Pauline André – Libération


« Les tribunaux français pourront juger uniquement des auteurs de crimes français, statuer sur des crimes commis en France ou envers des victimes françaises. »

L’Assemblée nationale a définitivement adopté ce mardi une loi par laquelle la France adapte le droit pénal français à la Cour pénale internationale (CPI), marqué par un vif débat sur la « compétence universelle » qui permet de poursuivre un génocidaire résidant habituellement en France.

La France faisait en effet partie des Etats qui n’avaient toujours pas transposé dans leur droit national le statut de Rome, qui prévoit que chaque pays signataire peut juger des affaires relevant du droit international. C’est désormais chose faite.

Cette loi, permettant à la France de juger d’affaires relevant du droit international, est vivement critiquée par des députés de l’opposition comme de la majorité, ainsi que par des ONG de défense des droits de l’homme. Tous dénoncent l’entorse faite au principe de compétence universelle car le texte ne se rapporte qu’aux seuls criminels de nationalité française ou résidants en France (criminels accusés de génocide, crime contre l’humanité ou crime de guerre…).

Vifs débats à l’Assemblée

La gauche, qui a voté contre, et une partie de la majorité voulaient remplacer la condition de « résidence habituelle » en France par celle de simple présence sur le territoire.

Le député-maire, Yanick Paternotte (UMP), a tenté en vain un compromis en remplaçant le mot « habituellement » par « temporairement ». Il est directement concerné : le médecin rwandais Eugène Rwamucyo, visé par un avis de recherche d’Interpol pour son implication présumée dans le génocide des Tutsis en 1994, a été interpellé fin mai dans sa commune de Sannois (Val-d’Oise).

« Les tribunaux français pourront juger uniquement des auteurs de crimes français, statuer sur des crimes commis en France ou envers des victimes françaises », regrettait Simon Foreman, d’Amnesty international, au lendemain de la publication du rapport de l’organisation fin mai. « Consternation »

Pour Michel Tubiana, de la Ligue des droits de l’homme (LDH), « cette loi consacre l’impunité ». De son côté la Coalition française pour la Cour pénale internationale (CFCPI), collectif d’associations, a exprimé sa « consternation » après l’adoption définitive de la loi au Parlement.

« Les Eichmann ou les Pinochet de demain pourront venir en France sans risque d’être inquiétés tant qu’ils n’installent pas dans notre pays leur « résidence habituelle » », a déploré dans un communiqué la CFCPI.

La France ne sera donc pas en mesure de juger des auteurs de crimes de guerre africains par exemple, ni de protéger les victimes de nationalité étrangère.

L’adoption de cette loi a lieu quelques semaines après la publication du rapport 2010 d’Amnesty International qui soulignait principalement « une faille dans la justice mondiale ». En adoptant cette loi, qui n’adapte que partiellement les statuts de la CPI en droit français, la France entretient cette « faille » et va à l’encontre de son engagement auprès de la Cour pénale.

13 juillet 2010 – Libération – Vous pouvez consulter cet article à :
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Posté par rwandaises.com