(Syfia Grands Lacs/Rwanda) Depuis la décentralisation, en 2006, les autorités locales ont, au Rwanda, la haute main sur la distribution des aides aux démunis. Sans contrôle rigoureux de l’État, elles en font trop souvent profiter leurs proches. La population, longtemps silencieuse, commence à se plaindre.
Depuis la mise en place des structures décentralisées en 2006, ce sont les autorités locales qui assurent la répartition et la distribution des aides aux nécessiteux, décidées par le gouvernement et jusqu’alors inexistantes. Auparavant seuls le Fonds d’assistance aux rescapés du génocide (FARG) et quelques Ong allaient de village en village pour aider les plus démunis.
Décentralisation sans contrôle
Conçue pour rapprocher les services de la population, la politique de décentralisation a impliqué des acteurs élus au suffrage direct au niveau des cellules. Le gouvernement leur a confié la responsabilité d’identifier les bénéficiaires des aides de l’Etat : aide en nature, soutien à la construction des habitations, au paiement des frais de scolarité, etc. Des tentations fortes pour ces chefs locaux qui ont souvent privilégié leurs proches. Certains programmes ont ainsi été déviés faute de suivi et de contrôle de la part des hautes autorités.
Selon les statistiques du ministère de l’Agriculture et d’Elevage (MINAGRI), sur les 54 719 vaches distribuées depuis 2006, 20 532 (environ 40 %) ont été remises à des gens qui n’y avaient pas droit. Même problème pour la construction de logements pour les nécessiteux. La population ne cesse de se plaindre des détournements et de la corruption des autorités locales. Ainsi, à Nyamata, Est, 49 veuves du génocide de 1994 déplorent n’avoir reçu que des logements inhabitables. « Ils nous ont donné des maisons qui n’ont ni porte, ni cuisine, ni toilettes, dit une de ces femmes. Nous avons peur d’être attaquées par des bandits. » Dans un autre district, des agents sont poursuivis par la Justice pour détournement du ciment et des tôles, destinés à la construction des maisons des plus vulnérables. « Le secteur m’a refusé un logement », témoigne un père de famille de ce secteur, venu à Butare en quête d’un emploi de portefaix pour faire vivre ses six enfants.
Difficile dénonciation
Depuis deux mois, une commission de sénateurs mène aussi des investigations sur la gestion de l’aide aux 1 200 familles victimes du tremblement de terre survenu à Cyangugu-Ouest en 2008. « Nous ne pouvions rien dire à propos de cette injustice, de peur d’être mal vus, voire menacés… », confie un pauvre de Nyamasheke. Les victimes de ces malversations ont bien du mal à les dénoncer, car les autorités locales avec qui ils vivent en permanence peuvent leur mener la vie dure.
Ce n’est que lors du 7e Dialogue national, en décembre dernier, qu’elles ont pu s’exprimer en direct par l’envoi de messages à partir de leurs téléphones, en particulier sur la question des dons de vaches. S’étant rendu compte que le problème était crucial, le chef de l’État a immédiatement ordonné que, dans les 15 jours, les vaches soient reprises et remises aux vrais bénéficiaires. Pour cette opération, l’État a dû mobiliser d’importants moyens tant humains que matériels.
« L’exercice de correction des erreurs que nous venons de mener pendant un mois et demi a été fructueux. 20 123 vaches, soit 98 % viennent d’être rendues et données aux pauvres », explique la ministre de l’Agriculture. Les nouveaux bénéficiaires se réjouissent. Les autres pleurent. « Au départ, je n’avais rien pour élever cet animal, mais aujourd’hui j’ai une étable et je me débrouille pour avoir le fourrage », témoigne I. Bizimana, de Butare, Sud, qui garde devant sa maison à chambre unique une vache frisonne et son veau repris au coordinateur de sa cellule.
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Posté par rwandaises.com