Kigali et Paris ont rétabli leurs relations diplomatiques le 29 novembre, après trois années de rupture et quinze ans de froid. Mais, dans le même temps, le Rwanda a fait son entrée dans le Commonwealth. Pour le quotidien burkinabé Le Pays, cela porte un sérieux coup à l’influence française.
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Le président du Rwanda Paul Kagame, novembre 2009
Le président Kagamé a fait d’une pierre deux coups. En même temps que le Rwanda fait son entrée dans le Commonwealth, il renoue avec la France après des années de brouille. Le rapprochement avec Londres traduit une certaine rancœur à l’égard de Paris. C’est aussi une alerte pour la Francophonie. Elle doit voir dans ce départ le signe d’une désaffection susceptible de faire des émules.
Certes, Kagamé part tout en restant. En reprenant ses relations avec Paris, il fait preuve d’une grande habileté. En effet, si la rancœur est tenace, le chef de l’Etat rwandais donne le sentiment de ne pas vouloir frustrer inutilement les Français. Mais ce serait une erreur de croire que le dossier du lourd contentieux franco-rwandais est clos [Kigali avait rompu ses relations avec Paris fin 2006, après l’émission de mandats d’arrêt par le juge français Jean-Louis Bruguière contre des proches de Kagamé pour leur implication dans le génocide de 1994].
Il est hors de doute que la forte personnalité du président Kagamé [au pouvoir depuis 2000] a pesé de tout son poids dans ce qui apparaît aujourd’hui comme une revanche sur l’Histoire. Celui qui n’a jamais digéré le fait colonial et néocolonial français doit se satisfaire de sa double victoire. Il n’a jamais pardonné à la France ses positions troubles et fourbes dans le conflit qui les a opposés, lui et les siens, au régime Habyarimana (1973-1994). Parvenu au pouvoir, il avait rapidement tourné le dos à un monde francophone qu’il jugeait vassalisé par la France.
Les faiblesses de la France se révèlent de jour en jour, et celle-ci a du mal à convaincre les nouvelles générations d’Africains. Les déceptions se multiplient : difficultés d’obtention des visas, mesures drastiques à l’endroit des immigrants, etc. Le recul de la langue française dans la communauté scientifique internationale et la pression multiforme du business international ne sont pas non plus de nature à encourager le maintien des Africains dans l’espace francophone, qui se résume à un club de politiciens complices.
Le départ pour le Commonwealth d’un Rwanda francophone devenu bilingue constitue un désastre pour la France et sa francophonie. Avec ce choix, le Rwanda, qui sort d’une longue nuit de tourmente, s’assume et affirme son indépendance. Contrairement à la Francophonie, laxiste sur certains plans, le Commonwealth a ses critères et des valeurs à défendre. Le camp anglo-saxon, avec sa langue, son respect de la culture des autres, son sens et son respect de la démocratie républicaine, son inventivité, force l’admiration. C’est un véritable choc pour un francophone que de se retrouver en milieu anglophone. Le Burkina, qui a une frontière avec un pays anglophone, le Ghana, en sait quelque chose. La multiplication des écoles bilingues au Pays des hommes intègres est en cela un signal fort.
Avec le départ du Rwanda, la Francophonie doit se livrer à une introspection sérieuse et sans complaisance. La mauvaise gestion de la démocratie et des ressources par des dirigeants cupides et bénéficiant du soutien de la France est à ce point déconcertante pour les jeunes générations qu’il ne faut pas exclure à terme de nouvelles désaffections.
http://www.courrierinternational.com/article/2009/12/01/charge-rwandaise-contre-la-francophonie
Posté par rwandaises.com