(Syfia Grands Lacs/Rwanda) À l’est du Rwanda, les sidéens prennent leurs antirétroviraux sous la supervision d’accompagnateurs qui se chargent de garder leurs médicaments pour les leur faire prendre à l’heure convenue. Cette régularité dans la prise du traitement diminue la résistance au virus et préserve des vies humaines.
Lorsqu’un malade est mis sous ARV, il doit choisir, parmi ses voisins ou amis, une personne bien-portante de confiance qui l’accompagnera tout au long de sa maladie. Celle-ci doit aller chez le médecin pour obtenir les médicaments pour un mois, puis les garder convenablement chez elle et les donner chaque jour à son malade à l’heure convenue. L’acccompagnateur rappelle aussi régulièrement la conduite à tenir aux malades : il les exhorte à ne pas consommer de l’alcool ou des drogues et à ne pas avoir de relations sexuelles non protégées.
Mettre fin à l’isolement
« Ces accompagnateurs ont contribué grandement à la préservation de beaucoup de vies », se félicite Jean Claude Rutayisire, responsable des accompagnateurs au sein de l’hôpital de Rwankwavu. « Ils assurent un vrai parrainage des sidéens encore mal vus dans leurs communautés respectives. Ainsi suivis, les malades prennent leurs médicaments comme prescrit sans peur d’être vus par des connaissances », explique-t-il avant d’ajouter que « ceux qui ne sont pas suivis arrêtent momentanément leur traitement quand ils retrouvent des forces, manquent de quoi manger ou sont stressés ».
Ce système a été lancé en 2005 par le ministère de la Santé et l’ONG américaine, Partners in Health. « Il a contribué à stabiliser la propagation du VIH/sida dans cette région », estime un conseiller de la Santé. « Les malades sont bien soignés, ce qui diminue la résistance aux médicaments. Ils sont aussi bien conseillés pour ne pas contaminer les autres. Grâce à cette aide, ils ne sont jamais isolés », se réjouit-il. « Mon accompagnateur m’aide à bien gérer ma maladie, m’apprend à ne pas dilapider les biens de la famille comme si j’allais mourir », témoigne un sidéen. Rwinkwavu, zone minière marquée par la présence de nombreux ouvriers et un certain vagabondage sexuel, est en effet l’un des endroits les plus touchés par le sida au Rwanda. En 2005, le taux de prévalence y était de 18 %, contre 3 à 10 % dans le reste du pays.
Investir dans les accompagnateurs
Pour motiver les vocations, l’hôpital de Rwinkwavu, géré par Partners in Health, accorde une prime mensuelle de 8 000 Frw (14 $) pour l’accompagnement d’un adulte et 5 000 Frw (8 $) pour celui d’un enfant. « Un villageois intègre qui a la confiance de beaucoup de malades peut toucher 50 000 Frw (près de 90 $, Ndlr) chaque mois », témoigne un responsable. « Le système a vite porté ses fruits. Il est urgent de le renforcer et de l’étendre à tout le pays », suggère-t-il. « Au lieu de dépenser d’énormes sommes d’argent pour acheter des médicaments qui ne sont pas pris comme prescrit, mieux vaut avoir de petits stocks et un fonds pour les accompagnateurs », résume un sidéen.
Selon un agent de l’Office national chargé du traitement et de la prise en charge des personnes vivant avec le VIH/sida, actuellement, au moins un tiers des malades du sida qui suivent le traitement ARV, le suspendent pour diverses raisons, surtout le manque de conseils et de soutien. Les Rwandais hésitent d’ailleurs encore à se faire dépister et soigner. La Commission nationale de lutte contre le Sida (CNLS), estime, qu’en 2008, environ 70 % d’entre eux ne connaissaient pas leur statut sérologique. Pourtant, depuis 2003, les antirétroviraux sont gratuits dans le pays grâce aux efforts du gouvernement et à la contribution de plusieurs bailleurs de fonds internationaux. Le Rwanda compte, selon la CNLS, près de 300 000 séropositifs, soit 3 % de la population totale.