Le compte à rebours a commencé pour les élections au Burundi, au Rwanda et à la République démocratique du Congo. Ce qui explique cette tournée que le président burundais est en train d’effectuer dans la région. Ou encore cette interview à Jeune Afrique que vient d’accorder le président rwandais pour que les gens ne se fassent pas d’illusions sur les prochaines échéances électorales au Rwanda. En République démocratique du Congo, bien sûr qu’il faudra encore prendre son mal en patience. Mais la pré-campagne électorale a déjà dit son nom et le rappel des troupes a commencé.

Mais une fois de plus, les observateurs se montrent prudents. Les cicatrices des violences de plus d’une décennie peuvent se rouvrir au premier dérapage significatif. Les vieux démons – toutes tendances et races confondues- n’attendent que ces instants pour refaire surface.

Dans exactement 18 jours, les Burundais iront aux urnes dans le cadre des élections municipales Au mois de juin, ce sera le tour de l’élection présidentielle avant que n’intervienne au mois de juillet, les législatives et les sénatoriales.

Compte tenu de ces rendez-vous importants pour le Burundi, le président de la République, Pierre Nkurunziza, effectue en ces moments une tournée d’Etat dans la sous-région. Question bien sûr d’améliorer son image politique après avoir abattu un travail de titan au niveau national.

Après son séjour en République démocratique du Congo, le chef de l’Etat burundais s’est rendu en Angola. Un choix qui s’explique par le rôle que ces deux pays jouent dans la région.

En effet, le Burundi et la RDC font partie de la Communauté économique des pays des Grands Lacs, CEPGL, et partagent les mêmes réalités économiques, sociales et culturelles le long de leurs frontières communes. Il n’est pas exclu que les deux chefs d’Etat aient levé l’option de renforcer les dispositions sécuritaires pendant le déroulement des élections.

Si Luanda n’est pas un voisin immédiat, il passe pour une « puissance régionale » tant sur le plan militaire que financier. On ne peut négliger pareil voisin, et pourquoi pas partenaire.

Par ailleurs, on n’exclut pas que lors du dernier sommet des chefs d’Etat de la Communauté de l’Afrique de l’Est qui compte comme membres, outre le Burundi, le Rwanda, l’Ouganda, la Tanzanie et le Kenya, le président burundais ait saisi cette opportunité pour échanger avec ses homologues sur la situation générale de la région et des perspectives d’ avenir.

Il est fait indéniable que le président burundais affiche l’image d’un rassembleur sur qui le Burundi et la région des Grands Lacs peuvent compter tant l’alternance du pouvoir n’est pas à écarter. Surtout que les prochaines élections seront différentes des précédentes au regard de l’évolution de la situation politique, le Burundi a déjà tourné la page de la transition. En plus, Bujumbura abrite le siège du secrétariat exécutif de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs, CIRGL, de la Zone d’échange préférentielle, ZEP, et qu’il est un maillon important entre pays africains anglophones et francophones. Aussi, Pierre Nkurunziza s’emploie à refléter cette image qu’avec lui, le Burundi est à même de relever plusieurs défis.

Au mois d’août, le Rwanda organisera l’élection présidentielle. Si officiellement le président Kagame ne s’est pas encore prononcé, le 15 mai, sauf changement de dernière minute, son parti, le FPR, se réunira en congrès. Il ne fait l’ombre d’aucun doute qu’il sera désigné officiellement candidat à sa propre succession. A la question de savoir si cette élection présidentielle sera pluraliste, le président rwandais est catégorique : « Elle devrait l’être, il n’y a aucune raison pour qu’il en soit différemment. Les partis légaux et reconnus ont la possibilité de désigner leur candidat à travers un processus démocratique, à l’instar de ce qui se fait au sein du FPR, où tout militant peut postuler s’il le souhaite. J’espère donc bien qu’il y aura le 9 août, plus d’un candidat. Quant à l’élection elle-même, nous la voulons transparente et irréprochable. C’est dans notre intérêt ».

En République démocratique du Congo, la pré-campagne électorale a déjà dit son nom. Sinon comment expliquer toutes ces tournées à l’intérieur du pays, émaillée de nombreux cadeaux et dons. Certes, l’échéance électorale n’interviendra qu’en 2011 avec l’organisation des élections urbaines, municipales et locales durant le premier trimestre de 2011. La présidentielle et les législatives -sénatoriales interviendront sûrement vers la fin de l’année 2011. Entre-temps, la Commission électorale est en train de s’activer. Qu’on ne s’y trompe pas, le train électoral en RDC est bel et bien parti.

