Alain Léauthier – Marianne

Victoire Ingaribe, la présidente des Forces démocratiques unifiées, la principale figure de l’opposition à Kagame, vient d’être jetée en prison alors qu’elle entrait en campagne électorale. Un déni de démocratie qui jette une lumière crue sur l’opération de réconciliation avec le régime organisée par Bernard Kouchner et approuvée, depuis peu, par Nicolas Sarkozy.



A trois mois de l’élection présidentielle prévue théoriquement au mois d’août, le régime de Paul Kagamé confirme ce que beaucoup subodoraient ou savaient déjà : le Rwanda a certes retrouvé la paix, et une apparence de cohésion nationale, mais la démocratie y reste aux abonnés absents. Menacée à plusieurs reprises depuis son retour dans le pays début janvier, une des opposantes les plus déterminées au maître de Kigali a passé sa première nuit en prison et sera présentée dès jeudi au parquet de la capitale. Que reproche-t-on à Victoire Ingaribe, la présidente des Forces démocratiques unifiées (FDU), parti non autorisé ?  Officiellement d’entretenir des liens quasi organiques avec les rebelles Hutus des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), une organisation qualifiée de terroriste dont les membres sont réfugiés dans l’est de la République démocratique du Congo.  Et, secundo, de nier le génocide qui a fait 800 000 victimes dans le pays.


Rwanda : Kagame jette en prison sa première opposante. Qu'en dit Kouchner ?
En réalité Victoire Ingaribe paye son refus de se soumettre silencieusement à la seule doxa admise aujourd’hui par le pouvoir. Celle qui fait des Hutus, dans leur ensemble, les seuls responsables du génocide et des Tutsis les victimes exclusives. Or, crime d’absolue lèse majesté, tenu pour  du pur négationnisme, Victoire Ingaribe exigeait que soient également jugés les crimes commis contre les Hutus durant les années sombres qu’a connu le Rwanda. Kagame a finalement choisi la manière forte pour faire taire celle qui envisageait de se présenter à la présidentielle alors même que dans un entretien avec un  média hollandais, son ministre de la Justice, Tharcisse Karugarama, admettait de ne pas avoir de charges sérieuses à son encontre.

Au demeurant le tour de vis s’étend au-delà de la seule Victoire Ingaribe puisque plusieurs militaires de haut-rang ont été récemment arrêtés ou forcés de s’exiler. La presse indépendante, elle, est soumise à une  censure étroite jusqu’à la fin de la période électorale. Autant de signes inquiétants qui n’ont pourtant pas découragé Nicolas Sarkozy et Bernard Kouchner de hâter la normalisation de leurs rapports avec Kagamé. Au nom bien sûr de l’impérieuse  obligation  faite à la France de retrouver son influence dans la région des Grands Lacs.
A leur décharge de nombreuses ONG poussent en ce sens, persuadées qu’en dépend le sort des populations civiles de l’Est du Congo, victimes de tous les groupes et sous groupes paramilitaires manipulés par le président rwandais ou par les rebelles hutus. Il faudrait ainsi tout passer à Kagamé et écrire l’Histoire sous sa dictée pour préparer des lendemains pacifiées. On a le droit d’y croire ou de faire semblant. Kagamé sera peut-être au prochain sommet franco-africain de Nice. Est-ce vraiment une victoire?


Posté par rwandaises.com