Depuis quatre jours j’observe les efforts que Jean-Christophe Klotz déploie, avec quelques autres, pour faire découvrir Lignes de front aux Rwandais. Klotz était journaliste reporter d’images en 1994, il a été l’un des rares à filmer pendant le génocide des Tutsis du Rwanda. Blessé, il a été évacué de Kigali.
Il y est revenu pour tourner un documentaire, Kigali, des images contre un massacre, et a fini par écrire et réaliser une fiction. C’est Lignes de front, inspiré de son expérience de journaliste impuissant face au génocide. Il a voulu en donner la primeur aux Rwandais (le film sort en France le 31 mars). Dès son arrivée, il a donné une interview à la radio, a pressé le ministère de la culture rwandais de tout faire pour que son film rencontre le plus large public possible.
Après une première projection devant quelques dizaines d’intellectuels et d’officiels, qui a donné lieu à un débat très riche, l’équipe (Klotz, la productrice Yael Fogiel, les acteurs Jalil Lespert et Cyril Gueï) attend la rencontre avec le grand public. A la suite d’une coupure d’électricité au bout de vingt minutes, samedi soir, Lignes de front est finalement projeté en plein jour, lundi 1er février, dans un grand gymnase, à quelques dizaines de mètres du stade qui accueillit les Tutsis fuyant les assassins en 1994. De toute façon, en quatre jours, on a le temps de comprendre qu’à Kigali, on n’est jamais loin d’une scène de crime.
Le ministère de la culture a fait en sorte qu’arrivent, une heure après le début théorique de la projection, plusieurs minibus remplis d’étudiants. Le film est accueilli en silence par les 250 spectateurs pendant qu’au dehors, on entend les essais de sono, prélude à un concert organisé dans la soirée.
A la fin, on ne peut même pas dire quand les lumières se rallument, on entend à peine quelques applaudissements. Suit alors un échange courtois mais extrêmement violent. Les étudiant sont membres de l’Association des élèves et étudiants rescapés du génocide. Il font la queue au micro pour reprocher au réalisateur d’avoir minimisé le rôle de la France dans le génocide, d’avoir minoré le nombre des victimes (Klotz a retenu le chiffre de l’ONU, 800 000 – “seulement”, dit un intervenant), de ne pas avoir mis les images qu’il avait tournées à l’époque à la disposition de la justice. Le dialogue a lieu en kinyarwanda d’un côté, en français de l’autre. Les acteurs, le cinéaste sont secoués, mais tiennent bon, dirigent l’attention vers un passage qui répond à l’une des questions, et reviennent sans cesse sur la différence entre fiction et documentaire.
Après la séance, Omar, l’un des étudiants s’approche de moi et s’excuse presque de la dureté de ses camarades en disant: “la fiction les a compliqués”.
Commentaires |
Que des rescapés du génocide des Tutsis se méfient des intentions – même louables – d’un cinéaste français… je m’étonne de ceux qui s’en étonnent. Il y a tout de même ces applaudissements polis après la séance. Sans compter que l’enthousiasme après la projection d’un sujet pareil…
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http://sotinel.blog.lemonde.fr/2010/02/02/une-projection-lapres-midi-a-kigali/
Posté par rwandaises.com
C’est étrange que Klmotz se voit reprocher son silence sur le role de la France.Dans son excellent film “des images contre un massacre” il avait éreinté magistralement l’ opération Turquoise et souligné le role de la France.
Rédigé par : Annie FAURE | le 02 février 2010 à 09:38 | Alerter