Et si l’hypothèse inverse était retenue ? Si, tenant compte des critiques, du relevé argumenté de toutes les carences des autorités de Kinshasa, le roi Albert II n’allait pas au Congo le 30 juin prochain ? Fort bien. Ce désistement conforterait les inconditionnels de la bonne gouvernance, qui pourraient exercer leurs talents entre Charleroi et Anvers sans oublier les quartiers chauds de Bruxelles. Il donnerait raison aux « réalistes » qui savent depuis longtemps que la Belgique, placée par hasard au cœur de l’Europe, n’a jamais été qu’un accident de l’histoire. Rien de plus qu’un petit pays frileux dont les investisseurs redoutent des horizons africains dont ils ont naguère tiré tant de profits, un pays qui a vendu ses banques, liquidé sa capacité industrielle et bradé ses ambitions. Un peuple égoïste qui tourne le dos aux illusions du passé et jouit encore des dividendes d’une réputation surfaite… Si le Roi ne se rend pas à Kinshasa, ce désistement permettra aux Congolais d’enfin couper le lien qui les relie à l’ancienne métropole ; après avoir fait le « deuil du père », ils pourront, l’esprit tranquille, se tourner vers les nouveaux partenaires qui se bousculent et leur marquent les signes de respect dont la Belgique se montre si chiche…
Cette image là correspond elle à la réalité de notre pays, aux sentiments de notre population, aux vœux des Congolais ? La réponse est non, trois fois non. La Belgique, dont le roi Albert II est le symbole, ce sont aussi d’innombrables liens avec le Congo. Certes, il y a la coopération, modeste et recentrée, mais efficace, la formation très appréciée de nouvelles unités de l’armée, les nombreux échanges d’experts, le déploiement des ONG. Mais il y a bien plus : pour beaucoup d’entre nous, le Congo c’est encore une Belgique qui se dresse sur la pointe des pieds, qui sait déployer le meilleur de ses talents, ouvrir ses fenêtres vers de plus larges horizons. Une Belgique, qui, sur la scène internationale, s’ est opposée au dépeçage de notre ancienne colonie, a dénoncé une guerre atroce et parrainé les élections démocratiques qui ont refondé l’Etat. Une Belgique dépourvue de visées impérialistes mais dont l’autorité morale et la compétence sont reconnues lorsqu’il s’agît du Congo.
Mais surtout, interdire au Roi de se rendre à Kinshasa, ce serait nier les dizaines de milliers de solidarités individuelles, les parrainages, jumelages, envois de fonds, réunions d’information, toutes ces initiatives prises par tant de citoyens, au nord et au sud du pays. Congédier les missionnaires, les volontaires, les militants, et aussi les anciens coloniaux… Aller au Congo le 30 juin, c’est rendre tribut à l’histoire, l’écrire à l’endroit, reconnaître que les destins de ces deux peuples se sont croisés au 19e siècle et qu’ils demeurent liés au 21eme… Au-delà des contingences politiques, être présent aux côtés du peuple congolais le 30 juin prochain, c’est, avant tout, prendre date pour l’avenir.

 

http://blogs.lesoir.be/colette-braeckman/2010/03/09/congo-belgique-prendre-date-pour-lavenir/

Posté par rwandaises.com