(Syfia Grands Lacs/Rwanda) Les Rwandais, jeunes et adultes, suivent avidement les émissions de radio qui parlent de la sexualité, de la reproduction ou de la vie de couple. Ces sujets longtemps tabous dans les familles commencent à y être abordés, pour, entre autres, lutter contre les MST et les grossesses non désirées.

Dans le taxi qui va de Kigali à Muhanga, au sud du Rwanda, la musique vibre. Tout à coup, le chauffeur change de fréquence et soudain, tous les passagers se taisent et écoutent attentivement l’émission Imenye nawe (Connais-toi toi-même) de la radio Salus de l’Université nationale du Rwanda. On y traite sans détour de la sexualité, de la vie de couple, de la reproduction. Les auditeurs posent des questions parfois crues sans aucune gêne. « Je fais cette émission parce qu’en tant que femme je sentais que parler de la santé reproductive était une responsabilité de la femme plutôt que de l’homme », dit Emma Claudine Ntirenganya.
Depuis six ans, le Rwanda a lancé un programme de lutte contre les maladies sexuellement transmissibles (MST) et les grossesses non désirées en incitant les parents à parler de la sexualité à leurs enfants. Spots télévisés et radios, publications, discussions lors d’événements communautaires, tout est mis en œuvre. Radio Salus, Radio Rwanda qui diffuse une émission tous les samedis sur la famille, et certaines radios privées ont suivi.
« Non seulement, les jeunes des villes et des campagnes ont cette soif d’apprendre, constate Mukunzi Robens, journaliste à Radio 10, mais certains couples, qui ignorent le fonctionnement de leurs appareils reproducteurs, ont envie d’en connaître davantage. »

« Émissions sataniques »
Cependant, pour de nombreux Rwandais parler de la sexualité en public ne se fait pas : « C’est l’émission là qui parle des sexes, qui revient ce matin ? Comment les gens autorisent-ils de telles émissions sataniques sur les ondes ? » « Et pourquoi alors les suis-tu jusqu’au bout ? » se querellent deux jeunes coiffeurs de Muhanga.
Certains adultes sont conscients des méfaits de ce silence habituellement entretenu sur ces sujets : « Ma mère ne m’a jamais parlé de sexualité. Je m’informais auprès de mes amies qui, elles, me donnaient des informations approximatives », se souvient une femme de Kigali. « A la puberté, quand ma mère m’envoyait acheter pour elle des serviettes hygiéniques à la boutique, elle me disait ‘va acheter le pain des grands’ et je ne savais pas ce que c’était”, confie cette fille de Huye au Sud qui, ignorante, a considéré ses premières règles comme une malédiction. Ce manque d’informations a de lourdes conséquences : « La première fois que j’ai couché avec un garçon, j’ai été enceinte. La seconde fois aussi. J’ai mal découvert ma sexualité », regrette une femme de Ruhango, au Sud.
Le ministère de l’Éducation a pourtant un programme à l’école primaire pour apprendre aux élèves le fonctionnement de l’appareil reproducteur des hommes et des femmes. Mais les enseignants, esclaves de la culture du tabou, ont honte d’en parler. Dans une école primaire de Muhanga, les enseignants ont préféré confier à une femme expérimentée dans le domaine social le soin d’apprendre aux élèves à connaître leur corps.

« Si nous ne les informons pas, le monde les informera mal »
« Il faut que les parents parlent à leurs enfants. Quand ils les laissent seuls, ils apprennent par imitation », tempête Komayombi Ismaël, 50 ans auteur de plusieurs livres sur l’éducation sexuelle. « J’ai écrit ces livres et je suis passé sur les antennes des radios pour donner ma contribution au changement de la société. Et, curieusement, ce ne sont pas les seuls jeunes qui sont intéressés mais aussi des familles. »
Il est temps que les parents informent directement leurs enfants « parce que les temps ont changé », souligne une femme de Nyamagabe, au Sud. « Si nous ne le faisons pas, dit-elle, le monde les informera mal. Fini le temps où les parents disaient à leurs enfants que les bébés sortent par le nombril, par exemple », Un cri d’alarme entendu par certains parents jeunes comme elle : « Moi, je donnerai des notions de sexualité à ma fille aînée dès qu’elle aura à sept ans. Demain, elle peut être violée ou trompée par ses camarades ! Et puis si je ne l’informe pas, elle s’informera mal sur Internet ! » Car on voit des enfants de l’école primaire dans les coins des cybercafés en train de regarder des photos ou des films pornographiques…
Les journalistes sont donc bien décidés à continuer leurs émissions. Emma Claudine Ntirenganya est très déterminée : « Je veux contribuer à la diminution des grossesses non désirées et responsabiliser plus les hommes parce qu’ils ont tendance à attribuer tout aux femmes. »

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Posté par rwandaises.com