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A l’occasion des dernières élections communales, la mission d’observation européenne, quinze équipes de deux observateurs, pour 1 961 bureaux, se discrédite en reconnaissant « la bonne tenue du processus de vote » pourtant ubuesque.
Un très mauvais signe pour la présidentielle de juin.
Avec quinze équipes de deux observateurs pour 1961 bureaux de vote, « notre rôle est strictement technique. En aucun cas, il ne peut être politique ». Tommaso Caprioglio, chef adjoint de la Mission d’observation électorale de l’Union européenne au Burundi est très sérieux.
Il le faut, car le pays vient de se lancer ce mois de mai, dans un marathon de scrutins. Élections communale (24 mai), présidentielle (28 juin), législative (juillet), et collinaires (septembre), cette année est donc le premier vrai test de la démocratie burundaise issue des accords d’Arusha : la possibilité d’une alternance.
- Alexis Sinduhije, journaliste et candidat à la prochaine présidentielle
- En meeting à Bujumbura. DR, Olivier Carles
Mais depuis cinq ans, malgré la cessation de la guerre, la dérive policière du gouvernement de Pierre Nkurunziza – leader du CNDD FDD – ancienne rébellion armée – aura à peine suffi à masquer la dramatique stagnation du pays.
Incompétence, corruption sont les mots qui reviennent dans toutes les bouches. Dans la rue le sentiment le plus partagé est qu’il « faut que cela change ». Pour cela le pays s’est lancé tout entier dans le grand cirque démocratique, à coups de meetings, de programmes plus ou moins populistes, et de la réintégration du dernier grand parti issu du Hutu Power : le Palipehutu FNL.
Il y a deux ans encore, ses militants menaient une lutte armée contre le gouvernement au nom de la « défense du peuple hutu », cette même « défense » qui conduisit le mouvement à revendiquer en 2005 le massacre de 170 réfugiés Banyamulenge du camp de Gatumba, sorte d’épilogue d’une décennie de violences et massacres.
Mais l’amnistie est ici une vraie religion, aussi Agathon Rwasa leader adulé et illuminé de la « légitimité hutu » peut-il désormais se produire comme la principale force d’opposition. En lice aussi, les figures immuables de la politique nationale, Uprona et Frodebu, sagement alignées derrière leurs figures tutélaires Louis Rwagasore et Melchior Ndadaye. Et puis un nouveau venu, Alexis Sinduhije, journaliste indépendant au discours résolument moderne et éloigné de toute ambiguïté communautaire.
De l’argent soudanais pour les élections
Les éléments sont sur la table et dans les mains d’une Commission électorale indépendante chargée de l’organisation des scrutins. De la campagne proprement dite, retenons surtout les démonstrations de force du FNL, aux militants surmotivés défilant des journées entières à Bujumbura et se rassemblant par groupes de 20 000 pour tenter d’apercevoir Agathon Rwasa prononcer son discours au milieu d’une protection hermétique de dix policiers en cercle autour de lui, l’impact du MSD, surprise relative, aux meetings conviviaux éclairés par le charisme d’Alexis Sinduhije, et enfin le budget énorme de la campagne du parti au pouvoir, sans commun rapport avec les autres.
T-shirts, casquettes, alcool, vélos (!) distribués, les bus du CNDD FDD sont toujours allés très loin sur les collines pour rassembler des foules énormes. Dans ce pays de rumeur, s’il est bien une certitude confirmée discrètement par les ambassades, c’est que l’argent du pouvoir vient du Soudan.
Mais qu’à cela ne tienne. Jusqu’à la fermeture du vote, tout le monde semblait croire en l’objectivité du scrutin. Certes, il y eut quelques faits « d’organisation » comme la distribution ubuesque de cartes électorales non triées, ou le défaut d’impression de bulletins de vote de quelques partis.
Il y eut aussi le soudain report de trois jours de l’élection, annoncé la veille au soir de la date initialement prévue, mais c’est un fait : le 24 mai, le pays a massivement voté pour ses communes. Premier test de la valeur électorale de chaque parti depuis cinq ans, l’opposition croyait fermement en ses chances. Avant de se prendre une douche froide. 90%. C’est grosso modo le nombre de conseils remportés par le CNDD FDD sur l’ensemble du pays.
Un score soviétique rectifié
Le chiffre parle trop vite ? Il est vrai que le scrutin était observé par les mandataires de chaque parti. mais le dépouillement a eu lieu le soir, dans l’obscurité seulement éclairé par quelques bougies. Et puis le 28, sur la base de rectifications arithmétiques et sémantiques, le chiffre national est brutalement rendu « raisonnable » : 65%.
Il demeure que 115 conseils sur 129 seront aux mains du président en exercice.
Dès lors, à défaut de la preuve irréfutable d’une tricherie à grande échelle, il ne reste que la présomption, le doute. En l’occurrence, le processus électoral était parfois aléatoire, manque de bulletins, présence de policiers armés près des urnes, mauvais comptes de votants, disparition de procès verbaux, etc…
Mais aussi la peur, et l’expression discrète d’un ultimatum : « Nous ou le retour à la violence… » Les partis de l’opposition ont aussitôt dénoncé le scrutin et réclamé une nouvelle élection.
Mais plus tard la mission d’observation européenne a vite publié un communiqué reconnaissant « la bonne tenue du processus de vote ». Il est vrai qu’avec quinze équipes de deux observateurs, pour 1961 bureaux, dans un pays ou les déplacements se comptent en heures, la Mission bénéficie d’un crédit incontestable.
Dans ce contexte, la validation du vote par l’UE endosse un rôle politique certain, n’en déplaise à M.Caprioglio. Drapé dans une légalité gracieusement accordée par l’Europe, Pierre Nkurunziza peut d’ores et déjà se frotter les mains pour la suite : avec une opposition aussi liliputienne, la seule question pour l’élection présidentielle à venir sera, pour lui, de trouver un allié pour ne tout de même pas battre un record « soviétique ».
Une donne finalement assez comparable à celle du Rwanda voisin , à ceci près que cette année il n’y aura pas d’observateurs à Kigali. Même pas la peine.
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