Arusha – A moins d’une année de la fin théorique de son mandat, le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), n’a toujours pas réussi à mettre la main sur l’un de ses principaux accusés, le milliardaire Félicien Kabuga, suspecté d’avoir été le financier du génocide de 1994.

Perpétrés par des extrémistes hutus, ces massacres ont fait, selon l’ONU, près de 800.00 morts, essentiellement parmi les Tutsis.

Le septuagénaire a été inculpé par le TPIR en 1998 et un mandat d’arrêt international émis à son encontre une année plus tard. Accusé notamment d’entente en vue de commettre le génocide et de génocide, il aurait, selon l’acte d’accusation, commandé les machettes utilisées en 1994 pour découper les Tutsis en morceaux.

Selon Hassan Bubacar Jallow, le procureur en chef gambien du TPIR, Kabuga continue à mener l’essentiel de ses activités commerciales au Kenya où il a échappé à plusieurs opérations conjointes de la police locale et des enquêteurs des Nations Unies.

La présence de l’inculpé dans cette ancienne colonie britannique a été confirmée mardi, dans un entretien avec l’agence Hirondelle, par l’ambassadeur extraordinaire des Etats-Unis en charge des crimes de guerre, Stephen Rapp, ancien procureur du Tribunal spécial pour la Sierre Leone et ancien chef des poursuites au TPIR.

En 2002, les Etats-Unis ont lancé une vaste campagne médiatique au Kenya visant à la capture de l’homme d’affaires. Une récompense allant jusqu’à 5 millions de dollars a ainsi été offerte pour toute information pouvant conduire à son arrestation. Mais « le gros poisson » n’a toujours pas été capturé.

Sa liberté, il la doit à sa fortune qui lui permet de s’assurer la protection de personnalités puissantes sur le continent africain, et surtout au Kenya.

D’abord petit marchand ambulant, Kabuga, originaire de Byumba (nord) est parti de rien pour finalement bâtir la plus grande fortune de son pays en son temps.

Sa réussite était telle que, dans les villages du Rwanda profond, un paysan plus aisé que les autres était surnommé Kabuga.

Pour expliquer l’extraordinaire ascension de cet homme non instruit, une légende répandue au Rwanda prétend que l’homme d’affaires, animiste reconnu, doit sa richesse aux esprits de ses ancêtres auxquels il vouait un culte régulier. Toujours selon ce conte « des mille collines », même si Kabuga possédait les meilleurs immeubles modernes du pays, il dormait, conformément aux ordres de ses mânes, à même la terre battue, dans une hutte au toit de chaume.

Alors que, de son temps, les hommes d’affaires non instruits affichaient un mépris pour l’élite universitaire, Kabuga quant à lui, tenait à forcer les portes des milieux intellectuels, s’entourant de personnes hautement formées et nouant de solides amitiés dans les plus hautes sphères de l’administration

Son entrée dans le sérail fut définitivement scellée lorsqu’en 1993 une de ses filles épousa le fils aîné du président Juvénal Habyarimana.

Membre du parti présidentiel, le Mouvement républicain national pour la démocratie et le développement (MRND), il était par ailleurs président du Comité d’initiative de la tristement célèbre Radio télévision libre des mille collines (RTLM).

Pendant le génocide, il fut désigné président du Comité provisoire du Fonds de défense nationale (FDN). Subodorant la spectaculaire débâcle de l’armée régulière face aux rebelles du Front patriotique rwandais (FPR), actuellement au pouvoir, le milliardaire se réfugia en Suisse en juin 1994. Après avoir reçu l’ordre de quitter le pays, il rejoignit Kinshasa, en République démocratique du Congo (RDC), avant de s’installer au Kenya, à une demi- heure de vol du siège du TPIR.

La plupart des dix autres accusés en fuite se cacheraient, quant à eux, dans les montagnes de l’est de la RDC. Tous ces fugitifs « ont trop longtemps bénéficié de l’impunité », s’indignait le 3 décembre, le président du TPIR, Dennis Byron, exhortant les Nations Unies à faire davantage pression sur Nairobi et Kinshasa.
, 11 février 2010 (FH)

ER/GF

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