(Syfia Grands Lacs/Rwanda) Certains Rwandais considèrent encore la protection de l’environnement comme l’affaire de l’État et non la leur. Ils creusent des carrières ou installent illégalement des maisons et des garages dans des zones à risques… Souvent, avec la complicité des autorités locales, mais ils en assument seuls les conséquences.
Une loi stipule que les carrières et les mines doivent être réhabilitées à la fin de leur exploitation pour ne pas nuire à la protection de l’environnement. Dans les faits, on construit de plus en plus et les pierres et le sable sont donc très recherchés. À Cyeza, un secteur du district Muhanga, le sommet rocheux d’une colline sert ainsi de carrière. Trois hommes y creusent. Une partie de la colline n’est plus exploitée. Il ne reste qu’un grand fossé de plus de sept mètres. « Les autorités s’amusent ! Comment réhabiliter ce fossé ? Par quoi ? Faut-il chercher de la terre pour le remplir ? », s’interrogent-ils, en affirmant qu’ils viennent de passer plusieurs années dans ce métier sans réhabiliter les carrières exploitées. Ils précisent cependant que, quand un champ se trouve à côté, ils font attention à ne pas l’endommager.
Pointer l’autre du doigt
« Les exploitants signent un contrat avec le district par lequel ils s’engagent à protéger l’environnement. Quiconque ne le fait pas encourt des sanctions. Si personne ne les dénonce quand ils laissent des carrières nues, c’est qu’ils sont complices avec les autorités de base », estime un spécialiste de l’environnement d’un district du Sud. Selon lui, délivrer une autorisation à un exploitant ne suffit pas : « Il faudrait un suivi rigoureux de la protection de l’environnement et de celle de la santé des riverains. Pendant les saisons de pluies par exemple, ces carrières peuvent se transformer en étangs, ce qui favorise entre autres la malaria. »
Autorités et habitants se renvoient la responsabilité du problème. « Soit les autorités sont corrompues, soit elles ne sont pas convaincues des programmes qu’elles doivent appliquer », dit un vieux en observant les dégâts causés par la pluie dans la vallée à Kimicanga (Kigali). « Comment expliquer qu’une université et une école aient pu être construites dans cette vallée (inondable, Ndlr) de Kamutwa ? Des ‘hommes forts’ l’ont forcément autorisé. Elles risquent à présent d’être déplacées », constate un habitant.
Dernièrement, la REMA (Rwanda environment management authority) a chargé les autorités de la ville de Kigali de déloger tous ceux qui ont des parcelles dans les limites de cette vallée, zone à risque d’inondations pendant les fortes pluies. Alphonse Nizeyimana, vice-maire chargé des finances et du développement économique à Nyarugenge, n’y semble pas opposé : « Tous ceux qui franchissent les limites fixées seront déplacés », a-t-il déclaré à The New Times, un quotidien rwandais.
Initiatives collectives
Certains ne sont cependant pas prêts de céder à la pression. En février, le ministre chargé de l’Environnement et des terres a mis en garde des garagistes : « Nous allons être obligés d’utiliser la force pour les chasser de ces vallées qu’ils polluent par des vidanges dangereuses pour la vie de la population ».
À Kigali, les habitants des vallées de Nyabugogo, Kanombe, Gatsata, qui ont construit progressivement après 1994, risquent eux aussi d’être délogés.
Des initiatives collectives naissent pour tenter de prévenir les catastrophes naturelles. Les garagistes de la vallée Gatsata ont créé un fonds pour leur permettre d’installer leur garage ailleurs. Installer des terrasses radicales coûte cher : les habitants de Nyabihu, à travers l’initiative Twibature (« Levons-nous tôt »), creusent donc ensemble des rigoles pour lutter contre l’érosion qui emporte leurs champs et leurs maisons. Ils s’activent pendant deux heures, trois fois par semaine, avant de vaquer à leurs propres travaux. Pour ne pas attendre tout de l’État et parce qu’ils ont compris qu’ils étaient les premières victimes de la dégradation de leur environnement.