La commission onusienne d’enquête sur les événements du 28 Septembre vient de rendre public son rapport. Dans ce document de soixante pages, aucune surprise, le Capitaine Moussa Dadis Camara est responsable de ces événements et pourrait être reconnu coupable de crimes contre l’humanité.

Foromo Emile Lamah

Foromo Emile Lamah

Mon analyse ici n’a nullement pour objectif de mépriser ceux de mes compatriotes qui ont perdu la vie en ce jour fatidique du 28 Septembre, encore moins attrister les nombreuses familles qui souffrent encore des séquelles de cette tragédie. Je saisie d’ailleurs l’opportunité qui est la mienne ici pour m’incliner pieusement devant la mémoire des disparus.

Après ces événements douloureux, le capitaine Moussa Dadis Camara fut le premier à appeler à la création d’une commission d’enquête internationale. Comme pour dire que la Guinée n’était pas la Birmanie ou la Corée du nord, les enquêteurs onusiens ont bénéficié de l’assurance du gouvernement guinéen quant au bon déroulement de leur mission. Cette attitude avait été appréciée par tous ceux qui sont épris de paix et de justice étant donné que ces enquêtes étaient censées établir la vérité et faire la lumière sur ce qui a bien pu conduire aux massacres d’innocents. Mais le rapport de la commission onusienne vient confirmer ce que l’on savait déjà, à savoir le but qui était assigné aux manifestations du 28 Septembre et qui était d’empêcher le capitaine Dadis à se présenter aux élections, c’est à dire l’écarter du pouvoir. Ce que l’on ne savait pas et qu’on ne saura probablement jamais puisque la commission a failli à sa mission, est de savoir ce qui s’est effectivement passé pour que des innocents soient massacrés de façon sauvage, et qui sont les vrais coupables de ces crimes odieux?

UN BILAN MITIGÉ
Plus de soixante ans après sa création, l’ONU reste confrontée à une crise d’identité et peine à s’affirmer sous l’influence des grandes puissances qui l’assujettissent. Il convient de rappeler que cette organisation avait été créée pour remplacer la Société des Nations (S.D.N), qui n’avait pas pu éviter la seconde guerre mondiale, pour mettre fin aux guerres entre les pays  et fournir une plateforme de dialogue.  Mais l’unique plateforme que notre organisation planétaire  nous offre aujourd’hui, c’est celle de la défense des intérêts des grandes puissances qui continuent de la prendre en otage. De la Société des Nations, l’ONU a hérité le conflit Israélo-palestinien qui était initialement géré par les Britanniques dans le cadre d’un mandat de la SDN. Le dossier fut transmis à L’ONU en 1947 et celle-ci a alors voté le plan de partage de la Palestine, ce qui a encore amplifié le conflit en le généralisant au monde arabe. Depuis, le conflit a fait l’objet d’une centaine de résolutions du conseil de sécurité et de l’Assemblée Générale ainsi que de plusieurs tentatives de négociations et de conférences de paix.

Violant systématiquement les résolutions de l’ONU, l’Etat d’Israël planifie et exécute le massacre de milliers de palestiniens devant un mutisme responsable et coupable de la communauté internationale. Le conflit a fait des milliers de morts et plus de quatre millions de palestiniens déplacés. Incapable d’œuvrer à la construction de la paix dans la région, l’ONU se contente d’appliquer la politique étrangère des Etats Unis et de se réjouir plutôt des effets collatéraux de ce conflit parce que lui permettant d’employer ses travailleurs. Les crimes commis dans cette partie du monde n’ont jamais été qualifiés par l’ONU de crimes contre l’humanité, pourtant il s’agit bien de crimes qui répondent à la définition de crimes contre l’humanité. A cause du véto américain, l’ONU reste depuis plus de 60 ans les bras croisés face aux guerres qui se succèdent et privent les Palestiniens du droit à l’autodétermination.

En 2003, l’ONU va essuyer le plus grand affront depuis sa création en étant incapable d’empêcher la première puissance mondiale d’envahir l’Iraq, un pays qui souffrait déjà des conséquences atroces d’un embargo imposé par l’organisation. En Iraq, selon des sources onusiennes, au moins 800 000 personnes, surtout des enfants, sont mortes à cause de l’embargo de l’ONU qui interdisait entre autres l’importation de médicaments. L’invasion de l’Iraq par les troupes americaines a par ailleurs fait des milliers de morts et des millions d’orphelins et, le pays continue encore aujourd’hui de faire les frais de cette invasion à travers des attentats qui se soldent en centaines de morts chaque mois. Mais ni la decision unilatérale de l’Amérique d’aller en guerre, ni les milliers de victimes dans la population iraquienne, ni le traitement cruel et inhumain des prisonniers iraquiens n’ont pu justifier la commission de crimes contre l’humanité. Les vrais auteurs de ces crimes dont l’ancien président américain Georges Bush, et l’ancien premier ministre britannique Tony Blair jouissent aujourd’hui de leur liberté et ne peuvent être inquiétés de rien.
Au Rwanda, L’ONU n’a pu empêcher la France, un membre influent du conseil de sécurité, de commanditer un génocide qui a fait des centaines de milliers de mort. Alorsqu’il existe des preuves convaincantes que l’Etat français avait participé à  la planification et à l’exécution de ce génocide, aucun responsable français ne passera probablement jamais devant le Tribunal Pénal International pour le Rwanda. La mission des Nations unies au Sahara occidental a apporté à la population la guerre au lieu de la paix. En Tchétchénie, l’ONU ferme les yeux sur la terreur et la misère. Au Timor oriental, elle a toléré l’oppression pendant des décennies et l’intervention de l’Indonésie est intervenue seulement au moment où des intérêts géostratégiques ont été en jeu. Elle exerce sa tutelle sur la population, lui impose une administration coloniale et conclut même avec des grands groupes industriels des accords sur l’exploitation des matières premières. Au Soudan, l’inaction de la communauté internationale face à la guerre au Darfour a fait plus de  200 000 morts et 2,5 millions de déplacés.

