Des députés libéraux au secours de la démocratie
Trois douzaines de députés africains venus de pays aussi divers que le Tchad, la Zambie, le Congo, la Mauritanie, le Zimbabwe réunis à Bujumbura avec une douzaine de députés européens membres du groupe ALDE (Alliance des libéraux démocrates) emmenés par Guy Verhofstadt et Louis Michel ont-ils voulu approfondir leurs propres convictions démocratiques, ou envoyer un signal fort au Burundi qui s’engage dans une période électorale semée d’embûches ? Ce qui est sûr, c’est que les parlementaires européens menés par Guy Verhofstadt et Louis Michel ont partagé avec leurs collègues un véritable « brain storming » pédagogique. Autour d’un thème général, la réconciliation et la gouvernance démocratique, des sujets sensibles ont été abordés, qui trouvaient tous des échos dans le pays hôte : les rapports entre le pouvoir et la société civile, la contribution de la presse au débat démocratique, les avantages ou les inconvénients du partage du pouvoir, une formule souvent proposée en Afrique (au Kenya, au Zimbabwe) lorsque les résultats des élections sont contestées ou lorsque le vaincu refuse de s’incliner devant le verdict des urnes. On entendit Louis Michel, très en verve, développer sa propre conception de la « gouvernance » : un plaidoyer en faveur des libertés certes, mais dans un cadre étatique qui fixe les normes et garantit les droits de tous ou d’autres intervenants mettre en garde contre la « tyrannie de la majorité » et cela dans un pays comme le Burundi où la Constitution, tout en assurant les droits des Tutsis, donne automatiquement la prééminence aux Hutus, majoritaires…
Organisée à un moment clé, alors que s’amorce la campagne qui doit mener en mai prochain aux élections communales qui seront suivies des législatives et de l’élection présidentielle cette conférence a représenté un signal fort adressé aux autorités burundaises, les encourageant à poursuivre sur la voie démocratique et à respecter le résultat des urnes, quel qu’il soit. Les plus grandes incertitudes pèsent en effet sur le processus électoral qui pourrait déraper avant d’atteindre son terme.
Les plus optimistes mettent cependant en avant les succès incontestables enregistrés au Burundi : le dernier groupe rebelle hutu, le FNL (Front national de libération dirigé par Agathon Rwasa) vient enfin de déposer les armes et il présentera des candidats aux élections, la dette extérieure, 1,4 milliards de dollars, vient d’être effacée par les bailleurs et l’aide internationale afflue enfin. Ce qui a permis aux autorités de mettre en place des mesures très appréciées : la gratuité de l’enseignement primaire et des soins de santé de base. Et surtout, dans ce pays où une décennie de guerre civile s’est soldée par l’inscription des réalités ethniques dans la Constitution, chacun reconnaît aujourd’hui que… ces notions de Hutus et Tutsis sont dépassées ! « La presse en a tellement parlé, il y a eu tant de débats, de séminaires, tant de morts aussi, que désormais les Burundais se sont dégagés des schémas ethniques, que le potentiel de violence de ces derniers a été désamorcé » assure le journaliste Innocent Muhozi, directeur de Radio Renaissance.
Il s’agiraît là d’un succès incontestable si la tension interethnique n’avait cédé la place à une autre compétition, tout aussi redoutable, pour le pouvoir et pour l’argent. Elle met aux prises trois formations qui défendaient au départ la cause des Hutus : le Frodebu (Front pour la démocratie au Burundi) le CNDD (Coalition nationale pour la démocratie et le développement) d’où est issu l’actuel chef de l’Etat Pierre Nkurunziza et le dernier venu, le FNL, transformé en parti politique. Trois partis qui ont pratiqué la lutte armée, qui aujourd’hui encore disposent de groupes de jeunes qualifiés de simples associations sportives mais dénoncées comme des milices potentielles… De nombreux observateurs assurent que le CNDD aujourd’hui au pouvoir pourrait perdre les élections communales, ce qui hypothéquerait ses chances pour la suite et le FNL, qui vient de rejoindre le courant démocratique, redoute d’être victime de violences déclenchées par le pari au pouvoir.
Des représentants de la société civile burundaise ont pris les parlementaires européens et africains à témoin de leurs inquiétudes : sur les collines, la population est victime d’intimidations, menacée de représailles si elle devait « mal voter », l’enregistrement des lecteurs s’est accompagné d’irrégularités… Tout se passe comme si, alors que des observateurs internationaux suivront de près le déroulement du scrutin, fraude et manipulations étaient à craindre… en amont, lors de la phase préparatoire.
Alors qu’il aurait du être chargé de coordonner la logistique des opérations électorales, le chef de la force des Nations unies (Minub) a été prié de quitter le pays fin 2009 et les autorités ont fait savoir qu’elles souhaitent que la mission onusienne se termine d’ici fin 2010.
Comme pour démentir ces prédictions pessimistes, la Belgique cependant a déjà versé deux millions de dollars pour la préparation des élections et de manière très volontariste elle se situe en tête de ceux qui croient qu’il est impossible de revenir en arrière et de perdre tous les acquis de la démocratie renaissante.
Alors qu’à Bujumbura les optimistes et les pessimistes confrontent leurs vues, le président Pierre Nkurunziza trace son chemin : plusieurs jours par semaine, il arpente les campagnes, s’entretient avec les paysans, joue au foot avec les jeunes ou les défie en velo, s’inquiète des problèmes quotidiens de ses électeurs potentiels. Comme s’il se préparait déjà à être élu, sur une base personnelle et avait commencé à se placer au dessus des partis, y compris le sien…
http://blogs.lesoir.be/colette-braeckman/2010/03/09/le-burundi-craint-que-la-violence-ne-precede-les-elections/
Posté par rwandaises.com