TENSIONS ET PHRASES SIBYLLINES

Mais la prudence doit être de rigueur. Les premiers indices prouvent à suffisance que les « vieux démons » n’ont pas encore dit leur dernier mot. Tenez.

Au Burundi, les accusations se multiplient. Le pouvoir en place est accusé d’intimider l’opposition tout en exerçant différentes pressions. 5 membres du FNL ont été dernièrement tabassés à Kirundo. Il est un fait indéniable que Pierre Nkurunziza aura à faire à des « poids lourds » de la politique burundaise. Il s’agit Bagaza, Paul Nyangoma…en plus de ce fait que 23 partis sur les 44 reconnus et 5 indépendants prendront part aux municipales. Et qu’en plus, l’opposition se plaint de manque de débat contradictoire sur les questions d’intérêt général.

Toutefois, Pierre Nkurunziza a reçu le soutien des personnalités politiques burundaises tout aussi importantes ; le leader de FRODEBU, celui du Parti peuple, Chadrack Nyonkuru, ex-porte-parole du FNL, Pasteur Habimana.

Ces élections au Burundi sont placées sous le signe de la consolidation du modèle burundais qualifié de réussite sur le plan de la démocratie, de la cohabitation ethnique et de l’intégration de l’armée et de la police.

On en dirait autant de la tension au Rwanda. L’arrestation de Victoire Ingabire, opposante et candidate déclarée jusque là à la présidentielle ; l’explosion des grenades, la fuite des officiers généraux, l’arrestation d’autres. A trois mois de l’élection présidentielle, le 20 août 2010, ces faits suscitent de nombreuses interrogations même si le président Kagame les minimise : « Ne perdons pas de temps sur Ingabire, elle ne représente rien….Nous sommes en train d’assembler les pièces du puzzle, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays. Peu à peu, des liens s’établissent entre plusieurs pôles: l’Est de la RD Congo, l’Afrique du Sud où se sont réfugiés des officiers en fuite, d’autres pays de la région. Mais je vous rassure, ce qui s’est passé n’affecte en rien le niveau de sécurité et de stabilité qui prévaut au Rwanda… Non. Tout ce qu’ils peuvent faire, au maximum, c’est utiliser quelques individus pour réaliser des attentats aveugles qui n’ont aucune conséquence sur notre marche en avant ».

Mais des phrases sibyllines qui pourraient marquer un certain état d’esprit dans le pays. A propos de son « fauteuil » que le général Kayumba en fuite envierait, et d’un probable coup d’Etat au Rwanda, le président rwandais ne mâche pas ses mots : « Mais il faut tout un processus pour s’asseoir ici, le sait-il ? On n y accède pas par la trahison, la manipulation, la tromperie ou l’assassinat. Je ne suis pas cloué sur ce fauteuil à vie. Quelqu’un d’autre, un jour, s’y assiéra. Beaucoup en rêvent, je le sais. Mais la personnalité qui me succédera aura auparavant subi avec succès toute une série de tests de la part du peuple. Et il aura rendu des comptes… Non. (Ndlr; le coup d’Etat) Pour une raison simple ; le système et les institutions que nous avons mis en place, où chacun de nous est responsable de soi-même et des autres, rendent pratiquement impossible toute prise du pouvoir par la force. La maison Rwanda est solide, et ses fondations lui permettent de résister aux tremblements de terre d’une magnitude respectable ».

Quant à la République démocratique du Congo, les incidents de Mbandaka, de Beni, de Butembo, de Nyaleke… ne sont pas de nature à rassurer les populations sur le plan sécuritaire. Ajouter à cela ce « vaste complot contre la RDC et son président » autour des enjeux régionaux et internationaux liés aux richesses et à la position géostratégique de la RDC, il faut reconnaître que les « vieux démons » n’ont pas encore désarmé.

Or, la CEPGL, c’est comme un système de vases communicants. Tout dérapage constaté lors des élections au Burundi aura des effets d’entraînement sur le Rwanda et la République démocratique du Congo. Pour éviter justement tout effet de surprise, il serait positif d’analyser en profondeur la proposition de l’International Crisis Group, ICG, sur le renforcement des capacités des armées nationales. Au besoin, songer à la mise en pace d’une «Force de paix » régionale.

Si cette suggestion n’est pas réalisable dans le temps qui sépare les différentes échéances électorales, le « Pacte de sécurité, de stabilité et de développement de la région des Grands Lacs », particulièrement dans sa résolution relative à la « défense mutuelle » pourrait servir de palliatif.

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Posté par rwandaises.com