« Qu’auriez vous fait à ma place » ? Cette question, que lui adressa son jumeau Thomas, retrouvé en prison, hante Joseph Ndwaniye. L’auteur vit en Belgique depuis de nombreuses années, il y a étudié, formé une famille et jamais les conditions matérielles ne lui avaient permis de se rendre au Rwanda. Le génocide, qui a emporté des membres de sa famille, est longtemps demeuré une réalité lointaine, sinon abstraite. Mais dès qu’il entame son voyage si longtemps désiré, tout bascule. Non seulement le pays de ses ancêtres a changé –autres dirigeants, autre idéologie et même autres paysages- mais surtout, la complexité des situations lui saute au visage. Son jumeau Thomas est en prison, accusé d’avoir été aux barrières, et sa mère veut savoir ce qui s’est vraiment passé. Thomas, en tenue rose de prisonnier, qui va bientôt comparaître devant les tribunaux gaçaça, livre plus de questions que de bribes de vérité. Que s’est il passé sur les barrières ? Où sont ceux qui ont donné les ordres ? Thomas a-t-il tué, ainsi qu’il en est accusé, ou simplement refusé de mettre sa propre vie en péril en essayant de se soustraire au crime collectif ? Joseph Ndwaniye, sans périphrases ou figures de style, nous fait pénétrer dans la société rwandaise, celle qui a suivi le génocide, mais aussi celle qui l’a précédé, avec ses mariages mixtes, ses préjugés et ses non dits et ce petit livre, le premier d’un jeune auteur, est peut-être plus proche de la réalité, grâce à son indubitable sincérité, que bien des ouvrages d’experts…

Si le présent pose question et répond parfois, le passé lui aussi peut éclairer. Et pour cela on ne saurait assez recommander la série de cinq livres proposés par Claude Nemry, qui se termine par « Mangaribi » le crépuscule. L’auteur, un Belge natif de Kindu au Maniéma, s’est, à l’époque coloniale, profondément immergé dans les sociétés des Grands Lacs. Avec, certes, les préjugés de l’époque, mais aussi une connaissance intime des gens avec lesquels il travaillait, une curiosité insatiable pour leur histoire, leur culture, il retrace, de livre en livre, la vie de Sylvain Guillaume, un Ardennais dont la famille est originaire de Tintigny, mais qui s’est uni au plus intime de la culture rwandaise, jusqu‘à s’y faire accepter comme un frère. Dans Mangaribi qui clôt la série, l’auteur nous fait vivre les heures douloureuses de l’indépendance, les espoirs et surtout les dérapages, ainsi que les efforts de l’ancien administrateur colonial devenu planteur puis industriel, qui s’accroche malgré tout à ce pays qu’il aime plus que sa terre d’origine. Des efforts qui s’avéreront vain, car autour de Guillaume, alors que les rébellions font rage, tout se délite. A travers son récit, Claude Nemry rappelle au lecteur les épisodes les plus dramatiques de l’histoire du Kivu et du Rwanda, livre quelques clés pour saisir l’actualité et même (ce qui est parfois lassant) se montre prodigue en termes locaux, kinyarwanda et swahili, à tel point que le lecteur en arrive parfois à se demander s’il dévore un roman ou parcourt un lexique…

Joseph Ndwaniye, La promesse faire à ma sœur, Impressions nouvelles, 200 pages, 17 euros,

Claude Nemry, Mangaribi (Crépuscule) l’Harmattan, 478 pages, 36 euros

 

http://blogs.lesoir.be/colette-braeckman/2007/01/15/deux-livres-pour-se-rapprocher-du-rwanda/

Posté par rwandaises.com