L’ex-patron de l’« Opération turquoise » « oublie » avoir lui-même mis en cause le plus haut niveau de l’État à propos de la propagande génocidaire.

L’ouvrage du général Lafourcade (1), ancien commandant de l’« Opération turquoise » au Rwanda (juinjuillet 1994), sortant ces jours-ci, clame haut et fort son objectif : réfuter les mises en cause de cette intervention militaire, accusée d’avoir choisi le camp génocidaire contre son adversaire du Front patriotique rwandais. Il se réfère au rapport de la Mission d’information parlementaire dirigée par l’ancien ministre Paul Quilès, lequel concluait que la France avait certes commis des « erreurs » dans son analyse, mais qu’elle ne pouvait être soupçonnée de la moindre complaisance à ce propos. À cela près que ledit Rapport Quilès est contredit par de nombreux documents contenus dans les tomes d’annexes censés l’étayer. Contradiction qui se retrouve dans les écrits du chef de « Turquoise ». Un exemple cruel en est fourni par ses confidences successives concernant la Radio des Mille Collines (RTLM) dont la propagande avait accompagné, organisé des tueries indissociablement politiques (les Hutu de l’opposition démocratique) et racistes (les familles tutsi). La RTLM a continué d’émettre en toute tranquillité à partir de la « zone humanitaire sûre » constituée par « Turquoise ». Reprenant le vocabulaire de Quilès, le général parle d’une erreur d’analyse dont il se juge seul responsable : « J’ai compris trop tard les effets dévastateurs de la Radio des Mille Collines […] Je n’ai pas assez mesuré la violence de l’impact que ce média pouvait générer », déclare-t-il ainsi. Peut-être, mais…

Interrogé en février 2006, le patron de « Turquoise », parlant de la RTLM, confiait à son interlocuteur qu’au début de l’intervention, il avait « envisagé de monter une opération spéciale, car on arrivait à la localiser. Mais cela m’a été refusé par l’état-major des armées. Je le regrette car on sait faire ce genre de chose ». À la question « Faut-il voir là une décision politique ? », le même enfonçait le clou : « Un coup comme ça, le chef d’état-major va demander au premier ministre ou au président…  » (2) Traduction : le refus d’interdire les émissions de la RTLM est venu soit de l’Élysée, soit de Matignon, le soldat, lui, n’a fait qu’appliquer la consigne…

JEAN CHATAIN

(1) Opération Turquoise. Rwanda 1994. Éditions Perrin, 2010. (2) Dialogue rapporté page 336 du livre de Gabriel Périès et David Servenay, Une guerre noire. Enquête sur les origines du génocides rwandais, 1959-1994. Éditions la Découvertes, 2007.

L’ARMÉE FRANÇAISE AUX CONTRÔLES

Les militaires français ont-ils participé aux « barrières », dressées par les forces armées du gouvernement raciste, en place jusqu’en 1994 ? Page 167 du rapport de la Mission parlementaire : « Les forces françaises ont, entre février et mars 1993, mis en place un dispositif de surveillance des accès de Kigali […] sous forme de patrouilles et de check-points […] Comment défi nir l’action limitée au soutien de la gendarmerie rwandaise chargée des opérations de contrôle, si ce n’est sous la forme d’une coopération ? »

 

http://www.humanite.fr/2010-06-23_International_Rwanda-94-le-general-Lafourcade-a-un-trou-de-memoire

Posté par rwandaises.com