Paul Kagamé, le président du Rwanda en novembre dernier. Crédits photo : AFP
C’est jeudi la première visite d’un président français à Kigali depuis le génocide de 1994.
Comme à son habitude, Nicolas Sarkozy ira vite : trois heures au Rwanda, jeudi après-midi, pour tourner la page sur trois ans de rupture diplomatique et un long contentieux nourri par des accusations réciproques autour du génocide de 1994. C’est dire si les gestes du chef de l’État, qui déposera une gerbe au monument des victimes, seront scrutés à la loupe. Ses mots, surtout, seront écoutés avec attention, lors de la conférence de presse conjointe qu’il tiendra avec son homologue Paul Kagamé.
En novembre 2006, ce dernier avait pris l’initiative de rompre les relations avec la France après l’émission par le juge Jean-Louis Bruguière de mandats d’arrêts contre neuf de ses proches, soupçonnés d’avoir fomenté l’attentat contre l’avion du président Juvénal Habyarimana, le 6 avril 1994, un événement qui a donné le coup d’envoi de massacres qui ont fait 800.000 morts, en grande majorité d’ethnie tutsie, en trois mois.
Le Rwanda, de son côté, a toujours accusé la France d’avoir une responsabilité dans ces événements tragiques pour avoir soutenu le régime Habyarimana.
Sur cette question pesante, Nicolas Sarkozy avait parlé, il y a deux ans, «des faiblesses ou des erreurs» de la France. À Kigali, «ses propos s’inscriront dans cette ligne», indique-t-on à l’Élysée. «Il dira des choses fortes», ajoute-t-on dans son entourage, «mais pas d’excuses». On sait le chef de l’État peu porté sur la repentance.
Création d’une commission d’historiens
Pour «regarder vers l’avenir sans oublier le passé», comme on le souligne à l’Élysée, Nicolas Sarkozy évoquera avec son homologue rwandais la création d’une commission d’historiens. «On verra si les Rwandais reprendront cette proposition à leur compte, nous y sommes prêts», précise-t-on à la présidence de la République. Dès son arrivée à l’Élysée, en 2007, Nicolas Sarkozy avait inscrit le rabibochage avec le Rwanda sur la liste de ses chantiers africains. Deux tête-à-tête avec Paul Kagamé ont eu lieu ensuite, en 2007 et 2008. Bernard Kouchner, bon connaisseur du Rwanda, s’est rendu sur place à trois reprises entre janvier 2008 et janvier 2010. Et en novembre dernier, le coup de pouce décisif a été donné par un déplacement éclair de Claude Guéant à Kigali. La visite de demain vient «couronner» ce processus, se félicite-t-on à l’Élysée.
Il aura fallu pour cela désamorcer laborieusement le champ de mines judiciaires qui pourrissaient les relations franco-rwandaises. Toujours pendante, la procédure ouverte par le juge Bruguière a néanmoins été sévèrement affaiblie par le départ à la retraite de son initiateur et par la rétractation de deux de ses témoins à charge. «L’état d’esprit a changé. Les Rwandais admettent aujourd’hui que la main du pouvoir n’est pas derrière la justice», affirme-t-on sobrement à l’Élysée. Une manière de confirmer la mise sous le boisseau implicite des actions entreprises par Jean-Louis Bruguière.
En réponse à l’initiative Bruguière, Kigali avait publié en 2008 le rapport Mucyo qui accusait une trentaine de personnalités politiques, dont Édouard Balladur, Hubert Védrine et Alain Juppé, et des chefs militaires d’avoir «participé à l’exécution» du génocide. En renouant avec Kigali, Nicolas Sarkozy veut écarter cette épée de Damoclès. Ce qui conduit tout de même, à Paris, certains politiques et militaires mis en cause à s’inquiéter quelque peu à la veille de la visite présidentielle : quel sera le véritable prix de la réconciliation avec le Rwanda ?
Autre geste à l’égard de Kigali, les enquêtes françaises visant des personnes accueillies dans l’Hexagone et soupçonnées de complicité de génocide ont été accélérées même si elles peinent à déboucher.
Avec les retrouvailles rwandaises, l’ambition est aussi d’inscrire la France dans la région des Grands Lacs, un peu plus stable ces derniers mois et toujours riche de son sous-sol minier. Nicolas Sarkozy entend promouvoir la coopération frontalière, notamment avec la République démocratique du Congo. Il promet depuis un an une conférence réunissant les pays de la région et leurs bailleurs de fonds internationaux. La première étape est prévue lors du sommet Afrique-France, en mai à Nice.
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Posté par rwandaises.com