(Syfia Grands Lacs/Rwanda) Sauf en cas d’extrême urgence, le gouvernement rwandais refuse les distributions d’aide alimentaire pour pousser les gens à travailler pour se nourrir eux-mêmes. Il veut aussi mieux contrôler la gestion des fonds des Ong accusées de dilapider l’argent destiné aux Rwandais.
Depuis trois ans, le gouvernement favorise les aides au développement au détriment des aides alimentaires. La loi régissant les Ong internationales précise que « les relations entre le gouvernement du Rwanda et les Ong internationales sont du domaine de partenariat pour le développement ». Ainsi, l’assistance humanitaire doit consister à exploiter les potentialités locales et encourager les gens à se nourrir eux-mêmes. Dans ce cadre, les Ong qui font des opérations « Vivres contre travail-Food for work » sont contraintes de les réorienter en projets générateurs de revenus. « Même les distributions de vivres destinés aux personnes vivant avec le VIH/Sida doivent cesser », révèle un agent de World Vision-Rwanda. Toutes les associations qui le faisaient doivent apprendre aux PVV à épargner, pour qu’ils produisent eux-mêmes.
S’aider soi-même
Ce n’est qu’en temps de crise que le pays fait appel aux aides d’urgence. En 2008, par exemple, quand le séisme a ravagé les régions de l’Ouest, le PAM et autres Ong humanitaires ont distribué des aliments ou des équipements de base. Pareilles interventions ont été préconisées pour des régions du nord-ouest où les pluies torrentielles ont fait au moins 17 morts et plus de 2 300 sans abris, début novembre dernier. Le gouvernement a distribué des vivres aux victimes, et se déclare en mesure de répondre à leurs besoins alimentaires pendant les deux premiers mois. Rappelant qu’une aide extérieure vient très tard, (« Ak’imuhana kaza imvura ihise » en langue locale), le pouvoir encourage les citoyens à essayer de résoudre eux-mêmes leurs problèmes avant de recourir aux donateurs.
De leur côté, les grands établissements publics et les opérateurs économiques ont collecté au moins 5 milliards de Frw, (près de 9 millions de dollars), pour venir en aide aux victimes des inondations. Le PAM et autres bailleurs n’interviendront qu’à la demande du gouvernement. Mais les pluies torrentielles font toujours des ravages dans différentes régions. Mi-novembre dernier, dans la région de Bugesera, Est, toutes les récoltes de maïs ont été détruites. « Si nos dirigeants n’appellent au secours qu’au moment des urgences, ils doivent le faire pour tous ces villageois qui ne peuvent pas lier les deux bouts des saisons culturales, faute de denrées alimentaires », suggère un villageois de Gashora, Est. « Sinon, bientôt on pourra avoir des morts de faim », désespère-t-il.
Les Ong montrées du doigt
« Le gouvernement n’a pas confiance dans les intervenants qui se disent humanitaires car certains, une fois sur terrain, s’immiscent dans les questions politiques, socioculturelles ou religieuses », souligne cet employé du ministère de l’Administration locale. On reproche aussi à certains d’entre eux de dilapider pour leurs propres affaires l’argent destiné aux Rwandais. Une commission du Sénat rwandais a publié, fin novembre dernier, un rapport qui fait état de l’opacité dans la gestion des fonds des représentations locales d’Ong internationales. « De nombreuses Ong cachent leurs livres comptables et trompent leurs bailleurs par des audits fabriqués de toutes pièces sans aucune transparence », affirment les sénateurs. Ce rapport révèle que malgré les importants financements, leurs actions et leur impact restent peu visibles. Selon le Sénat, le budget annuel total des Ong locales est évalué à plus de 1,5 milliard de Frw, et celui des Ong internationales à plus de 230 milliards de Frw. Les sénateurs rwandais estiment que 70% de ces montants sont dépensés dans le personnel et l’administration. « Bon nombre d’Ong n’ont pas d’actions humanitaires mais sont là pour enrichir ceux qui les ont créées », concluent les parlementaires. Pour les suivre de près, les sénateurs recommandent la suspension de celles dont les actions de développement ne sont pas significatives.
Le gouvernement pourra agir comme en décembre 1995, lorsqu’il a chassé 43 Ong internationales sur les 150 qui opéraient dans le pays. La loi exige aujourd’hui que celui qui crée une Ong locale présente 100 signatures de membres approuvés par le notaire de l’Etat. Ceux-ci devront aussi répondre des actions de l’association. Les Ong internationales doivent présenter les documents officiels de leur pays et un plan d’action.