Au regard de son passé sombre et son bilan combien négatif, l’organisation planétaire nécessite plus que  jamais une réforme de ses institutions et organes de decision. L’ONU est un énorme chaos qu’il faut redresser. Mais le chaos est déjà ancré dans ces dysfonctionnements qui font que la politique américaine en particulier et celle des autres puissances prévalent dans la plupart des cas.  Malheureusement, toute volonté de réforme va sans doute se heurter à la résistance de ces puissances qui préfèrent plutôt protéger les avantages qui sont les leurs au détriment des Etats faibles.

LA POLITIQUE AFRICAINE DE LA FRANCE    
Aux lendemains des indépendances, sous la houlette du Général de Gaule, la France a mis en place une politique dont le but était de s’assurer que les ressources naturelles et géopolitiques des  anciennes colonies bénéficieraient toujours à l’ancienne puissance coloniale. Lorsque ces états eurent la  possibilité d’élire démocratiquement leurs représentants, ceux-ci  furent renversés et/ou assassinés avec l’aide de l’armée française. Des pions  furent portés à la tête de ces nouveaux états « indépendants » dont bon nombre sont issus des services secrets français ou de l’armée française. Ces dictateurs mandatés par la France ont obtenu avec le temps une certaine autorité et autonomie au regard de la France et sont régulièrement réélus grâce à des élections présidentielles truquées sous le guidage de leurs parrains français.
 
Toute personne avertie doit se poser la question de savoir quelles sont les vraies motivations  de la France et qu’est ce qui explique l’acharnement du Ministre français des affaires étrangères dans la crise guinéenne ?  L’argument avancé par la diplomatie française consiste à instaurer une démocratie en Guinée. Mais l’on se demande de quelle démocratie s’agit-il et où était la France pendant les 24 années de la deuxième république?  

Quelle démocratie la France veut-elle instaurer en Guinée ?
S’agit-il de la démocratie qu’elle avait instaurée et soutenue  en Côte Ivoire avec Houphouët Boigny qui régna en maître absolu, et dans un système de parti unique pendant plus de trente ans, dans les bonnes grâces de la France ? Nous connaissons ce que cette démocratie africaine à la française a donné comme résultat : une guerre civile parce que les ivoiriens, n’ayant connu qu’un seul système de gouvernance, avaient eu du mal de s’accommoder à  l’après Houphouët.
Ou encore celle du Gabon avec Omar Bongo qui s’est fait appelé l’ami de la France et qui régna pendant plus de 40 ans sous les bonnes auspices de la France? L’amitié avec  Bongo était si importante pour la France qu’elle ne pouvait ne pas substituer le fils au père parce qu’il s’agit là d’un pays très riche avec moins de deux millions d’habitants.

Pourrait-il s’agir de la démocratie que la France a défendue au Togo avec Eyadema, lequel perpétua son règne pendant près de quarante ans à travers des pseudo-élections, le tout dans une atmosphère de complicité avec le palais de l’Élysée? Là encore, les relations étaient si privilégiées qu’il fallait que le fils remplace le père et l’on sait ce que cela a donné comme résultat : plus de 400 morts.

Je n’évoquerai pas ici les cas du Cameroun, Centrafrique, Tchad ou encore le Congo Brazzaville. Mais je vous demande de faire un exercice mental en sillonnant l’Afrique francophone et de me dire dans quel pays la France a privilégié les intérêts nationaux à ses intérêts propres ?
Pour une fois, évitons d’être naïfs, de penser que c’est la France qui est mieux placée pour défendre nos intérêts. La France ne peut jamais aimer la Guinée mieux que les guinéens. Nous sommes à un tournant décisif de notre histoire et nous ne devons pas laisser passer cette occasion. Le salut viendra lorsque nous nous accepterons mutuellement et lorsque nous accepterons de régler nos problèmes en famille. Ce dont nous avons besoin, ce ne sont pas des hommes forts, mais des institutions puissantes comme disait le président américain, Barack Obama, devant le parlement ghanéen. Engageons nous dans une course de fond et non de vitesse car de là sortiront les prémisses d’un développement meilleur. Notre avenir n’appartient ni à la France, ni aux Etats Unis mais à nous et nous avons l’ultime devoir de le définir pour notre bien commun et pour celui de nos enfants.

Auteur :Foromo Emile Lamah
emile_lamah@hotmail.com

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 Posté par rwandanews.be