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@rib News, 15/02/2010 – Source AFP

La coalition gouvernementale qui dirige le Kenya depuis les violences de 2008 paraissait plus fragile que jamais lundi, avec le président Mwai Kibaki et le Premier ministre Raila Odinga en conflit frontal sur le sort de deux ministres soupçonnés de corruption.

M. Kibaki a rejeté une décision prise dimanche par M. Odinga, suspendant pendant trois mois les ministres de l’Agriculture et de l’Education William Ruto et Sam Ongeri.

M. Odinga a répliqué lundi en sollicitant l’arbitrage de l’ancien secrétaire général des Nations Unies Kofi Annan, dont la médiation avait déjà été sollicitée pour mettre un terme au bain de sang au Kenya qui avait suivi, début 2008, la réélection contestée de M. Kibaki.

Les deux ministres mis en cause sont soupçonnés d’implication dans des détournements de fonds publics destinés à la production de maïs et à l’éducation primaire. Des affaires relativement banales dans un pays considéré comme un des plus corrompus au monde selon l’organisation Transparency International, qui l’a classé l’an dernier 147e sur 180 Etats en la matière.

La nouveauté est que sur ce dossier hyper-sensible se déchirent publiquement les deux premiers responsables de l’Etat.

Les deux adversaires acharnés de l’élection présidentielle de 2007 avaient accepté en février 2008 un partage du pouvoir, sous pression de la communauté internationale, pour mettre un terme aux violences post-électorales qui avaient provoqué 1.500 morts et le déplacement de 300.000 personnes.

« De toute évidence, Kibaki ne veut absolument pas s’occuper des dossiers de corruption. Odinga cherche à capitaliser dessus », analyse François Grignon, directeur du programme Afrique pour l’organisation International Crisis Group.

« Jusqu’à présent, Odinga avait essayé de garder une relation constructive avec Kibaki, comme moteur du processus de réforme. Il est visiblement arrivé à un cul-de-sac, donc il adopte une stratégie différente d’attaque directe contre le chef de l’Etat », poursuit M. Grignon.

« C’est un différend qui pourrait très facilement se transformer en crise constitutionnelle », a prévenu lundi le procureur général du Kenya Amos Wako.

Ce bras de fer fait suite à des combats plus indirects des derniers mois sur la rédaction d’une nouvelle Constitution ou le sauvetage de la Mau Forest, principal réservoir d’eau national menacé par la surexploitation agricole.

Le problème avec ces affrontements, qui préparent déjà la présidentielle de 2012, « c’est qu’on a l’impression très nette que les deux principaux responsables du pays se sont coupés des besoins de la population », accuse Jacob Ogonda, directeur de la branche kényane de Transparency International.

« Alors qu’une grande partie des jeunes est privée de toute perspective d’emploi, le marché du travail est limité par l’ampleur de la corruption, et les ressources disponibles demeurent la chasse gardée des politiciens », poursuit M. Ogonda.

« Vu les sombres perspectives qui sont les leurs, les jeunes pourraient prendre les armes. C’est ainsi que la guerre civile a commencé en Sierra Leone », pronostique ce responsable.

Le Kenya souffre d’immenses inégalités sociales, accrues par la crise économique depuis deux ans, même si le Fonds monétaire international prévoit une relative reprise en 2009/2010 (+3,2%).

« Les leaders politiques et leurs stratagèmes à Nairobi ont oublié que (lors des violences) en janvier et février 2008, ils ne contrôlaient pas la situation sur le terrain. Ils pensent qu’ils le font aujourd’hui, mais ils jouent avec le feu », estime M. Grignon.

 

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Posté par rwandaises.com