Outre les 51 Etats africains représentés à Nice, à l’occasion du sommet Afrique-France, plusieurs institutions internationales avaient répondu à l’invitation de l’Elysée, dont la Banque mondiale et la FAO. L’Union européenne, elle, était représentée par son commissaire en charge du Développement, le Letton Andris Piebalgs. L’occasion de faire le point sur les relations entre l’Europe et l’Afrique.
Votre présence à Nice traduit-elle une volonté de rapprocher Européens et Africains, alors qu’en novembre se tiendra un sommet UE-Afrique?

En matière de coopération et de développement, l’Europe et l’Afrique ont des relations depuis presque 60 ans. Mais nous sommes désormais dans une situation nouvelle: aux Nations unies, un quart des pays sont des pays africains. Sans eux aujourd’hui, on ne peut résoudre aucun problème international. Nous fondons par ailleurs beaucoup d’espoir dans la croissance de l’Afrique, car qui dit croissance en Afrique, dit aussi croissance en Europe. Nicolas Sarkozy a raison quand il dit que les chances en Afrique, ce sont aussi les chances en Europe. Mais il faut chercher de nouvelles méthodes de travail pour répondre aux nouveaux défis – dont la lutte contre le changement climatique – et augmenter la puissance du continent africain.

Lors du sommet, Nicolas Sarkozy a souvent lié la France et l’Europe, face à l’Afrique. Est-ce à comprendre que la volonté affichée par Paris de « rénover » ses relations avec l’Afrique passe désormais par l’Europe?
Je suis originaire d’un pays qui est membre de l’Union européenne depuis 2004 seulement [la Lettonie, ndlr]. La France, elle, en est un pays-clé. Tout en défendant ses intérêts en Afrique, la France défend aussi les intérêts européens. Car désormais, la France ou l’Europe, c’est presque la même chose. Si les relations entre les pays européens sont parfois assez dures, personne ne croit en Europe que chaque pays peut trouver seul sa place dans le nouveau processus de la mondialisation. C’est d’ailleurs la même chose pour l’Afrique. L’Union africaine augmente la puissance de chacun de ses membres. Reste qu’entre la France et l’Afrique, les relations sont particulières. Il y a de l’amitié. Lors des sommets UE-Afrique, on a 53 pays d’un côté, 27 de l’autre, c’est plus formel.

« Que l’Europe reste le partenaire privilégié du commerce africain »
L’UE a fait de la sécurité alimentaire l’une de ses priorités en Afrique, regrettez-vous que ce sujet n’ait pas vraiment été débattu à Nice?
Oui. L’Union européenne a beaucoup travaillé sur cette question. Nous avons mis en place de nombreux instruments pour aider les pays africains. Oui, il y a un problème, oui il faut travailler, ce n’est pas quelque chose de nouveau. Mais le sommet Afrique-France s’est concentré sur trois problèmes plus profonds: la gouvernance mondiale – question sur laquelle il n’y a pas d’unité, ni du côté européen ni du côté africain -, la sécurité – car il est difficile de parler de sécurité alimentaire s’il y a la guerre – et enfin le changement climatique, car sans cette coalition UE-Afrique, il n’y a aucune chance d’avoir un accord contraignant.

Où en sont les négociations sur les Accords de partenariat économique* (APE) entre l’Union européenne et l’Afrique?
Nous allons très bientôt aborder le sujet lors d’une rencontre entre la Commission de l’Union africaine et la Commission européenne. Nous parlons beaucoup de ce thème. Le temps presse pour trouver un accord. Mais de nombreux problèmes demeurent et il faut trouver des solutions. Mon collègue, [le commissaire européen au Commerce] Karel de Gucht est très engagé sur ce sujet. Mais il ne faut pas se contenter de dire « il n’y a pas de bonne solution » ou « il faut utiliser l’argent de l’aide au développement ». Car ça ne marche pas. Le partenariat commercial doit être équitable et intéressant à la fois pour les Africains et pour les Européens. Il faut faire des efforts des deux côtés.

Les APE ont souvent été critiqués, notamment pour être essentiellement pilotés par la division Commerce de la Commission européenne…
C’est faux. Bien sûr, le commerce est très important pour l’Afrique. Mais notre intervention est aussi politique. Personnellement, je souhaiterais que le commerce figure en meilleure place dans les agendas africains et européens. On parle beaucoup d’Etat et de partenariat économique, mais il serait souhaitable de parler d’investissements. Il faut discuter des relations commerciales en profondeur, car sans le commerce, le système ne fonctionne pas. Pour le moment, nous perdons une partie du marché africain, notamment avec l’arrivée de la Chine et de l’Inde. Ça ne m’inquiète pas beaucoup, mais j’aimerais bien que l’Europe reste le partenaire privilégié du commerce africain. Pour nous, l’Afrique, c’est important, ce n’est pas seulement du gaz et du pétrole.

*Les accords de partenariat économique de l’UE sont les accords que l’Union européenne négocie avec les six régions d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP, divisée en six zones régionales). Ceux-ci sont censés remplacer le volet commercial de l’accord de Cotonou du 23 juin 2000, qui prévoyait notamment une série de préférences commerciales. Ils visent notamment à créer des zones de libre-échange d’ici à 2020 entre l’Union européenne et chacune des six régions ACP investies dans les négociations.

Marianne Enault, à Nice. – leJDD.fr

Mercredi 02 Juin 2010

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