il propose « qu’un organisme du Vatican convoque une réunion d’évêques du Nord et du Sud en 2010 ». Face à une telle proposition, nous ne pouvons qu’être déçus par l’intervention de notre Cardinal Vingt-Trois. Certes, il a évoqué le fait que « beaucoup de nos diocèses reçoivent une aide importante des diocèses africains » par « le nombre des catholiques africains émigrés en France », mais aussi par les prêtres étudiants (plus de 250) mais aussi des prêtres au service des diocèses (Fidei Donum) : «  Ils sont actuellement plus de 600, alors que les prêtres français Fidei Donum en service en Afrique ne sont pas plus de 70 ». On pourrait se réjouir de cet échange si l’archevêque de Paris n’émettait lui-même quelques réserves. Mais on aurait surtout attendu de lui une parole sur l’immigration et les drames qu’elle engendre ici et là-bas ou sur les responsabilités des chrétiens du Nord sur les injustices subies par le Sud…

Certains évêques, comme Mgr Cornelius ESUA, archevêque de Bamenda au Cameroun, abordent la question du sacrement de la réconciliation. Alors qu’«  Il n’est pas rare que les auteurs de ces actes d’injustices sociales, de corruption, soient des chrétiens », « il y a de moins en moins de Chrétiens, spécialement parmi les jeunes, qui reçoivent le Sacrement de Pénitence, et lorsqu’ils le reçoivent, ils n’en sont pas profondément touchés. C’est plus un acte rituel, à la manière des rites traditionnels de réconciliation et de purification. Ceux qui y participent, bien que réconciliés extérieurement, nourrissent encore en eux des sentiments de haine et de rancœur pouvant les entraîner à la « vendetta » chaque fois que l’occasion leur en est offerte. » Notre évêque propose donc «  une célébration plus communautaire et plus fréquente du Sacrement de Pénitence » qui « devrait faire ressortir encore plus les dimensions sociales de péché et ses effets, et souligner le fait que cette réconciliation n’est pas juste une affaire privée avec Dieu mais qu’elle implique aussi une réconciliation entre nous ; elle rétablit la paix et l’harmonie au sein de la communauté et incite à accomplir les obligations sociales et la pratique de la justice »… Et d’ajouter : « Nous avons besoin de prêtres qui soient plus disponibles envers le Sacrement de Pénitence sur l’exemple du Curé d’Ars »… Fort bien… On les trouve où ? Pour l’heure, aucun évêque n’a répondu à cette question…

Terminons par une mitre d’honneur au Cardinal Arinze. Est-ce parce qu’il est émérite qu’il se sent plus libre ? Soulignant l’importance de nominations d’évêques en dehors de leur zone linguistique pour lutter contre le «  virus politique et social d’un ethnicisme extrême », il rappelle que «  Les diocèses doivent prendre soin d’honorer leurs contrats avec les congrégations religieuses et spécialement de veiller à ce que les personnes consacrées, hommes et femmes, les catéchistes, les employés des paroisses et les autres employés de l’Église, hommes et femmes, soient convenablement rétribués. C’est un scandale quand ces humbles travailleurs n’ont que de l’eau bénie à rapporter chez eux à la fin du mois. De plus, les curés devraient se rappeler que les offrandes apportées par les fidèles durant la procession d’offertoire, ne sont pas destinées au seul clergé, mais aux pauvres et à l’Église en général ; ce qui inclut les personnes consacrées et les catéchistes. Les femmes, dans certains diocèses ou paroisses, ne se voient pas attribuer de participation suffisante au sein des conseils. Là où leur collaboration a été appréciée à sa juste valeur, des résultats très positifs ont été enregistrés. » Comme quoi, un cardinal ne sous-estime pas toujours la jupe !

 

 

 http://www.golias.fr/spip.php?article3118

posté par rwandaises.com