La fin de la Guerre froide a vu naître un ordre nouveau dominé par les États-Unis. En effet, pendant longtemps, les Occidentaux ont dominé le monde grâce à leur puissance militaire. C’était la période de l’épée. Mais l’ordre de l’épée s’est terminé avec la disparition de la menace communiste. À sa place, un ordre nouveau a vu le jour, caractérisé par la prédominance des paradigmes occidentaux. 

Cet ordre, que l’on qualifie d’ «ordre normatif occidental», est celui de la dominance culturelle et intellectuelle, contrairement à l’ordre ancien qui était coercitif et militaire. Les États-Unis, qui ne considèrent certainement plus la Russie comme un ennemi potentiel, du moins théoriquement et idéologiquement, ont révisé leur doctrine militaire en se tournant vers des ennemis asymétriques. 

Mais au départ, il a fallu faire accepter à l’opinion internationale l’idée d’un danger universel et global : le terrorisme. Pour ce faire, les nouveaux maîtres du monde, néoconservateurs, ont élaboré un discours officiel fait de thèmes assez suggestifs: terrorisme international, intégrisme musulman, guerre civile, réchauffement climatique, développement durable, ajustement structurel, initiative pays pauvres très endettées, désengagement de l’État et privatisation. Cet univers intellectuel, structuré avec des paradigmes nouveaux et à la gloire du modèle social de l’Occident, et particulièrement américain, est désormais le seul modèle sur lequel doit reposer toute action publique. À première vue, la quête sociale de ces préceptes semble évidente. Mais dans les faits, ce n’est pas du tout le cas. Dans plusieurs pays d’Afrique, les entreprises privatisées n’ont pas trouvé de preneurs par manque de financement et insuffisance d’infrastructures : routes, chemins de fer, ports, aéroports, énergie mais aussi et surtout étroitesse des marchés intérieurs. Dans bien des cas, ces trains de mesures ont généré une périphérie barbare faite de pauvres, de miséreux. Souvent, entretenus et instrumentalisés par des lobbies, ces désespérés versent dans la drogue, l’alcoolisme, la violence et le terrorisme. Pourtant la réponse à la lancinante question de la pauvreté peut se trouver à l’intérieur même du continent. L’une des solutions se trouve dans l’intégration régionale à travers la construction de vastes ensembles politiques, économiques et monétaires viables. Ces ensembles, outre le renforcement de l’unité politique au niveau panafricain, amèneront la croissance économique et le développement à travers l’intégration des marchés au niveau régional. Mais après plusieurs années d’expérience, l’on constate que ces initiatives régionales, axées surtout sur des aspects politiques, n’ont pas contribué à améliorer la situation économique des pays.

C’est le cas, par exemple, de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC). En effet, dès sa création, la CEEAC s’est assigné les missions de promotion du dialogue politique dans la région et la création d’une union douanière ainsi que l’établissement de politiques sectorielles communes. Mais à l’orée des années 1990, plusieurs de ses États membres ont connu des crises au point de rendre cette organisation inopérante. Dès lors, les questions de paix et de sécurité ont pris le devant de la scène au détriment de l’intégration économique. Aussi l’intégration physique peine-t-elle à se réaliser depuis. En l’absence d’une monnaie unique, les principales transactions commerciales et financières entre les États se font avec le dollar ou l’euro, autres instruments normatifs de domination de l’Occident.

À côté donc de ce monde normal vivotent des hommes et des femmes dont le seul tort est d’être nés dans les pays marginalisés. Des périphéries barbares faites de drogués, de sans-papiers, d’immigrés, de clandestins, de terroristes, tous de pauvres gens qui peinent à trouver la voie du salut. De véritables désespérés créés par cet ordre injuste qui incarne l’orgueil et la domination des puissants.

Il faut affirmer que le salut de l’Afrique réside dans la réalisation de son intégration régionale. La constitution de vastes ensembles politiques et économiques régionaux ou sous-régionaux procurera aux Africains les éléments nécessaires pour garantir sa sécurité et réaliser son développement social et économique.

Avec plus d’un milliard d’habitants aujourd’hui et plus de deux milliards dans un quart de siècle, l’Afrique est bien partie pour se frayer un chemin sur la trajectoire des grands ensembles de ce monde. Mais plus que les ressources, ce dont on aura besoin en Afrique c’est d’une réelle volonté de changement et une perspicacité dans la réalisation des projets en cours et à venir.

Emmanuel Mbengué

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Posté par rwandaises.com