La guerre d’Algérie, tabou du cinéma

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Vendredi est projeté à Cannes Hors-la-loi. Un des rares films à aborder la guerre d’Algérie.

Aurélie Frex – Europe1.fr

La guerre d’Algérie reste un sujet difficile à aborder en France. Un tabou qui n’a pas épargné le cinéma français. Alors que le dernier film de Rachid Bouchareb, Hors-la-loi, est projeté à Cannes vendredi, sur fond de polémique, le spécialiste du cinéma maghrébin Mouloud Mimoun nous aide à mieux comprendre le traitement de cette période de l’histoire au cinéma.

« Ca ne date pas d’hier, la société française, et donc le cinéma, avaient déjà un problème avec la guerre d’Algérie pendant les évènements. Entre 54 et 62, le cinéma français a été d’une frilosité extrême, surtout face à la censure qui s’exerçait. Aujourd’hui on est entré dans une phase de guerre des mémoires », explique Mouloud Mimoun, qui n’a pas vu le film, mais s’est rendu sur le tournage, et a lu le scénario.

Le nombre de films français consacrés à ce sujet est donc particulièrement réduit. « Hors-la-loi aborde surtout l’histoire de la guerre d’Algérie en France, jusqu’ici a très peu abordée, que ce soit par le cinéma français ou algérien. Il n’y a eu qu’un film en 1984 qui était Les Sacrifiés d’Okacha Touita, sur les affrontements des militants algériens avec la police française, et entre eux ».

Le film de Vautier, « emblématique »

« Sur la guerre d’Algérie, un des films les plus emblématiques, qui a rendu compte avec le plus de réalisme de cette période est Avoir 20 ans dans les Aurès, de René Vautier, concernant le contingent français. Dans les années 70 aussi, il y a R.A.S., de Claude Boisset », poursuit le journaliste.

« Plus récemment, L’Ennemi intime, de Florian Siri, a pour la première fois montré l’utilisation du napalm en Algérie (…) Il y a eu aussi La Trahison de Philippe Faucon (ndlr sorti en 2003), qui s’est penché sur le statut et le comportement des Algériens qui étaient conscrits pendant la guerre ».

Regardez la bande-annonce de L’Ennemi intime :

Sétif, « un aspect » du film

Dans le cas de Hors-la-loi, la polémique porte particulièrement sur les évènements de Sétif, survenus le 8 mai 1945, alors que les nationalistes fêtaient la fin du nazisme en brandissant des drapeaux algériens. Des émeutes réprimées dans le sang par l’armée française, et propagées dans toute l’Algérie. Les historiens estiment le bilan global entre 8.000 à 45.000 morts.

« J’ai peur qu’on mette en avant une page de l’histoire de l’Algérie, à savoir les événements de Sétif, alors que ce n’est qu’un aspect dans le commencement du film. Ca situe cette famille de trois frères, sur laquelle porte le film. Ils participent à la manifestation, puis le destin les sépare (…) Personnellement, je n’y ai pas vu de falsification de l’histoire », indique Mouloud Mimoun.

« Une œuvre cinématographique »

Sans même avoir été vu, le film a été jugé inexact par le député UMP Lionnel Luca et par un collectif d’extrême-droite, avant d’être défendu sur Europe 1 par Frédéric Mitterrand, en raison de son caractère « romanesque ».

« Je pense qu’il faut regarder ce film sous le prisme du cinéma, car depuis Indigène, Rachid Bouchareb s’inscrit dans un cinéma de genre. Indigènes est un film de guerre, Hors-la-loi est un thriller sur fond d’Histoire. Cette levée de boucliers est liée à l’appréhension du côté des milieux conservateurs que le film ait un impact comme l’a eu Indigène, mais ça reste une œuvre cinématographique », analyse le spécialiste.

A l’occasion de la projection du film, une cérémonie en hommage aux victimes françaises des évènements de Sétif est organisée à Cannes vendredi, en raison de l’émotion suscitée par la sortie du film. « Les réactions des députés s’expliquent par le fait que la communauté pied-noir, qui a permis leur élection, est toujours nostalgique de l’Algérie française perdue (…) Je crois que ce qui a dû heurter c’est qu’Indigènes avait concouru à Cannes sous pavillon français, et que la Hors-la-loi, une coproduction, concourt sous pavillon algérien ».

Découvrez le premier teaser de Hors-la-loi :

Mouloud Mimoun est journaliste et critique cinématographique pour El Watan et Afrique Asie. Il organise chaque année en France le festival Maghreb des films.

http://festival-de-cannes.parismatch.com/festival-de-cannes/2010/Actu/La-guerre-d-Algerie-tabou-du-cinema-187834/

Posté par rwandaises.com

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