La CEC constate la reprise des relations diplomatiques entre la France et le  Rwanda et, depuis 2007, l’amorce d’une attitude plus constructive de la France  dans la prise en compte de son rôle et de ses responsabilités dans le génocide  au Rwanda.
   
    
La CEC attire néanmoins l’attention sur un paysage de très grand laxisme et  d’impunité lié aux autorités françaises et à certaines décisions du Tribunal  pénal international pour le Rwanda, perturbé dans sa tâche par la stratégie de  la France. Les crimes du génocide au Rwanda sont cependant imprescriptibles. Ce  génocide ne peut pas avoir été planifié par « personne » et de  nombreux éléments attestent de son projet ancien, de sa préparation et de son  exécution organisée.
La Commission d’enquête citoyenne rappelle notamment :
A- La France seule a imposé au Conseil de sécurité des Nations unies la  restriction des poursuites du Tribunal pénal international pour le Rwanda aux  seuls faits commis en 1994, selon le procès verbal de sa réunion du 8 novembre  1994, vraisemblablement pour éviter d’exposer la France à des poursuites de ce  tribunal. (ONU S/PV.3453). Cela se révèle être une difficulté pour établir  devant le TPIR la phase préparatoire du génocide.
B- Protais Zigiranyirazo, surnommé monsieur « Z » et frère d’Agathe  Kanziga-Habyarimana – considéré par beaucoup comme le véritable chef de l’Akazu,  a été acquitté malgré des faits bien établis en première instance concernant la  période de 1994, curieusement contestés par la Cour d’Appel. Des appels sont en  cours pour demander la reprise de son procès. Sa création du « réseau  zéro » est antérieure à 1994, hors du champ de compétence du TPIR.
C- Le Colonel Bagosora a été condamné pour son rôle prépondérant dans le  génocide, mais pas pour sa planification. C’est incohérent. Il est actuellement  devant la cour d’appel du TPIR.
D- Le Colonel Serubuga, à l’époque Chef d’Etat-major adjoint des Forces  armées rwandaises et principal responsable du massacre des Tutsi-Bagogwe à  partir de 1991 et d’autres massacres de Tutsi, prémices du génocide de 1994,  n’est pas poursuivi par la justice internationale. A l’époque il travaillait  étroitement avec des officiers français en poste au Rwanda selon le rapport des  députés français. Sa dernière adresse connue est en France à Strasbourg.
E- Dix-sept Rwandais sont actuellement poursuivis en France pour leurs actes  présumés dans le génocide au Rwanda, dont Agathe Kanziga-Habyarimana. Certains  sont poursuivis depuis quinze ans !
F- Deux d’entre eux, les docteurs Sosthène Munyemana et Eugène Rwamucyo, sont  recherchés par l’Organisation internationale de police criminelle, Interpol,  dont le siège est à Lyon en France. Ces personnes narguent la justice et le  droit international. Est-ce pour des raisons liées à des complicités avec des  responsables politiques et militaires français de l’époque qu’elles bénéficient  d’un tel laxisme ?
G- 9 Rwandais ont porté plainte en France. Les plaintes de six d’entre eux, déposées début 2005, ont été déclarées recevables par la Cour d’Appel de Paris en 2006, après des contestations inhabituelles, parfois incohérentes, du parquet. Les trois autres, déposées en juin 2004, n’ont pas encore été étudiées par le parquet.
H- Les membres des autorités françaises en place de 1990 à 1994, impliquées  dans les décisions de la politique française au Rwanda, n’ont jamais été  poursuivis par le TPIR malgré les innombrables faits qui attestent de cette  complicité présumée, comme le rappelait notre communiqué du 19 décembre 2005.  L’Etat couvre l’essentiel de ces faits par le « secret défense » alors  qu’en aucune manière la sécurité du territoire français et du peuple français ne  peut être menacé par leur connaissance. Ces personnes sont partiellement  protégées par la période restreinte de compétence du TPIR.
l- Les « Forces démocratiques de libération du Rwanda », issues  principalement des déplacements massifs d’une population agglomérée de force  autour des génocidaires rwandais, sous la protection de l’opération Turquoise,  continuent de déstabiliser la région des Grands lacs. En permettant aux FAR et  aux miliciens de se refugier au Zaïre, la France porte une lourde responsabilité  dans les évènements qui s’y sont déroulés par la suite. La France n’a pas  coopéré avec le groupe d’experts de l’ONU chargés d’enquêter en République  démocratique du Congo, tel que cela ressort du chapitre 101 de son rapport final  publié le 7 décembre 2009 :
“101. Le Groupe a recensé 21 numéros d’appel en France qui avaient été en  contact avec des téléphones satellite de chefs militaires des FDLR entre  septembre 2008 et août 2009. Il a adressé plusieurs requêtes au Gouvernement  français depuis septembre 2008 pour demander l’identification de ces numéros,  mais attend toujours les informations en retour. Le Groupe note en particulier  qu’il n’a pu obtenir de la part des autorités françaises aucun renseignement  utile concernant M. Mbarushimana, que le Comité a inscrit sur sa liste en  mars 2009. Il relève en outre qu’Emmanuel Ruzindana et Ngirinshuti Ntambara, qui  seraient les membres de la commission exécutive des FDLR en charge des affaires  politiques et des affaires étrangères, sont eux aussi parmi d’autres individus  en cours d’identification résidents en France.[…].”
J- La France détient très certainement des éléments matériels de l’attentat  du 6 avril 1994, prélevés sur le lieu du crash par l’équipe du Colonel Grégoire  de Saint-Quentin qui s’est rendu sur place à plusieurs reprises, la première  fois quelques minutes après le crash. (Cf. rapport des députés français)
La Commission d’enquête citoyenne demande par conséquent l’exécution des  points suivants :
1- Les personnes qui sont l’objet d’un mandat d’Interpol doivent être  immédiatement remises aux autorités compétentes par la France et éventuellement  d’autres pays européens.
2- La justice française doit mette en œuvre les moyens nécessaires pour  prendre rapidement des décisions concernant toutes les personnes poursuivies en  France dans le cadre des événements rwandais.
3- Le Conseil de sécurité de l’ONU, dont la France, doit appuyer les appels  pour demander la révision du procès de Protais Zigiranyirazo par le TPIR.
4- Le cas du Colonel Serubuga doit être saisi sérieusement au regard du droit  international sur les crimes contre l’humanité.
5- Les personnalités françaises impliquées dans le génocide au Rwanda, une  quarantaine dont la liste peut être établie à partir des rapports français et  rwandais et de celui de notre commission, doivent être immédiatement mises en  examen dans le cadre des procédures menées devant le Tribunal aux armées et/ou  analysées par une commission d’enquête parlementaire, si le règlement de  l’Assemblée nationale le permet et notamment son article 139.
6- Le secret défense doit être levé concernant l’action de la France au  Rwanda.
7- La Justice française doit mettre en œuvre des moyens pour accélérer  l’instruction des plaintes rwandaises devant le Tribunal aux armées de  Paris.
8- La France doit mettre en application la résolution 1804 de l’ONU,  notamment sur son territoire, concernant les FDLR et mettre tout en œuvre pour  répondre aux demandes du groupe d’experts enquêtant en RDC.
10- Les éléments matériels de l’attentat du 6 avril 1994, actuellement  détenus par l’armée française, doivent être remis en totalité aux autorités  judiciaires.
La Commission d’enquête citoyenne, le 10 décembre  2009
Posté par rwandanews.fr 
 
						 
			 
			