Si elle avait bâclé le travail, la commission nationale indépendante aurait, à juste titre, été critiquée. Soucieuse d’opérer les vérifications nécéssaires et d’examiner les votes dévolus à 18000 candidats, la Ceni a pris son temps, ce qui n’a pas, non plus, été au goût de tout le monde et la confusion qui a régné à propos du verdict des législatives a fait écho à la violente contestation des résultats de l’électiuon présidentielle. Il ne fait aucun doute que les cafouillages (compréhensibles vu la difficulté de la tâche) les irrégularités voire les fraudes alimenteront les débats durant longtemps encore, sur le point de savoir si les dérapages constatés furent systématiques, tous orientés dans le même sens (ce qui ne semble pas être le cas) et si la violence ne se manifesta que d’un seul côté (là non plus il n’y a pas d’évidence…)

Puisqu’il  n’y aura vraisemblablement ni recomptage des votes, ni réédition des opérations électorales, il faudra donc se contenter du verdict des urnes, hold up pour les uns, vérité et légitimation pour les autres.

Des résultats des législatives, finalement publiés, on peut tirer plusieurs constats. Le premier, c’est qu’avec 13O députés, le PPRD, proche de Kabila, demeure la première force politique du pays. Pour dominer l’assemblée, il devra cependant conclure des alliances, avec des formations indépendantes comme l’AFDC de Bahati Lukwebo qui compte 17 députés, comme l’ Arc de Kamitatu (16 élus) ou des formations qui faisaient déjà partie de la majorité présidentielle comme le parti lumumbiste unifié (Palu) qui est passé de 34 à 19 députés, sanction peut-être de sa gestion du pouvoir, ou du fait que le mythique Gizenga a passé la main.  Il est intéressant de constater que le MSR,Mouvement social pour le renouveau, de Pierre Lumbi, conseiller à la sécurité de Kabila, envoie 32 élus à l’assemblée et devient le troisième parti. Le MSR risque d’apparaître comme incontournable, alors qu’il se situe (pour autant que les mots aient un sens..) à la gauche du PPRD et qu’il recrute largement dans les rangs de la société civile.

Si la majorité veut pouvoir soutenir un gouvernement stable,  des alliances devront être conclues, des compromis devront être faits, avec des formations qui ont tiré leur succès de leur indépendance et l’exercice sera peut-être moins facile qu’on ne le croit.

Du côté de l’opposition, le vrai succès de l’UDPS  (qui passe premier parti de l’opposition avec 42 députés) devrait à la fois panser les plaies des partisans de Tshisekedi et leur déchirer le cœur : le parti en effet démontre son implantation nationale alors qu’il se présente pour la première fois,  et en même temps, ses élus devront faire le choix déchirant d’exercer ou non leur mandat dans une assemblée dont Tshisekedi ne reconnaît pas la légitimité.

Quant aux 18 députés engrangés par Vital Kamerhe, il ne s’agît ni d’un succès, ni d’une déroute honteuse, car cette formation se présentait pour la première fois elle aussi, elle manquait encore de moyens et ce parti jeune semble avpoir encore l’avenir devant lui….

Le parti de Jean-Pierre Bemba est, lui, passé de 66 à 22 élus, payant là ses dissentions internes et l’impossible succession d’un « chairman » toujours détenu à La Haye et qui croit toujours en ses chances de revenir  libre au Congo.

Par contre, le score du parti de Léon Kengo wa Dondo est cruel, il se résume à quatre députés tandis que celui du RCD Goma est pire encore : aucun élu n’a été envoyé à l’Assemblée. Les électeurs se sont montrés durs  à l’égard de ces partis, certes, mais plus encore à l’égard de ces Occidentaux qui, en 2006 jugeaient qu’Azarias Ruberwa (alors président du RCD Goma) était incontournable (ne prônait il pas une « bonne gouvernance » qui, dans l’Est, n’avait jamais été pratiquée par ses représentants et ne pensait on pas que lui seul pouvait « rassurer » Kigali ?). Quant à Kengo, s’il fut lâchement attaqué  et blessé à Paris, c’est parce que les agresseurs pensaient qu’il négociait secrètement avec Kabila, avec l’appui de certaines puissances  (la France sans doute…) qui estimaient que le camp présidentiel devait composer avec l’opposition, sans toutefois aller jusqu’à conseiller une ouverture vers l’intraitable Tshisekedi…

Cela étant, au-delà de la dureté des chiffres,  il apparaît que les électeurs ont voulu à la fois encourager le pouvoir à poursuivre la reconstruction du Congo, mais signifier aussi que deux époques se terminent : celle de la transition (le funeste « un plus quatre » un président quatre vice présidents, qui marqua la fin de la guerre, entre 2002 et 2006), celle de la post transition (2006-2011), cinq années dont les deux premières furent plombées par la rébellion de Laurent Nkunda qui mobilisa  tous les efforts militaires, occupa l’agenda politique et médiatique et ponctionna lourdement l’économie.

Le nouveau mandat qui s’ouvre est certes obscurci par la polémique électorale, par les défis lancés par Tshisekedi, mais les déchirements de 2011 pourraient guérir assez rapidement si un véritable changement s’amorçait, si les citoyens congolais bénéficiaient enfin des fruits d’une reconstruction mise au service des secteurs sociaux.

Même si elle a ses arrières assurés, la majorité présidentielle devra se recomposer et se solidifier, tandis que l’opposition, elle, sera confrontée à plusieurs défis : sortir du post mobutisme et des schémas des années 90 dans le cas de l’UDPS, sortir de la logique de l’après guerre dans le cas du MLC, abandonner le « caudillisme », le culte du chef, qui caractérise trop souvent la classe politique congolaise et empêcher la majorité de tomber dans le même travers.

Tous enfin devront rappeler à Joseph Kabila, qui totalisera quinze ans de pouvoir en 2017, que ce deuxième mandat électif doit être le dernier d’affilée et qu’au cours de la législature qui s’ouvre, des hommes neufs devront commencer à se préparer…

http://blog.lesoir.be/colette-braeckman/2012/02/02/le-verdict-des-urnes-ouvre-lapres-post-transition/

Posté par rwandanews