Valérie B.44 ans, en prison. val

    V.B. – Je suis journaliste. Je travaillais à la RTLM. J’ai quarante-quatre ans. Je plaide coupable pour les péchés que j’ai commis, pas pour ceux que je n’ai pas commis.

Y.M. – On dit qu’après la signature des accords d’Arusha, le colonel Bagosora aurait déclaré : “je rentre à Kigali pour préparer l’apocalypse.” Est-ce que vous avez entendu cela ?

V.B. – J’étais à Arusha le jour de la signature, mais je n’ai pas suivi les travaux de négociations et je n’ai pas entendu Bagosora dire cela. S’il l’a dit, il lui appartient de s’expliquer.

Y.M. – De quoi est-ce que vous plaidez coupable ?

V.B. – On dit que nous avons incité les gens à tuer. C’est surtout cela. Les gens ont été tués. Nous avons travaillé en collaboration étroite avec les militaires. En fait, la RTLM est devenue une radio militaire le 7 avril, entre onze heures et midi. Par nos communiqués, nous guidions les gens vers les ennemis.

Y.M. – Y a-t-il eu génocide ?

V.B. – Oui, je l’admets. Des innocents ont été tués : des enfants, des mamans, des vieillards. Mais, à ce moment-là, je ne sais comment dire… les ennemis se cachaient dans la population. Et s’il y a eu planification du génocide, ce qui est incontestable, ce n’est pas facile de dire qui a planifié. Cela ne veut pas dire que je me sente innocente. Je travaillais à la RTLM. Après la diffusion de nos communiqués, les tueries commençaient. Pourtant dans mon cœur, je regrette beaucoup que les gens aient été tués. Mais la réparation est possible. Chacun doit reconnaître sa part de responsabilité dans le génocide. Il faut que chacun reconnaisse sa faute, reconnaisse son péché, qu’il essaie de se repentir et demande pardon. Nous sommes dans un pays de loi, j’ai confiance en la justice. Au mois de mai 1994, j’ai fait une tournée dans le pays. Je suis partie avec une escorte militaire, avec un ordre de mission de mon directeur, Faustin Harimana, le patron de la RTLM et nous avions des feuilles de route données par l’État-major. J’ai pu interroger beaucoup de préfets, de sous-préfets et de conseillers. Je leur ai demandé comment tout cela avait été possible. Ils m’ont répondu : “Qu’est-ce que nous aurions pu faire ? Il n’y avait plus moyen d’arrêter cela. C’était partout. Lors des perquisitions, on a trouvé des tenues militaires, des armes blanches et des armes à feu. Il n’y avait rien à faire.

Y.M. – Mais les armes blanches, tout le monde en avait.

V.B. – Ce n’est pas mon avis. À l’ESO (l’Ecole des Sous-Officiers), à Butare, j’ai vu des machettes toutes neuves, des lances, des grenades, des fusils, des armes démontées. Quelqu’un avec qui j’étais en contact et qui m’a montré tout cela, c’était le colonel Jean-Baptiste Muvuni. J’ai vu des fosses aussi. Concernant les fosses, je peux le dire, il n’y avait personne dans les fosses. Je les ai vues à Kigali, à Gitarama. Kigali, à Biryogo, Rumena et Nyamirambo. Et Kimihurura et Gacuriro. Et jusqu’au Burundi. J’ai rencontré des gens qui transportaient des personnes par bennes.

Y.M. – Qu’est-ce que vous pensez du viol pendant le génocide ?

V.B. – Les gens qui ont été torturés peuvent témoigner. En tant que femme, c’est très choquant. Là, on ne voit pas le respect du sexe féminin.

Y.M. – Est-ce vrai qu’on vous a arrêtée au Congo ?

V.B. – Oui, un militaire rwandais est venu m’arrêter là-bas avant que je n’aie le temps de me présenter spontanément à Arusha comme j’en avais l’intention. Il m’a conduite jusqu’ici sans me brutaliser, je n’ai pas compris.

 

 

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Posté par rwandaises.com